Fin de vie : "Ce n'est pas la loi qu'il faut"
Le Point - Publié le 10/03/2015 à 10:12
VIDÉO. Les députés se prononcent mardi sur un nouveau texte sur la fin de vie. Atteinte d'un cancer, Françoise Griso le juge insuffisant. Témoignage.
Françoise Griso est atteinte d'un cancer multiple, au visage et aux poumons.
Françoise Griso est atteinte d'un cancer multiple, au visage et aux poumons. © Capture d'écran / Le Point.fr
Par Pauline Tissot
Françoise Griso adore les Vosges, où elle vit depuis ses 17 ans. Elle adore ses enfants. Elle adore les animaux, et en a d'ailleurs fait son métier : toiletteuse pour chiens. À 55 ans, Françoise Griso adore aussi la vie. C'est une combattante. "J'ai eu une très belle vie, dit-elle. J'ai vu grandir mes enfants et j'ai fait tout ce que j'avais envie de faire." Elle parle au passé. "J'ai aujourd'hui une épée de Damoclès sur la tête, ça peut me tomber dessus n'importe quand..."
"Ça", c'est la perte d'autonomie. Une conséquence qui accompagne souvent une maladie grave. Françoise a eu un cancer à l'âge de 40 ans. Un cylindrome, touchant plusieurs parties de son visage. Les tumeurs enlevées, les os limés, Françoise est en rémission pendant quatorze ans quand la récidive intervient, en 2011, alors qu'elle s'apprête à ouvrir son premier salon de toilettage à Bruyères (88). Nouvelle opération du visage, nouvelles cicatrices, opération des poumons et enfin, il y a quelques semaines, opération des ganglions dans le cou. "Aujourd'hui, vous aurez peut-être des difficultés à l'imaginer, mais j'ai l'impression que ma tête, c'est du carton."
"Je ne veux pas que ma vie soit totalement pourrie par une fin de vie pareille"
"À la première opération, on ne pense pas à la fin de vie. Aujourd'hui, avec une récidive à 55 ans, on est forcé d'y penser. Et moi, j'ai peur de ce qui pourrait m'arriver désormais." Peur de quoi ? De se retrouver "dans les mains" des médecins et n'avoir plus d'autre choix que de se faire opérer de nouveau - et courir le risque d'être de nouveau défigurée - ou d'"agoniser pendant une semaine, un mois, un an". "Car c'est cela qui se passe aujourd'hui. Je l'ai vu dans les hôpitaux. On vous coupe l'eau et la nourriture, et cela peut durer longtemps. Qui ne souffre pas dans ces conditions ?"
"Personnellement, je n'ai pas peur de la souffrance physique, explique-t-elle. C'est la douleur morale qui est la plus difficile à supporter. Aujourd'hui, en France, on ne meurt pas bien. On meurt grabataire, branché à des fils, avec quelqu'un pour vous nettoyer. C'est humiliant. Je ne veux en aucun cas que mes enfants me voient dans cet état-là. Je ne veux pas que ma vie soit totalement pourrie par une fin pareille."
REGARDEZ son témoignage :
Françoise pense de plus en plus à la Belgique, à sa loi autorisant l'euthanasie pour les malades en fin de vie. Si elle a déjà tout planifié pour partir au "plat pays" quand elle "clignotera de partout", cette combattante espère toujours un bouleversement sur ce dossier en France. Avec une angoisse : "Mais si le nouveau texte sur la fin de vie est voté en l'état, va-t-il falloir attendre encore quinze ans pour avoir une nouvelle loi légalisant l'euthanasie ?"
Alors, elle dénonce avec force ce texte : "Ce n'est pas la loi qu'il faut. Elle sera sûrement bonne pour certains, mais elle ne sera pas applicable pour tout le monde, ce n'est pas possible. Les soins palliatifs ne seront accessibles que pour un très petit nombre de personnes. Par exemple, quand vous demandez de la morphine ici, on ne vous en donne pas comme ça. Il n'y en a tout simplement pas assez. Et on ne peut pas donner des médicaments à des gens pendant dix jours, un mois, six mois ! On n'en a pas les moyens !"
Quant à la sédation, principe phare du projet de loi qui propose l'endormissement profond des patients en phase terminale, Françoise juge la mesure hypocrite.