Nicolas Menet, l’homme qui jusqu’au bout s’est battu pour une fin de vie digne pour tous
Fin de vie
Publié le 06/02/2023 à 16h57 - Mise à jour le 06/02/2023 à 17h14 par Agnès Duperrin - Lecture en 3 min
Nicolas Menet
Silver ValleyNicolas Menet est mort samedi 4 février 2023 d’un glioblastom de grade 4, cancer du cerveau agressif et incurable, découvert il y tout juste a un an. Il avait 43 ans, et portait de par sa profession et son histoire un regard unique sur l’actuel débat sur la fin de vie.
Sociologue, spécialiste des questions de longévité qui le passionnaient, Nicolas Menet dirigeait Silver Valley, le premier "pôle d'innovation européen dédié à la longévité" créé en 2013. Avec un temps d'avance, il avait compris les enjeux sociétaux de la révolution démographique actuelle, et choisi d'œuvrer à son niveau, avec pragmatisme. Se rendre utile, c'est aussi ce que très vite il a décidé de faire lui-même, une fois découverte la terrible maladie qui le condamnait à courte échéance, il en a vite pris conscience, et l'a rapidement accepté, accordant sa confiance aux équipes médicales qui le suivaient. Alors, entre les opérations –"il y a un an, exérèse d'une tumeur grosse comme une orange", confiait-il sur Twitter le 18 janvier dernier-, les traitements, la découverte des soins palliatifs, et la mise en ordre de ses affaires, il décide de mettre les quelques mois de répit qui lui sont accordés au service d'une question clef: comment assurer à chacun une fin de vie digne? "Je veux pouvoir mourir comme j'ai vécu: libre", clame-t-il face caméra dans une vidéo choc mise en ligne en novembre 2022, qui cumule plus de trois millions de vues.
Nicolas Menet
Le Cherche-midi
Etre soi-même engagé dans une fin de vie chronométrée, voilà qui vous plonge dans le grand bain des réflexions sur cette thématique. Alors il se lance, prend la plume, soutenu par son éditeur Le Cherche Midi, qui a promis de l'accompagner pour son quatrième et dernier livre. Il sera consacré à "l'incroyable aventure de la fin de vie". Direction: le grand public. Le titre: "Faire le deuil de soi", étape indispensable pour arriver à la mort l'esprit serein. Il met toutes ses forces dans l'écriture de ces chapitres, alors qu'il doit faire face à des troubles neuro-dégénératifs précoces qui lui brouillent la vue, ralentissent ses mouvements, mais, heureusement, lui laissent la plupart du temps l'esprit et la parole clairs. Il veut transmettre son message, aider la société à faire une révolution culturelle en sortant du déni et de la peur de la mort.
Innovant jusqu'au bout, il reçoit les journalistes de la presse écrite et de l'audiovisuel en refusant toute exclusivité. Chacun doit s'engager à ne rien publier avant la sortie du livre . Vendredi 20 janvier, deux semaines avant sa mort, ma collègue Cécile Dard et moi-même passons une heure avec lui. Lors de cette conversation intense et d'une grande simplicité, il explique, argumente, partage avec nous ses propositions pour améliorer la fin de vie de tous les citoyens. Et des idées, il en a, pas si compliquées à mettre en place! Cette conversation est enregistrée, à sa demande: il veut pouvoir témoigner, y compris à titre posthume. Ce n'est pas lui qui importe, mais ce que son histoire, son engagement professionnel, ses nombreuses rencontres avec des acteurs du monde économique, social, associatif, etc lui ont appris. Alors que je le remercie de l'effort qu'il vient de faire et du temps précieux qu'il nous accorde, il répond dans un sourire que des discussions comme celle-ci, au contraire, lui donnent de l'énergie.
Samedi 4 février, journée mondiale contre le cancer , Nicolas Menet a demandé, conformément à la loi, la sédation profonde , entouré de son mari, de ses parents, de ses sœurs, et sa meilleure amie. Son livre arrivera en librairie jeudi 16 mars 2023, juste avant le rendu des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Son interview sera disponible sur NotreTemps.com mercredi 15 mars 2023.
Rappelons que sous son impulsion, au sein de Silver Valley, 300 organisations de la Silver Économie ambitionnent de répondre aux besoins et usages des seniors et de leur entourage. Ce pôle réunit aujourd'hui 4500 professionnels et 9000 séniors bénévoles de 60 à 90 ans participant aux "actions en faveur d'une innovation utile". Il publie dans la foulée "Start-up, arrêtons le massacre" (Ed Dunod 2018), puis "Le grand livre de la longévité" (Ed Eyrolles 2019) et "Construire la société de la longévité" (Ed Eyrolles 2019). Son crédo: profiter de ce moment unique qu'est la vieillesse pour s'épanouir, apprendre à vieillir et à être heureux d'avancer en âge, retarder le vieillissement pathologique, repenser la société avec bienveillance pour l'adapter aux seniors…