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Le 22 avril 2005 était votée la loi Leonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie. Après de nombreux débats et consultations, la mission parlementaire présidée par Jean Leonetti, praticien hospitalier et député-maire d’Antibes, avait mis au point ce texte précisant les
droits des patients et les
pratiques à mettre en œuvre lorsque la fin de vie se fait proche. En 2008, la mort de Chantal Sébire suscite une vive émotion et relance le débat sur l’euthanasie : nombreux sont ceux qui réclament une évolution de la législation. Cependant beaucoup - dont le ministre de la santé - considérant qu’il ne faut pas légiférer sous le coup de l’émotion, la loi n’a pas été fondamentalement modifiée ni remplacée par une autre.
Après quelques
définitions indispensables, nous nous arrêterons sur les
principaux points de cette loi, puis nous verrons si elle a un rapport avec le «
mourir vivant ».
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Il convient d’abord de définir les mots ou expressions souvent employés lorsque l’on traite de ce sujet. Certaines erreurs peuvent en effet prêter à confusion.
Tout d’abord, l’étymologie du mot
euthanasie qui vient du grec : « eu » : bien et « thanatos » : mort. L’origine du mot indique donc l’idée d’une bonne mort, d’une mort douce.
Aujourd’hui, on entend par euthanasie le geste délibéré par lequel un soignant ou un proche abrège la vie d’une personne atteinte d’une maladie incurable et souffrant de douleurs insupportables. L’intention est donc de
donner la mort.
Peut-on faire une distinction entre « euthanasie passive » et « euthanasie active » ? L’ «
euthanasie passive » consiste en un geste ou en l’omission d’un geste qui va hâter le moment de la mort sans vouloir intentionnellement faire mourir. L’ «
euthanasie active » consiste en un acte volontaire dont le but est d’abréger la vie du patient.
L’emploi, dans les deux cas, du mot euthanasie risque de créer des malentendus et il vaudrait mieux renoncer à l’expression «
euthanasie passive », alors que celui qui la « pratique » n’a pas l’intention délibérée de donner la mort.
En 2000, le
CCNE ( Comité consultatif national d’éthique ) a défini le mot « euthanasie » comme suit :
Celle-ci consiste en «
l’acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable ».
Le «
suicide assisté » consiste en l’aide du médecin qui montre au patient comment se suicider.
Dans la Charte des soins palliatifs, l’ «
acharnement thérapeutique » est l’ « attitude qui consiste à poursuivre une thérapeutique lourde à visée curative qui n’aurait comme objet que de prolonger la vie sans tenir compte de sa qualité, alors qu’il n’existe aucun espoir raisonnable d’obtenir une amélioration de l’état du malade ». C’est ce que l’on appelle encore «
obstination déraisonnable ».
On trouvera aussi les expressions «
euthanasie directe » : acte dont l’intention est de donner la mort, «
euthanasie indirecte » : acte dont l’intention est le soulagement de la douleur par l’administration à hautes doses de produits comme la morphine ; dans ce cas, la mort est un effet secondaire, mais non recherché, du traitement.
On parle aussi du«
du double effet » lorsqu’ un traitement peut avoir deux effets, l’un bon (soulagement de la douleur), l’autre mauvais (anticipation de la mort). On ne confondra donc pas «
effet prévu » et «
effet voulu » : l’effet prévu peut parfois être voulu, mais il peut ne pas l’être.
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Voyons maintenant ce que dit la loi Leonetti, qui renforce les droits du patient et instaure des droits spécifiques au patient en fin de vie. L’objectif est de préserver la
dignité de la personne et la
qualité de la fin de vie, ainsi que de réconforter son entourage.
Le médecin doit informer le patient, faire en sorte de soulager sa souffrance et l’assister moralement. Lorsque les soins semblent inutiles et qu’ils n’ont pour but que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être mis en œuvre.
Par contre, le
refus de l’acharnement thérapeutique ne signifie pas que tous les soins sont arrêtés. L’équipe doit, au contraire, accompagner le patient et lui prodiguer des soins adaptés à la fin de vie. Des
soins palliatifs doivent donc être mis en place.
Le droit au refus de l’obstination déraisonnable est donc reconnu, et les modalités de ce refus sont définies.
Le médecin, en effet, n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort du patient. Mais, dans le but de soulager la souffrance, et même si cela doit avoir pour effet secondaire d’abréger la vie, la loi Leonetti l’autorise à administrer des
antalgiques à haute dose ou, dans certaines situations exceptionnelles, à pratiquer la
sédation, qui provoque la perte de conscience. Le but recherché est le soulagement de la douleur du patient.
Comment décide-t-on s’il y a ou non acharnement thérapeutique ? C’est d’abord le patient qui doit répondre, s’il est conscient. Sinon, en respectant une
procédure collégiale, il y a consultation de l’équipe soignante et d’un autre médecin sans lien hiérarchique avec le médecin du service et n’appartenant pas à l’équipe qui prend en charge le patient.
Cette procédure doit être notée dans le dossier médical, et le patient, la personne de confiance ou la famille doivent être informés.
Comment respecter au mieux les souhaits du malade s’il est inconscient ? Lorsqu’une personne se trouve en phase avancée d’une maladie grave et incurable, elle peut choisir une personne de confiance et rédiger des directives anticipées.
Toute personne majeure a donc le droit de désigner une
personne de confiance (parent, proche ou médecin traitant) qui sera consultée si elle se trouve dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté. Cette désignation se fait par écrit et elle est révocable à tout moment. La personne de confiance peut accompagner le malade dans ses démarches et l’assister lors des entretiens médicaux pour l’aider dans la prise de décision.
