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| Vianney Mourman | |
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| Sujet: Vianney Mourman 02.07.18 19:35 | |
| Mais qui donnera la mort ? Un insoutenable geste médical.
LE MONDE | 13.12.2012 à 16h44 • Mis à jour le 14.12.2012 à 11h19 | Par Vianney Mourman (médecin responsable de l'équipe de soins palliatifs à l'hôpital Lariboisière(Paris)
Je suis médecin en soins palliatifs dans un grand hôpital parisien. Je suis tous les jours en relation avec des patients en fin de vie. A quelques jours de la remise du rapport sur la fin de vie demandé, par saisine du président de la République, au professeur Didier Sicard, je m'interroge sur ce qui paraît inéluctable à plus ou moins court terme : la légalisation de l'euthanasie. Cette idée est confortée par les sondages qui estiment à 92 % la proportion de Français favorables à cette légalisation. Au quotidien, je suis confronté aux souffrances des patients. Ils s'interrogent sur le sens de leur vie, de leur maladie et aussi sur ce qu'ils sont en train de vivre du fait de leur état de santé vacillant et de la confrontation avec leur finitude. Parmi ces patients, la plupart demandent à vivre, à gagner du temps. Ce temps qui leur est volé par la maladie et par ces souffrances qui les empêchent de le vivre.
D'autres, peu nombreux, demandent à mourir. Se pose pour moi le sens de leur demande : ne plus vivre comme ça, ne plus y trouver de sens, être dans l'appréhension de la souffrance, de la déchéance physique, de l'incapacité des médecins à trouver la juste mesure dans les traitements. Je l'entends comme un appel au secours qui justifie que tous les moyens soient mis en place pour atténuer leurs souffrances et ces moyens correspondent à ce que proposent les soins palliatifs.
Parfois, malgré cela, la demande de mort persiste et justifie d'être entendue. C'est dans ce cadre que serait justifiée l'euthanasie. Que serait l'euthanasie ? Donner la mort au patient, à sa demande ? Cela paraît simple... Et quelles en seraient les attentes ? Une bonne mort ? Une mort sans symptômes ? Vision idéaliste... Mourir, que ce soit programmé, désiré ou subi, restera un moment difficile, inacceptable.
Donner la mort est d'un autre domaine. Cela va contre le serment d'Hippocrate que j'ai prêté et le code de déontologie auquel je me suis soumis et auquel j'adhère. Cela renvoie à passer outre un interdit fondateur de notre société. Celle-ci peut-elle octroyer le droit de donner la mort ? Les chiffres publiés par l'Institut national d'études démographiques et l'Observatoire de la fin de vie montrent que la demande de mort est rare en fin de vie.
Qui, des 92 % des Français souhaitant la légalisation de l'euthanasie, connaît la loi Leonetti relative à la fin de vie, ce qu'elle apporte comme solution pour le soulagement de ces souffrances ? Qui, parmi eux, a déjà réfléchi à ce qu'est une obstination déraisonnable ? Qui sait que la loi nous autorise et nous incite à soulager le patient en fin de vie quelles qu'en soient les conséquences en termes de risque d'abrégement de la vie ? Qui, encore, sait que le droit, pour tout patient dont l'état le requiert, à avoir accès aux soins palliatifs est bafoué à cause du manque de moyens et de formation ? Cette loi est méconnue et, de ce fait, peu ou pas appliquée ; pourtant, elle apporte des solutions aux situations extrêmes rencontrées par les patients.
UN DÉSIR SOCIÉTAL
Si la société autorise l'euthanasie, qui en sera le bras armé ? Le médecin ? Les professionnels de santé ont choisi leur métier dans un espoir de guérir, de protéger la vie, et il leur reviendrait de l'abréger ? Cela me paraît contradictoire. Pourquoi, puisque c'est un désir sociétal, ne pas demander aux membres de cette société d'y participer ? Pourquoi ne pas demander à chacun d'entre nous au nom de qui ce droit serait donné de participer à cet acte d'euthanasie ? Un citoyen tiré au sort, par exemple. Il devrait assumer la réalité et la responsabilité de l'acte qu'il a autorisé et non pas le déléguer à l'autre, le professionnel.
Il me semble que le débat sur une légalisation de l'euthanasie est prématuré. Il introduirait un fort risque de déstabiliser notre collectivité en donnant un pouvoir de vie et de mort à l'un des siens. La première urgence, pour moi, consiste à donner des moyens pour améliorer la fin de vie en affirmant une volonté de notre société de soulager les souffrances. |
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| Sujet: Re: Vianney Mourman 02.07.18 19:40 | |
| Fin de vie : pour une vraie politique de soins palliatifs Publié le 01/07/2018 à 13:00 Vianney Mourman Vianney Mourman Responsable de l'équipe de soins palliatifs de l'hôpital Lariboisière, à Paris, doctorant en éthique.
