Hollande laisse "mourir de faim et de soif les personnes en fin de vie", selon l'ADMD
INTERVIEW - En cette journée mondiale du droit à mourir dans la dignité, Philippe Lohéac, le délégué général de l'association pour le droit à mourir dans la dignité appelle à légaliser l'euthanasie.
Euthanasie. (photo d'illustration)
Crédit : BULENT KILIC / AFP
Euthanasie. (photo d'illustration)
par Philippe Peyre publié le 02/11/2016 à 17:36
Ce mercredi 2 novembre est la Journée mondiale du droit à mourir dans la dignité. À cette occasion, l'association du droit à mourir dans la dignité (ADMD) a lancé une campagne en reprenant le célèbre "J'accuse" d'Émile Zola pour défendre ses revendications. "Vous êtes coupable de laisser mourir de faim et de soif les personnes en fin de vie", accuse l'ADMD, en interpellant directement François Hollande, Manuel Valls, le premier ministre mais aussi le gouvernement, le parlement ou encore directement Jean Leonetti, auteur de la loi relative à la fin de vie en 2005.
Avec cette formule choc, l'ADMD vise tout particulièrement le fait que l'alimentation et l'hydratation sont considérés comme des traitements et non plus comme des soins : "Avec cette disposition, lorsque la décision est prise d'arrêter le traitement, le patient se voit administré un sédatif profond et définitif et il n'est plus alimenté et hydraté. Le corps meurt mais d'épuisement", explique Philippe Lohéac, délégué général de l'association du droit à mourir dans la dignité. "Si l'on prend le cas de Vincent Lambert, avant que sa mère n'intervienne, il a fait l'objet d'une sédation profonde. Il a donc été privé d'alimentation et déshydraté pendant 31 jours", martèle Philippe Lohéac.
Seule la parole du patient doit primer
Philippe Lohéac, délégué général de l'association pour le droit à mourir dans la dignité
Pour l'association, c'est la volonté du patient qui doit être maître : "Nous ne souhaitons évidemment pas que la loi oblige mais qu'elle rende possible l'euthanasie et le suicide assisté. Si un patient souhaite l'acharnement thérapeutique, il faut qu'il en ait le droit. Mais c'est à lui de décider et seule sa parole doit primer".
Pourtant, la loi Leonetti de février 2016 prévoit justement que le patient puisse exprimer sa volonté dans le cadre de directives anticipées et, s'il n'en a pas émis, qu'un proche puisse décider à sa place. "Sauf que le décret sur la création du fichier national des directives anticipées n'a pas été publié. Donc les médecins n'ont pas accès à la volonté qu'aurait pu formuler le patient", dénonce le délégué général de l'ADMD.
Trahison de François Hollande
Derrière la campagne choc de l'association pour le droit à mourir dans la dignité se cache une colère. Celle d'individus qui se sentent trahis par François Hollande : "Quelques mois avant l'élection présidentielle, le parti socialiste avait déposé une proposition de loi pour légaliser l'euthanasie. Manuel Valls en était le rapporteur et François Hollande l'avait signée", indique Philippe Lohéac.
Dans son engagement numéro 21, le candidat Hollande a en effet formulé son intention de légiférer sur la fin de vie : "Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable (...) puisse demander à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité". Une promesse dans laquelle on ne retrouve pas précisément la notion de légalisation de l'euthanasie. "François Hollande avait pourtant assuré que cet engagement allait reprendre la proposition de loi déposée par les socialistes", déplore le délégué général de l'ADMD. "Sauf que de commissions en jurys citoyens, rien n'a changé. C'est une trahison".
Si le Président de la République y est favorable, pourquoi avoir reculé ? "C'est la puissance du lobby médical qui bloque au Parlement mais aussi celle du lobby catholique", avance Philippe Lohéac qui estime que la société française y est favorable : "Les Français sont prêts. Les sondages montrent que 90% de la population est favorable à la légalisation de l'euthanasie".