Pour que l’on connaisse ses volontés au cas où, le moment venu, il serait inconscient ou incapable de s’exprimer, le patient peut rédiger des
directives anticipées. Il s’agit d’un document écrit, rédigé par une personne majeure et indiquant nom, prénom, date et lieu de naissance du patient. Si celui-ci est dans l’impossibilité d’écrire, deux personnes (dont la personne de confiance) attestent que le patient ne peut rédiger le document mais que celui-ci est bien l’expression de sa volonté libre et éclairée.
Les directives anticipées sont modifiables et révocables à tout moment dans les mêmes conditions. Elles ont une validité de trois ans, renouvelables par un document daté et signé.
Voilà donc, en résumé, le contenu de la loi Leonetti.
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En quoi cette loi favorise-t-elle ou ne favorise-t-elle pas le «
mourir vivant » ?
On pourrait dire qu’en refusant au malade le droit à l’euthanasie ou au suicide assisté, elle lui impose de continuer à vivre même s’il ne se juge plus
digne de rester dans la communauté humaine parce qu’il est diminué, dépendant, plus regardable. Tandis que, si la loi permettait euthanasie ou suicide assisté, la personne pourrait partir avant d’avoir trop honte d’elle-même, laissant ainsi à sa famille et à ses proches une image plus décente, ressemblant à ce qu’elle était avant la maladie.
Mais « où commence
l’altération de l’image de soi ? Quand devient-elle insupportable ? Aux yeux de qui ? L’ami véritable n’est-il pas aussi celui qui accueille la détresse et la vulnérabilité de l’autre ? » ( Jacques Ricot, Dignité et euthanasie – Ed. Pleins feux, 2003 )
Est-ce parce que je suis atteint d’une maladie, que je n’ai pas demandée, et qui me diminue, me défigure ou me rend dépendant, est-ce pour cela que je n’ai plus aucune dignité aux yeux de mon entourage ? Si l’on répond affirmativement, n’est-ce pas faire bien peu de cas d’un être humain – même diminué – et de notre capacité à être solidaires les uns des autres et à nous soutenir mutuellement ? Ce raisonnement peut se comprendre chez celui qui a peur d’être un poids pour les autres. Mais cela peut-il être le raisonnement de l’entourage ?
Et puis, qu’est-ce que la
dignité ? Consisterait-elle seulement à ne pas donner une mauvaise image de soi ? Alors on devrait juger indignes de vivre tous ceux qui continuent à vivre malgré une image dégradée ? Et que fait-on de la dignité de celui à qui l’on réclame l’euthanasie ? Ne l’instrumentalise-t-on pas en lui demandant de commettre un geste meurtrier ? Que fait-on de sa liberté d’être humain ?
Et c’est au nom de cette même
liberté que l’on demande le droit de mourir. Mais mourir n’est ni un droit ni un devoir puisque, de toute façon, notre condition humaine est d’être mortels.
Reste la question de la douleur. Est-il humain de laisser quelqu’un attendre la mort dans des
souffrances épouvantables ? La loi Leonetti se trouve aussi éloignée de l’acharnement thérapeutique que de l’euthanasie : on ne laisse pas souffrir le malade, on peut lui administrer de très fortes doses d’antalgiques, même si la mort doit s’ensuivre. Et, si ce n’est pas suffisant, on peut pratiquer la sédation, qui endort le patient.
Hypocrisie, dira-t-on, puisque de toute façon on aboutit au même résultat, la mort. Mais peut-on mettre au même plan «
droit de mourir ou de faire mourir » et «
droit de laisser mourir » ? Dans le premier cas, on supprime la douleur en supprimant le malade. Dans le deuxième cas, on supprime la douleur et le maintien artificiel de la vie ( alimentation par sonde, etc. ). On laisse mourir,
on permet de mourir à celui que l’on a cherché avant tout à
accompagner et à soulager jusqu’à la mort, celle-ci étant la conséquence du traitement de la douleur, et donc de la maladie.
Nous sommes des êtres de relation. Si nous ne sommes plus en
relation, sommes-nous vraiment vivants ? Celui qui est malade meurt-il plus vivant si l’on accède à sa demande de mourir ? Cette demande veut dire : « Je ne veux plus vivre avec vous car je ne vaux plus rien ». Et l’on répond : « D’accord » ?
Celui qui refuse l’acharnement thérapeutique fait aussi un
choix digne d’un être humain
lucide, il exerce sa liberté, et point n’est besoin pour cela de demander l’euthanasie ou le suicide assisté. De plus, il reste en relation avec les siens, aussi longtemps qu’il est conscient. Et, même inconscient, que sait-on de ce qu’il perçoit ?… N’est-ce pas mourir vivant que de pouvoir encore communiquer avec les siens, leur transmettre un message, recevoir ou donner un pardon permettant de partir en paix ? Et si le malade est inconscient mais que les siens sont près de lui, lui permettant de mourir, mais l’accompagnant jusqu’au bout, n’est-il pas plus vivant ?
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La loi Leonetti propose une voie qui respecte et le malade, et son entourage, et les soignants. Elle permet au médecin de ne pas se trouver seul face à la décision et d’agir dans la transparence. Elle
renforce les droits du malade, le rôle de la personne de confiance, de la famille et des proches, tout
en ne passant pas par la dépénalisation de l’euthanasie. On est là dans une réponse on ne peut plus humaniste à la question de la fin de vie.