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| Urgence(s) et fin de vie | |
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| Sujet: Pratiques médicales face à la fin de vie 17.09.11 22:33 | |
| Enquête sur les pratiques des médecins face à la fin de vie Le Monde.fr | 07.09.11 | 13h47 • Mis à jour le 07.09.11 | 18h22 Le cas du docteur Nicolas Bonnemaison, cet urgentiste de Bayonne soupçonné d'avoir pratiqué des euthanasies actives sur sept patients en fin de vie, pose la question des pratiques des médecins dans l'accompagnement de la mort de leurs patients. Selon les premiers éléments de l'enquête, l'urgentiste aurait agi seul, sans respecter la procédure collégiale voulue par la loi Leonetti du 22 avril 2005 sur la fin de vie. Une attitude qui tranche avec la grande majorité des accompagnements de fin de vie des praticiens hospitaliers qui s'appuient au contraire sur la loi pour encadrer leurs pratiques médicales. En France, le cadre législatif offre en théorie au patient l'assurance que sa volonté sera respectée s'il n'est plus en mesure de la formuler. Il peut désigner une personne de confiance, et rédiger des directives anticipées sur ce qu'il souhaite si son état de santé se dégrade. Mais encore faut-il qu'il le fasse, car la loi Leonetti souffre d'être largement méconnue. Les médecins hospitaliers qui reçoivent des patients en fin de vie sont ainsi souvent confrontés à de difficiles questionnements éthiques. Concrètement, les urgentistes, et les réanimateurs, qui reçoivent le résident grabataire en maison de retraite dont l'état s'aggrave subitement ou le patient en difficulté respiratoire atteint d'un cancer, n'ont presque jamais ces directives anticipées entre les mains. Comment prendre alors la décision de réanimer ou pas, sans tomber dans l'acharnement thérapeutique ou choisir à tort de tout arrêter ? Eric Maury, réanimateur à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris, décrit ses nuits de garde à chercher les numéros des familles sur Internet pour essayer de savoir, par exemple, si le patient était autonome, s'il marchait, s'il avait exprimé un souhait quelconque. Aux urgences cérébrovasculaires de l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, Sophie Crozier, neurologue, se pose la question en d'autres termes. Les patients qu'elle reçoit, victimes d'une attaque cérébrale, se réveilleront peut-être avec des lésions neurologiques sévères. Auraient-ils accepté cet état, faut-il poursuivre les traitements ? "On est conscient de décider de la vie ou de la mort. On se demande si la vie avec ce handicap mérite d'être vécue, si la mort n'est pas préférable..." Dans tous les cas, le médecin ne doit pas se retrouver seul pour décider. Aux urgences de Nantes, ils sont au moins deux à se mettre autour de la table. "Et on associe le plus souvent, l'interne et l'infirmière", précise Philippe Leconte, responsable de l'unité d'accueil de médecine aux urgences. A l'hôpital Bichat, à Paris, l'équipe mobile de soins palliatifs apporte un regard extérieur, et répond au besoin de collégialité imposé par la loi. Sophie Crozier a instauré une réunion "AVC grave" avec l'ensemble du service, lorsque le cas d'un patient le nécessite. Autant de bonnes pratiques relativisées par l'urgentiste Philippe Leconte. Une étude qu'il avait menée sur les morts aux urgences, en 2005 lors de l'entrée en vigueur de la loi sur la fin de vie, montrait que dans 20 % des cas, la décision, de limiter ou d'arrêter le traitement, avait été prise en solitaire. "Il n'est pas certain que dans les petites unités, cette situation ait beaucoup évolué." Une fois une première orientation esquissée, les familles sont informées de la situation. Elles se rangent bien souvent