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| Sujet: "La mort opportune"Jacques POHIER(livre) 31.10.11 13:43 | |
| Livres Le 10 septembre 1998 à 11h33 La bonne mort. Les temps sont-ils mûrs pour une mort librement assumée? Ancien dominicain, Jacques Pohier expose les raisons qui le font militer pour l'euthanasie et le suicide assisté. Jacques PoHier: La Mort opportune. Les droits des vivants sur la fin de leur vie, Seuil, 366 pp., 130 F. Par MARONGIU Jean-Baptiste «La mort n'est pas à l'intérieur de la vie comme un corps étranger qui lui serait contraire; elle est à l'intérieur de la vie comme tous les autres âges de l'existence: elle fait partie intégrante de la vie elle-même. La mort ne nous est donc pas contraire et n'est pas notre adversaire. Elle n'est pas même notre partenaire ou notre compagne, car cela supposerait qu'elle soit autre que nous, différente de nous comme l'est un partenaire ou une compagne. Elle est en nous, elle fait partie de notre vie, elle fait partie de nous.» De la mort, ça fait une vie que Jacques Pohier s'en occupe. En tant que théologien, d'abord: il n'a quitté (en 1989) l'ordre dominicain où il était entré en 1949 que bien après sa condamnation par le Vatican en 1979, à cause notamment de son livre Quand je dis Dieu (Seuil, 1 977) et de ces études «hérétiques» sur la doctrine catholique à la lumière des sciences de l'homme. En tant que laïc, ensuite: sans ressources, Jacques Pohier est embauché en 1984 comme employé de bureau à plein temps par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), dont il deviendra secrétaire général puis président, jusqu'à son récent départ à la retraite. Cette double expérience est le fond sur lequel est venu mûrir la Mort opportune (1). Jacques Pohier aurait préféré appeler «tempestive», au sens où elle vient à temps, la mort telle qu'il l'entend mais cet adjectif dérivé du latin n'existe malheureusement pas en français. «Opportune» a alors fait l'affaire: comment mieux dire qu'une mort vient à temps, sinon qu'elle «nous pousse vers le port»? Qu'on ne se méprenne pas: le port dont il est ici question n'est pas l'au-delà. Elevé dans la foi catholique traditionnelle, puis professionnel de la chose, Jacques Pohier continue à croire en Dieu, mais ne croit plus désormais à une vie après la mort, au moins dans le sens d'une vie individuelle, avec primes, châtiments et places afférentes. Pour lui, la «mort opportune» est plutôt à rapprocher de la «bonne mort» des anciens. Celle-ci, contrairement aux souhaits actuels, ne venait pas à l'improviste et dans l'inconscience du mourant, mais lui laissait le temps de se préparer, de la voir venir. Cette mort apprivoisée peut en revanche avoir partie liée avec l'euthanasie, et non seulement parce que ce mot d'origine grecque veut dire à la lettre bonne mort. Jacques Pohier milite pour l'euthanasie (et pour le suicide assisté), car aujourd'hui la mort a changé pour ainsi dire de nature. On ne redoute plus la «mort faucheuse» d'autrefois, qui décimait et terrorisait les vivants, notamment les jeunes, mais l'actuelle prolongation indéfinie de la vie qui conduit un nombre croissant de personnes au terme de leur existence après une longue période de sénescence, impotence, solitude, misère, souvent inhumaines. N'est-il pas vrai que chaque année en France 70% des gens meurent en institution contre seulement 30% à leur domicile, soit 371 000 contre 164 000? Sa propre mort appartient à chacun d'entre nous, comme le corps malade est tout autant le nôtre que le corps bien portant. Mais la mort n'est pas la chose la plus importante qui nous arrive dans notre vie, une fois qu'on a accepté notre condition naturellement mortelle. Choisir sa mort veut dire alors oeuvrer pour lui empêcher de nous gâcher la fin de notre vie. Jacques Pohier le reconnaît: il souffrirait énormément comme tout un chacun si sa femme, les enfants de cette dernière ou ses amis venaient à lui manquer de manière «intempestive». Lui-même, à 70 ans, a la tête pleine de projets, mais si un accident ou une maladie survenait? L'euthanasie volontaire demandée par la personne désirant mettre un terme à une vie devenue invivable, et administrée par un médecin consentant pourrait être la solution. Mais l'euthanasie est assimilée à un meurtre par la loi française et n'est reconnue par aucune législation au monde, alors qu'on n'échappe pas à l'acharnement thérapeutique. Du moins elle ne donne pas lieu, ailleurs, à des poursuites. Reste le suicide, en tant qu'acte libre et dernier témoignage de notre foncière humanité. Mais il est techniquement difficile, si on écarte les manières violentes, et plonge celui qui choisit cette voie dans la solitude, car l'aide au suicide aussi est un crime. D'où la nécessité urgente de légiférer: «J'ai deux convictions très fortes: d'une part, l'euthanasie volontaire fait partie de l'ensemble des droits que des êtres humains ont sur la fin de leur vie; d'autre part, il faut changer la loi qui en fait actuellement un assassinat pour qu'une nouvelle loi proclame ce droit et en protège l'exercice.» Avec la sacralisation grandissante de la plus infime parcelle du vivant, les temps ne semblent pas encore mûrs pour une mort librement assumée, mais l'étaient-ils au début des combats (dont Jacques Pohier a été) pour l'avortement ou pour la prise en compte et le traitement de la douleur à l'hôpital? Il reste donc optimiste: «J'ai souvent échoué, en tout cas en première instance, mais vingt ou trente ans plus tard ce pourquoi j'ai combattu est maintenant inscrit dans les pratiques et dans les convictions.» (1) Suite à un accord entre Seuil et les Editions 00 h 00.com, ce dernier essai de Jacques Pohier est disponible sur Internet à partir du site www.00 h 00. com., simultanément à sa parution en librairie. |
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