Fin de vie : quand Leonetti évoque "le droit au sommeil"... Une idée à dormir debout
Publié le 01-08-2014 à 16h27 - Modifié à 17h24
Par Pascal Landa
Président AAVIVRE sa fin de vie
LE PLUS. Est-ce que le malade "n'a pas au moins le droit de dormir pour ne pas souffrir avant de mourir ?" C'est la question posée par Jean Leonetti, interrogé sur France Inter ce jeudi. Des termes qui montrent à quel point les législateurs se trouvent dans une impasse à propos de l'euthanasie, pour Pascal Landa, président de AAvivre sa fin de vie.
Édité et parrainé par Rozenn Le Carboulec
Jean Leonetti dans son bureau, à Paris, le 03/11/2011 (F.DURAND/SIPA)
J'apprécie beaucoup cet homme qui se pose de vraies questions. Il reconnaissait à l'antenne que la médecine face à des fins de vies est incapable aujourd'hui d'éviter que les personnes souffrent, y compris moralement, et qu'il existe chaque année des dizaines de milliers de cas pour lesquels il faut trouver une solution.
La solution : le droit au sommeil
Mais quand, sur France Inter, il préconise dans le cadre de sa mission sur la fin de vie confiée par le président Hollande qu'il faudrait inventer le "droit au sommeil" j'ai la confirmation qu'il est, comme tous les législateurs face à une impasse dont il ne sait comment sortir.
Est-ce la solution de tenter de nous endormir face à cette réalité qui inquiète les Français ?
L'impasse de la loi Leonetti
Si dans le mouvement des quatre associations françaises pour le "droit de mourir dans la dignité", j'ai toujours défendu la loi Jean Leonetti 2005 car elle fait un petit pas vers la reconnaissance des droits des usagers de la santé, et comme Armstrong, il me semble que c'est un grand pas pour nos législateurs qui n'écoutent que les lobbys et leurs propres peurs.
L'énoncé du "droit au sommeil" confirme que la volonté de légiférer pour un acte d'euthanasie est une impasse. On ne peut pas améliorer la loi Leonetti car toute loi spécifique à l'euthanasie conduit à l'impasse du "tu ne tueras point".
Message à Leonetti et aux législateurs
Pourquoi traiter la mort, la médicalisation de la mort, en dehors de la relation soignant-soigné, qui est une relation connue, bien qu'aujourd'hui en pleine évolution ?
Le lien entre le soignant et le soigné a besoin d'être protégée par la société car c'est une relation de confiance qui permet une collaboration pour "soigner" la personne.
Il suffit de re-définir clairement le rôle de chacun dans cette relation et s'assurer d'un contrôle permettant de garantir que chacun respecte son rôle, donc la loi.
Droit de l'usager du système de santé
En complément des droits déjà établis, il faut préciser que l'usager du système de santé à le droit d'exprimer toutes demandes de soins pour ce qu'il estime être sa qualité de vie.
Il doit être informé et en mesure de comprendre s'il le demande ce que le diagnostic du médecin veut dire, quels traitements sont utilisés, leurs modalités et leurs conséquences.
Dans les cas où sa qualité de vie ne peut être assurée, l'usager doit avoir le droit de choisir un traitement qui lui permette de quitter la vie dignement dans des conditions qu'il choisies.
Au cas où l'usager est incapable de s'exprimer ou décide qu'il a besoin d'aide, il doit pouvoir être représenté par la personne de son choix avec les mêmes droits et pouvoirs que l'usager. Cette personne dite "de confiance" ne peut être choisie parmi ceux concernés par les conséquences de l'incapacité ou du décès possible de la personne.
Droit à la pratique de l'acte médical irréversible
Les soignants pratiquent régulièrement des "actes médicaux irréversibles". Ces actes donnent lieu à des procès de plus en plus souvent car cette pratique est aujourd'hui mal encadrée par la loi.
Quand on coupe le bras à une personne ou que l'on effectue toute ablation, que l'on modifie le corps par une suppression d'organe ou adjonction de matériaux (prothèse, plaque, vis, lifting...), l'expert médical fait un ensemble d'actions dont il n'est jamais certain du résultat car chaque cas est un cas unique.
La fin de vie de chacun est elle aussi un acte unique qui doit s'adapter aux circonstances spécifiques de la personne en respectant sa volonté.
La loi doit encadrer l'acte médical irréversible avec le but de protéger l'individu, le praticien d'une science sans certitudes, et permettre à la collectivité de contrôler que le protocole légal pour garantir ces droits a été respecté (voir notre proposition de loi
www.aavivre.fr).Réconcilions-nous sans des idées à "dormir" debout
La fin de vie est une période riche car c'est la seule où il n'y a pas de lendemain, où nous sommes face à ces vérités qui nous font "homme".
Certains choisiront d'ignorer la mort tant qu'ils le pourront, d'autres suivront des croyances qui leurs permettent de faire face aux difficultés, mais les Français, à plus de 80%, veulent que l'on les rassurent en leur garantissant qu'en cas de besoin, il trouveront l'aide médicale qu'ils souhaitent, sans fard, sans hypocrisie et pourront "vivre debout" jusqu'au dernier jour possible, souhaité ou choisi.