« Rester vivant jusqu’à la mort » : quel sens donner à sa fin de vie ?, une conférence publique très attendue à Lille
Publié le 10/11/2015
PAR PATRICK SEGHI
Rester vivant (et digne) jusqu’à la mort en cas de cancer… Ce thème fort sera débattu lors d’une conférence publique organisée le 18 novembre à 20 h à Lille Grand-Palais. Rencontre en avant-première avec Michel Reich, psychiatre au Centre Oscar Lambret, qui rappelle que l’on touche plus ici au savoir-être qu’au savoir-faire…
Confrontés à la fin de vie, les malades et leur entourage demandent souvent au médecin de pouvoir mourir dans la dignité.
« En situation de non-guérison (incurabilité) et de stade avancé de la maladie, l’accompagnement des patients nécessite une approche pluridisciplinaire dont l’objectif majeur est de privilégier le confort et la qualité de vie et ce jusqu’au décès. Ce qui implique de raisonner en termes de proportionnalité des soins, et de trouver le juste milieu entre obstination déraisonnable (continuer des traitements « agressifs » jusqu’au-boutiste) et abandon des soins.
Cet accompagnement porte à la fois sur le contrôle des symptômes d’inconfort physique (douleur, troubles digestifs, troubles respiratoires…) mais aussi d’inconfort psychologique (anxiété, angoisse, dépression…), existentiel et spirituel. Il convient donc d’intégrer dès que possible les soins palliatifs dans la prise en charge des patients atteints de cancer incurable ».
Lorsqu’on interroge le Dr Michel Reich, psychiatre au centre Oscar Lambret (spécialisé dans le traitement des cancers), sur ce qui le conduit à participer à une conférence publique organisée le 18 novembre prochain à Lille Grand-Palais, ce dernier fonde sa réflexion sur trois principes clés : « réactivité, anticipation et intégration complète des professionnels comme le médecin de la douleur, le médecin nutritionniste et la diététicienne, l’assistante sociale, le psychologue et parfois le psychiatre ». La prise en charge se faisant soit à l’hôpital, soit au domicile, par des structures de type réseaux ou hospitalisation à domicile, conjointement au suivi par le médecin traitant.
Cure et care
Chaque mot prononcé véhicule une charge émotionnelle qui n’échappe pas à ce professionnel aguerri. « L’expression prendre en charge un patient, est habituellement consacrée par l’usage mais peut être critiquée car elle comporte une connotation de lourdeur au sens de prendre en charge un fardeau. Il me semble important de distinguer le soin au sens du cure ou du care. Le cure renvoie à des soins techniques, une démarche de réparation. Ainsi, la prise en charge d’un patient en fin de vie peut se comprendre comme un ensemble de soins techniques assurant ses besoins élémentaires comme l’hydratation, la nutrition ou le traitement d’un problème médical donné (par exemple une infection ou un trouble métabolique). On se situe alors dans la dynamique de faire des soins à une personne donnée ». Le « care » renvoie à des soins qui, au-delà de la technicité, visent à restaurer l’autonomie et le confort du patient. Et l’accompagnement s’intègre justement dans cette dynamique du « prendre en soin » », complète le Dr Reich.
Lui prône « une attitude faite d’écoute, de présence, un cheminement aux côtés du patient, ni devant ni derrière, qui relève beaucoup plus d’un savoir-être que d’un savoir-faire, et qui ne s’apprend pas dans les livres… Au-delà des compétences techniques, vont se surajouter des valeurs telles que l’humilité, la sensibilité, la délicatesse et la générosité qui vont restaurer toute l’humanité du soin prodigué non pas à une maladie mais bien à une personne malade. C’est ce qui constitue, me semble-t-il, toute la déontologie du soin. »
Dans la dignité
Confrontés à la fin de vie, les malades et leur entourage demandent souvent au médecin de pouvoir mourir dans la dignité. « Cette notion guide souvent la façon dont les professionnels de santé vont accompagner la personne en fin de vie. En effet, la perte de dignité et de sens accordée à la vie qui reste, est souvent une raison évoquée par les patients et leurs familles pour abréger leurs souffrances . »
Pour Michel Reich : « Perdre sa dignité renvoie le plus souvent à la perte de l’estime de soi, à la dépendance envers autrui, à la perte d’une image de soi qui n’est plus conforme à ce que l’on souhaiterait. Elle est donc souvent associée à de la détresse émotionnelle voire de la dépression, à une perte d’espoir, à un sentiment d’être une charge pour les proches et in fine à un désir de mourir plus intense ».
Une valeur absolue
Le psychiatre du COL tient également à rappeler « que la notion de dignité, telle que mentionnée dans la déclaration universelle des droits de l’Homme, est une valeur absolue, qui fonde notre humanité. En ce sens, elle ne peut pas se perdre de façon intrinsèque, mais elle peut ne pas être respectée, que ce soit dans les actes ou dans le regard porté sur la personne ». Pour ce dernier, la recherche de sens donnée à la vie peut aussi « s’entendre pour les patients comme une manière de garder un contrôle ultime sur une vie qui est en train de leur échapper ». « Il existe certaines approches psychothérapeutiques, importées des pays anglo-saxons (entre autres la thérapie de la dignité, la thérapie basée sur la pleine conscience), qui permettent de soulager la souffrance existentielle chez les personnes en fin de vie et de les aider à continuer à trouver du sens, à utiliser leur potentiel, à préserver leurs valeurs afin de les encourager dans la réalisation de leurs derniers projets. Nous pourrions résumer cela par rester vivant jusqu’à la mort »
Conférence publique organisée dans le cadre du 32e congrès de la Société française de psycho-oncologie, le mercredi 18 novembre à 20 h à Lille Grand-Palais. « L’objectif de cette soirée est de donner des réponses aux interrogations des patients et de leurs proches pour rendre à la mort, pas seulement en fin de vie mais également dans le parcours de soins, une place de possible à vivre et de possible à penser ».
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