derrière l'avis médical de ne pas poursuivre les traitements puis de mettre en place les soins palliatifs. " On met très fréquemment de la morphine pour soulager le patient. Cela va probablement diminuer le temps de vie, mais il partira dans la dignité", explique ainsi Philippe Leconte, qui se défend de toute pratique d'euthanasie. "C'est l'application de la loi qui exige de répondre à la souffrance." "La loi n'a pas transformé nos pratiques mais les a clarifiées. Elle a fait avancer les choses sur le devoir de soulager le patient, même si cela doit altérer son état, abonde Christophe Tournigand, praticien hospitalier en oncologie médicale à Saint-Antoine. On utilise beaucoup plus simplement l'Hypnovel, un anxiolytique de la classe des benzodiazépines, pour apaiser les situations très douloureuses", ce qui aboutit à les plonger dans le coma. Quant aux demandes claires d'euthanasie active, les hospitaliers affirment n'y être quasiment jamais confrontés. "Des patients qui disent : "J'en ai marre, je voudrais que ça se termine docteur", c'est plus fréquent. Mais il ne faut pas aller trop vite. Cette phrase ne signifie pas forcément qu'ils veulent en finir", met en garde le Dr Tournigand. A l'Institut de cancérologie Gustave-Roussy, à Villejuif (Val-de-Marne), une équipe de psycho-oncologues forme les infirmières et les médecins à interpréter ces demandes, "qui sont rarement des demandes d'euthanasie", assure Sarah Dauchy, psycho-oncologue. "Il faut chercher à savoir si cette demande vient du patient et non de la famille ou des soignants qui n'en peuvent plus, détaille-t-elle. Est-ce que le patient n'est pas confus, comme c'est souvent le cas en fin de vie ? La demande n'est-elle pas liée à une souffrance physique ou une angoisse, que l'on peut calmer ? Il ne s'agit pas de juger, mais il faut permettre au patient de retrouver sa dignité et avoir le même raisonnement qu'avec un jeune. Pourquoi lorsqu'un adolescent formule cela, on parle d'idée suicidaire, et dans le cas d'un vieux, c'est une demande d'euthanasie ?" Une des difficultés du débat provient de l'absence de données épidémiologiques fiables. Pour essayer d'y voir plus clair, l'Observatoire de la fin de vie devrait prochainement publier une étude sur la réalité des pratiques euthanasiques et des prises en charge en fin de vie menée avec l'Institut national d'études démographiques. Emeline Cazi Source Le Monde.fr : http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/09/07/enquete-sur-les-pratiques-des-medecins-face-a-la-fin-de-vie_1568828_3224.html#ens_id=1558674 |
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| Sujet: Urgence(s) et fin de vie 26.09.11 19:24 | |
| La fin de vie en état d'urgences Libération, mercredi 14 septembre 2011
Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris XVe), au service des urgences : une femme arrive en fin d’après-midi avec son père très âgé, manifestement en grande difficulté respiratoire. Le vieil homme est en bout de course. La fille et le père attendent. Finalement, le médecin des urgences décide de garder le vieil homme. La femme quitte les urgences vers 22 heures, laissant des souhaits clairs : la prévenir si la situation de son père s’aggrave, elle n’habite pas très loin. Elle veut être là.
Elle revient le lendemain, vers 13 heures. Ne trouve plus son père. S’interroge. On lui apprend qu’il est mort. «Mais quand ?» demande-t-elle. «Vers minuit», lui dit-on. «Pourquoi ne m’a-t-on pas prévenue ?» Pas de réponse. On lui indique que le corps de son père est dans une chambre. Elle s’y rend. Et là, c’est l’effroi. Il a été comme oublié : sur son corps, il y a toujours plusieurs perfusions, rien n’a été fait, ni préparé. Et c’est elle, qui, à bout, les lui retire.