La loi du 2 février 2016, modifiant la loi Leonetti du 22 avril 2005, a introduit un droit à une sédation profonde et continue jusqu'au décès. C'est un concept étonnant. Lors des discussions ayant mené à la ratification de la loi, le législateur a sûrement voulu ménager la chèvre et le chou. Ne pouvant contenter ceux pour qui la vie ne pouvait être abrégée sous aucun prétexte et les partisans du droit de décider librement du moment et des modalités de sa mort, le législateur a opté pour un entre-deux qui fait que le soignant ne donne pas la mort (il endort) et que le patient meurt. Affaire réglée, tout le monde est content. En pratique, ce n'est pas si simple : le patient, lorsqu'il fait une demande de sédation, ne souhaite-t-il vraiment que dormir ? Le médecin, lorsqu'il en fait la prescription, ne provoque-t-il pas la mort ?
Pour apporter une réponse claire à ce débat complexe, il convient d'abord d'éclaircir une notion, celle de « souffrance réfractaire ». Celle qu'aucun moyen ne peut soulager. Cette souffrance existe, je la rencontre. C'est le terreau de la demande de mort : le malade qui souffre dans son corps, dans son âme, dans sa relation à l'autre, peut ne plus trouver de sens à son existence. Une des réponses à cette souffrance réside sûrement dans un accès possible à l'euthanasie ou au suicide assisté. Toutefois, je voudrais tempérer l'évidence martelée et l'urgence à mettre en place ces dispositifs d'aide active à la mort.
Améliorer la qualité de vie ne permettrait-il pas d'éviter cet extrême de mal-être qui fait demander la mort, pour soi ou pour autrui ?
Bon nombre des patients qui ne veulent plus vivre, du fait des souffrances qu'ils endurent, n'ont pas eu réellement accès aux moyens de les soulager. L'attention portée à la qualité de vie du patient et de son entourage n'arrive que trop tardivement dans les préoccupations des soignants. Du fait d'un manque de motivation ou de formation, la prise en charge du confort est encore, souvent, considérée comme accessoire et secondaire. La plupart du temps, la priorité est donnée aux nobles et respectables thérapeutiques à visée curative. C'est dommage : médecines palliatives et curatives ne sont pas antinomiques. Qu'y aurait-il à perdre à proposer une approche précoce incluant ces deux entités ? Est-ce que cela ne participerait pas à l'amélioration du vécu de tous : patient, entourage et soignants ? Donner les moyens d'améliorer la qualité de vie ne permettrait-il pas d'éviter cet extrême de mal-être qui fait demander la mort, pour soi ou pour autrui ?
Je voudrais, par ailleurs, témoigner du fait que la plupart des patients que je rencontre présentent une « envie réfractaire de vivre ». Bien que gravement atteints, beaucoup de ces malades tiquent à l'idée de rencontrer mon équipe de soins palliatifs, qu'ils perçoivent comme une intrusion dans leur vie, annonciatrice de mauvais présages. Une fois rassurés sur nos intentions « pacifiques », ces malades, lucides sur leur état de santé, nous sollicitent sur l'éventualité de pouvoir entreprendre, à nouveau, un traitement visant à guérir leur maladie ou à en ralentir l'évolution. On est alors bien loin de cette demande de mort que l'on voudrait nous faire croire comme omniprésente.
Alors, faut-il légaliser la mort assistée ? Dès les années 2000, le Conseil consultatif national d'éthique émettait un avis favorable dans ce sens. L'élément important mis en avant était la notion d'exception. Peut-être est-il nécessaire de disposer de l'euthanasie ou du suicide assisté dans notre arsenal législatif, éventuellement en relais de la sédation ? Il me semble que, dans ce cas, d'une façon prioritaire, il existe un impératif à renforcer la place et les moyens des soins palliatifs dans la pratique médicale et au sein de la société. Cela permettrait de garantir que l'usage de cette mort assistée ne sera réservé qu'aux seules exceptions : ceux chez qui persiste une réelle souffrance existentielle. Et non pas ouverte à tous ceux qui n'auront pas eu accès à des soins de qualité.
Avant de briser le tabou d'une mort assistée, un vrai débat s'impose donc.
Les échanges tronqués auxquels nous assistons, portés par une partialité des choix éditoriaux, ne participent pas à une vraie réflexion de fond sur cette question si lourde de conséquences. Sortons du sophisme des bons communicants qui appuient leurs raisonnements sur des exemples exceptionnels et intimes présentés comme universalisables. Les solutions radicales qu'ils promeuvent semblent simples et évidentes, mais elles ne le sont pas. Donner la mort, choisir sa mort, voilà des questions qui méritent d'être approfondies sereinement. Et, surtout, n'oublions pas, choisir sa mort n'empêchera pas qu'elle se produise. |
| | | | Vianney Mourman | |
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