Fin de vie : le consentement est souvent bafoué. Rédigez vos directives anticipées !
Publié le 19-05-2015 à 14h06 - Modifié le 20-05-2015 à 07h16
Par
Daniel CarréDélégué national de l'ADMD
LE PLUS. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a adopté, en avril dernier, un avis sur le consentement des personnes âgées vulnérables. Pour Daniel Carré, délégué national de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, cet avis était nécessaire, car les décisions graves sur le devenir d'un individu sont souvent prises sans son accord.
Édité par
Anaïs Chabalier Auteur parrainé par
Rozenn Le Carboulec Voici un sujet qui nous concerne tous. Les décisions graves sur le devenir d’une personne sont hélas souvent prises sans consulter l’intéressé. C’est un manquement grave aux droits de l’homme.
C’est pourquoi la
CNCDH a adopté le 16 avril 2015 un
avis très important sur le consentement des personnes âgées vulnérables en réponse à une saisine de Madame Laurence Rossignol, Secrétaire d’État en charge des personnes âgées.
Des personnes âgées vulnérables sans protection La vulnérabilité d’une personne implique la mise en place de mesures de protection qui ont fait l’objet d’une transformation très importante dans la loi du
5 mars 2007. Cette loi définit les modalités de protection de la personne, qui n’est plus une personne incapable comme dans la législation antérieure.
Le juge désigne un curateur ou un tuteur,
mandataire judiciaire à la protection des majeurs (professionnel ou membre de la famille bénévole). Autre possibilité, la mise en place d’un
mandat de protection future signé entre la personne et un ou des mandataires choisis par elle, de préférence sous forme d’acte authentique notarié.
Il y a environ 800.000 personnes protégées en France. Les personnes âgées vulnérables sont au nombre de 1,5 millions, dont 500.000 vivent en établissement médicosocial. La confrontation de ces chiffres montre qu’un grand nombre de personnes âgées vulnérables ne dispose pas de mesure de protection.
Le consentement est quotidiennement bafoué L’expression du consentement est requis pour toute décision ayant un impact important sur la vie de la personne : choix du médecin, choix du lieu de vie, acceptation d’un traitement médical ou chirurgical. Même si la personne est protégée, le consentement doit être recherché par tous mes moyens, ni la famille, ni le tuteur n’ayant le pouvoir de se substituer.
Or ce principe est quotidiennement bafoué de manière grave pour les personnes âgées. C’est le cas des placements en
EHPAD. Une fois hébergée dans la maison de retraite, ce sont les consentement aux traitements médicamenteux : de nombreux cas montrent des utilisations abusives de somnifères et anxiolytiques, y compris des
benzodiazépines, qui constituent des camisoles chimiques pour rendre les nuits calmes.
Le recueil du consentement implique la compréhension de la décision proposée par la personne concernée et une capacité d’écoute adaptée aux difficultés qu’entraînent l’âge. La personne doit alors pouvoir bénéficier d’une aide et le Code de la santé a donné dans
la loi du 4 mars 2002 la possibilité de désigner une
personne de confiance.
L’avis de la CNCDH souligne enfin que la situation de vulnérabilité liée à l’âge justifie l’existence de procédure d’anticipation pour maintenir les droits et l’autonomie de la personne malade et vieillissante. Ce sont les
directives anticipées créées par
la loi du 22 avril 2005, que la future loi sur la fin de vie prévoit de rendre opposables et contraignantes.
Le monde de la vieillesse est celui du silence Les manquements au respect des droits de l’homme envers les personnes âgées vulnérables ne mobilisent pas l’opinion. Et ce, malgré des drames familiaux, des conditions déplorables de fin de vie ou encore des maltraitances sur des êtres vulnérables. Le monde de la vieillesse est celui du silence, personne n’élève suffisamment la voix pour souligner les conditions faites au grand âge et les souffrances de la fin de vie.
Le grand mérite de l’avis de la CNCDH est de faire un constat lucide des manques de notre système. Les lois ont évolué et apportent un cadre juridique complet, mais d’importants progrès sont nécessaires dans leur mise en œuvre.
Un premier axe de progrès serait d’intégrer les mécanismes de protection dans la coordination des prises en charges des personnes âgées en perte d’autonomie. Respect des droits, qui doit impérativement se combiner avec une approche éthique de la fin de vie.
Cela concerne principalement les mécanismes même de la mise en place des mesures de protection. Celles-ci sont prises sans intégrer le contexte médical et social de la personne. Le juge statue seul au vu d’un certificat médical rédigé après la consultation du médecin expert qui ne connaît pas la personne à protéger, ni son dossier médical et social. Les mesures de protection ne sont pas évaluées dans le temps, manquement particulièrement important pour les adultes jeunes. Les 100 ETP de juge des tutelles sont notoirement insuffisant pour gérer le système.
Ensuite, le contrôle notoirement insuffisant des mandats de curatelle et tutelle : le manque d’effectif dans les greffes en est la cause. Cette faiblesse des moyens de l’administration judiciaire permet trop d’actes frauduleux de gestion commis par des tiers indélicats, mandataire de justice ou tuteurs familiaux, tentés par l’argent et les biens disponibles, abusant des faiblesses des personnes vulnérables.
Enfin, l’avis souligne l’importance de la formation des personnes concernées. Elles doivent avoir une connaissance des domaines connexes : le juridique, pour les médecins et les personnels paramédicaux et médicaux sociaux, la santé pour les personnels juridiques.
Sortir du déni, c’est facile Cet avis repose sur le respect de notre liberté et sur notre attachement aux droits de l’homme hélas trop souvent oubliés pour les plus vulnérables, démunis, malades ou très âgés.
Certes, bien des établissements traitent très bien les personnes vulnérables, mais les apparences masquent souvent la réalité et la souffrance vécue. Quand nous sommes en pleine possession de nos moyens, l’urgence et l’importance des actions à conduire ne s’impose pas. Quand nous y sommes confrontés pour ceux que nous aimons, trop de situations parfois terribles surgissent.
"J’ai bien le temps de rédiger mes directives anticipées" est un propos que j’entends souvent. Une fuite devant la réalité, car l’accident de circulation ou de sport et la maladie surgissent à tous âges de la vie. Sortir du déni, c’est facile, même avec les plus jeunes, surtout si c’est pour faire connaître nos droits. "Puisqu’il faut bien mourir un jour" [
1] autant préparer cet instant inéluctable et imprévisible pour ne pas reporter des responsabilités sur nos proches et la société.
Trop peu de personnes rédigent des directives anticipées (2,5%) et le mandat de protection future n’est connu que par les spécialistes.
Rédigez donc vos directives anticipées, désignez une personne de confiance, étudiez avec vos proches l’opportunité d’un mandat de protection future. Vous disposerez ainsi d’outils pour préparer les décisions cruciales que la maladie ou l’âge vous forcerons à prendre. Vos consentements à un lieu de vie ou à un plan de soins médicaux et l’expression de vos volontés seront alors facilités dans les dialogues avec ceux qui vous sont chers et avec ceux qui vous soignent.
Pour signer la pétition de Nathalie Debernardi en faveur d'une loi autorisant le suicide assisté en France, c'est ici. [1] Titre de l’ouvrage de Véronique Fournier, éditions La Découverte, mai 2015