Négligence.«J’en ai pleuré quand on m’a raconté cette histoire», explique la responsable d’une association. Certes, tous les décès ne se déroulent pas ainsi, dans une terrible négligence humaine. Mais les faits sont là : les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses à mourir aux urgences. Rien n’a été conçu ni préparé pour. Parfois, elles restent sur des brancards, d’autres fois non. Tout cela n’est pas nouveau, mais c’est presque devenu la routine. Chaque équipe se débrouille, au gré des disponibilités et des tempéraments. A l’hôpital de Bayonne, le Dr Bonnemaison, soupçonné d’avoir abrégé la vie de sept patients âgés, était bien seul. Il a été laissé en liberté sous contrôle judiciaire, hier, par la cour d’appel de Pau, après avoir été mis en examen pour «empoisonnement sur personnes particulièrement vulnérables».
Aux urgences de l’hôpital Tenon à Paris, «nous avons de plus en plus de personnes âgées qui arrivent, et qui meurent, raconte le professeur Etienne Hinglais. Autour de 120 décès par an, soit un tous les trois jours. 90% des morts [dans le service, ndlr] sont des personnes âgées.»A Nantes, le chef des urgences du CHU, le professeur Philippe Lecomte, comptabilise, lui, un décès de personne âgée par jour. «Cela fait maintenant plusieurs années que l’on connaît cela.»
Comment meurt-on aux urgences, en France ? «Nous avons publié en 2010 la plus grosse étude multicentrique sur plus de 2 500 décès, dans 174 services d’urgences en France», détaille le Pr Lecomte. Cette passionnante étude a rencontré peu d’écho, alors que les résultats sont impressionnants : la moyenne d’âge de la personne décédant aux urgences est de plus de 77 ans. Pour près de 80% des personnes décédées, une décision de limitation ou d’arrêt des traitements a été prise ; en clair, une décision d’euthanasie passive. Pour 58% d’entre elles, cette décision a été discutée avec la famille ou des proches. En moyenne, la mort survient rapidement, dans les sept heures suivant l’arrivée aux urgences.
Bref, des décès particuliers, rapides, et dans lesquelles la médecine est très présente. Dans les années 80-90, on mourait beaucoup dans les services de soins (chirurgie, cancérologie, etc.) des hôpitaux ; ce n’est plus le cas. Dans ces unités très actives, les personnes âgées ne sont pas gardées. Elles sont renvoyées chez elles ou dans leur maison de retraite.
Ensuite ? Souvent, au dernier moment, tout le monde panique. En maison de retraite, la seule aide-soignante présente va se sentir dépassée. Appelle le Samu. Alors, la personne mourante revient aux urgences, dans un état de grande fragilité clinique. Que faire ? «Même dans un service aussi débordé que le nôtre, raconte le professeur Hinglais, tout le personnel considère que c’est notre mission de nous en occuper. On essaye d’en faire une priorité.» Au CHU de Nantes, même sentiment : «Nos règles sont claires. La personne âgée en fin de vie est toujours mise dans une chambre seule, et les visites sont possibles, quelle que soit l’heure.» Appeler les unités de soins palliatifs ? Le Pr Hinglais sourit: «Il y a six mois d’attente. Alors, on s’en passe. Nous avons deux chambres seules, et on essaye de les accompagner dans la dignité.»
Défi.D’autres aspects de l’étude du Pr Lecomte sont impressionnants, comme les décisions d’arrêts ou de limitation de traitements. Ces décisions ne sont qu’en partie collégiales, alors que la loi l’exige. «A 80% elles sont prises par deux médecins», qui associent dans 27% des cas les infirmières. Plus troublant, sur les 8% de patients en état de prendre part à la discussion sur la limitation de leur propre traitement, seulement un tiers d’entre eux y est effectivement associé.
Quant à l’usage d’antalgiques puissants (la sédation), dont un des effets est d’accélérer la fin de vie, pas de réponse. «Nous ne l’avons pas étudié. A Nantes, c’est au cas par cas. La sédation permet d’avoir une mort plus douce. Tout est écrit et consigné», explique le Pr Lecomte. Lui et les autres urgentistes le savent : tout le défi est dans ce décalage entre la réalité et le souhait de la personne âgée, de ne pas mourir dans un service d’urgence, aussi bien soit-il. |
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