Est-il vraiment nécessaire de réformer la loi Léonetti ?
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Par Régine Calzia, Avocate et Hugo Fort, Etudiant.
- lundi 23 mars 2015
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http://www.village-justice.com/articles/squelettes/images/badge_pp.pngLe 17 mars 2015, l’Assemblée Nationale a adopté la proposition de loi « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » émanant des députés Jean Léonetti et Alain Claeys.
La loi a suscité de nombreux débats. Il s’agira ici de souligner les véritables enjeux soulevés par celle-ci et de répondre à la question de savoir si la nouvelle proposition permettra d’améliorer le sort des patients en fin de vie.
Une proposition de loi « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » fait actuellement l’objet d’un examen par la commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale.
Ce n’est pas la première fois que le Parlement se saisit de la question de la fin de vie. Depuis vingt ans, trois lois sont déjà intervenues :
- La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d’accès aux soins palliatifs ;
- La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades ;
- La loi du 22 avril 2005 dite « loi Léonetti ».
Dans un premier temps, il s’agira d’examiner les dispositions en vigueur actuellement.
La loi Léonetti a apporté beaucoup concernant la protection des malades quelle que soit leur affection.
Parmi les dispositions, on trouve la consécration des principes généraux garantis aux malades, notamment le droit à la protection de la santé et le respect de la dignité [
1].
Sur la question de la fin de vie, la loi prescrit au médecin de ne pas aller au-delà d’une « obstination déraisonnable ». La décision est prise collégialement par l’équipe médicale. En tout état de cause la volonté du patient, ou en cas d’impossibilité, celle de la personne dite de confiance, doit être recueillie.
La loi Léonetti met donc en place une forme de « laissez mourir » s’opposant au principe de l’euthanasie et d’une démarche de « faire-mourir ».
Au regard de ce que l’on vient de voir, la loi Léonetti apparaît sans aucun doute comme nécessaire. Néanmoins, que ce soit dans le procès du docteur Bonnemaison ou bien dans l’affaire Vincent Lambert, force est de constater que la question de la fin de vie fait encore débat.
En janvier 2012, alors candidat à l’élection présidentielle, François Hollande s’était engagé à ce que toute personne physique majeure «
en phase avancée d’une maladie incurable provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable » puisse bénéficier d’une «
assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».
Une fois élu Président de la République, François Hollande a mis en œuvre un long processus de concertation aboutissant à la production de 3 rapports sur la fin de vie.
Tout d’abord et à la demande de celui-ci a été constituée une Commission de réflexion sur la fin de vie présidée par Didier Sicard. Un rapport a été rendu à François Hollande le 18 décembre 2012.
Par la suite et sur la base d’un débat public, le Comité Consultatif National d’Ethique a rendu un nouveau rapport en date du 23 octobre 2014.
Finalement, les députés Jean Léonetti et Alain Claeys ont rendu un dernier rapport au Président de la République le 12 décembre 2014.
Dans le cadre de ce rapport , 3 axes d’évolutions sont mis en avant :
- Permettre dans des conditions similaires à celle de la loi Léonetti de procéder à une sédation profonde des patients en fin de vie qui en ont exprimé le souhait. A l’instar du souhait de certain de la reconnaissance d’un droit au "suicide assisté", la proposition de loi maintient le principe du « laisser-mourir » consacré notamment par la loi Léonetti.
- Le rapport préconise de rendre les directives anticipées, permettant à toute personne d’exprimer son souhait quant à sa fin de vie, contraignantes, alors que jusqu’ici celles-ci ne s’imposaient pas au médecin. Pour autant il faut nuancer : le médecin pourra toujours ne pas prendre en compte les directives si celles-ci apparaissent « manifestement inappropriées ».
- Une meilleure « diffusion de la culture palliative » au personnel hospitalier.
Ce projet de loi n’a pas manqué de susciter un grand nombre de réactions de la part du personnel hospitalier.
Tout d’abord, la loi Léonetti du 22 avril 2005 permet dès à présent de régler une grande majorité de situations. Selon plusieurs études récentes, le problème se situerait davantage sur la méconnaissance par les médecins des dispositions en vigueur.
Par ailleurs, le rapport produit par les députés Alain Claeys et Jean Léonetti parle d’une «
meilleure diffusion de la culture palliative ».
Cet aspect de la loi a quelque peu été oublié alors qu’il s’agit en fait du cœur de la problématique de la fin de vie.
Le débat sur la fin de vie a concentré l’attention sur l’euthanasie alors qu’un meilleur développement des soins palliatifs permettrait d’améliorer la situation réelle des patients en fin de vie.
La notion de « culture palliative » relève d’une forme « d’hypocrisie » dans la mesure où le problème ne se situe pas sur le terrain de la culture, mais plus essentiellement sur le terrain des moyens financiers et humains.
De meilleurs soins palliatifs permettraient de vider d’une grande partie de son contenu le débat sur l’euthanasie en rendant la fin de vie plus digne.
Le débat sur la fin de vie n’a donc pas fini de faire couler de l’encre en France. Reste à espérer que l’enjeu réel, celui du bien-être du patient en fin de vie, ne soit pas éclipsé par la question de l’euthanasie.
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