Handicap et religions, l'archaïsme des mentalités
Publié le 03 mai 2007 par Philippe Barraqué [Ce texte est extrait d'un ouvrage à paraître en septembre 2007]
Au vingt et unième siècle, les religions ne pourront pas faire l’impasse sur de profondes réformes qu’elles ont à mener pour s’adapter aux évolutions de notre civilisation moderne, que ce soit pour la place des femmes que pour celle des handicapés, des homosexuels, etc. Toute religion rappelle à la personne stigmatisée que sa différence n’est tolérée qu’à condition qu’elle se soumette à la loi divine au nom de laquelle ont été perpétués, au fil des siècles, un certain nombre de règles contraignantes dans le but de la maintenir dans son statut d’assisté.Dans la religion catholique, la personne handicapée est celle qui accède en premier au Royaume de Dieu. "A ceux qui ont des responsabilités politiques à tous les niveaux, disait le pape
Jean Paul II à la fin de son pontificat, je voudrais demander de travailler pour que soient assurées des conditions de vie et des possibilités permettant de faire effectivement reconnaître et protéger, chers frères et sœurs handicapés, votre dignité."
Pourtant la personne handicapée reste impure cultuellement quand il s’agit d’entrer dans les ordres ou au séminaire, tout comme jadis les esséniens refusaient toute forme de handicap dans leur communauté : "Toute personne frappée dans sa chair, paralysée des pieds ou des mains, boiteuse ou aveugle ou sourde ou muette ou frappée en sa chair d’une tare visible aux yeux, ou toute personne âgée qui vacillerait sans pouvoir se tenir ferme au milieu de la Congrégation : que ces personnes-la n’entrent pas pour prendre place au milieu de la Congrégation des hommes de renom" (extrait du Rouleau de la Règle).
La religion juive ne simplifie pas la vie des pratiquants en situation de handicap, notamment pendant la période de shabbat. Certains rabbins leurs conseillent d’ailleurs de se réunir chez eux plutôt qu’à la synagogue. Citons, parmi d'autres, deux règles qu’ils doivent respecter : "Il est permis de plier ou déplier un fauteuil roulant mécanique, à condition que cette opération ne comporte pas de vissage. Une personne qui n’arrive pas à marcher pourra utiliser un fauteuil roulant mécanique et sortir à l’extérieur, mais ne pourra pas être poussée par une personne juive."
Pour la religion musulmane, nous avons choisi un extrait significatif du livre Le statut de l’handicapé en Islam que nous laissons à votre appréciation. Nous espérons toutefois que cette interprétation des textes coraniques singulièrement inadaptés à notre monde moderne fera prendre conscience au musulman modéré de la nécessaire évolution des mentalités vis-à-vis de l’handicap.
En effet, la prise en charge des handicapés dans le monde arabe relève souvent de l’embrigadement spirituel, d’une tentative permanente de rééducation globale de l’être qui dépasse largement le cadre de sa déficience. On peut ainsi lire au chapitre 6 – les limites des méthodes actuelles dans la rééducation – que "parmi les plus grands dangers auxquels il faut faire attention dans la rééducation des handicapés, il y a les méthodes laïques, fondées sur l’idéologie occidentale matérialiste, qui n’orientent la société que vers la jouissance aveugle des délices de la vie d’ici-bas et qui occultent l’existence d’une autre vie après la mort".
Un peu plus loin, l’auteur considère la personne handicapée comme une personne malade. Selon lui, les centres de rééducation véhiculent l’idéologie permissive du monde occidental : "les psychologues axent leurs diverses méthodes thérapeutiques sur ces notions de jouissance et de plaisirs qui ont pour effet d’accrocher encore plus les malades à la vie en leur donnant des raisons de vivre". Nous pensions que c’était bien le meilleur service qu’ils puissent leur rendre !
La suite du texte est particulièrement révélatrice : "C’est ainsi que les centres de rééducation occidentaux utilisent des méthodes thérapeutiques incluant de la musique, de la danse, des films et d’autres plaisirs interdits qui causent, en réalité plus de mal que de bien". Les soufis ont pourtant été des précurseurs dans le domaine de la science des sons et de la musicothérapie. C’était un temps où les arbres du paradis résonnaient dans le cœur des voyageurs d’extase, un temps de sagesse, de douceur et de perfection.