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Suicide assisté pour une aveugle : la dérive néerlandaise
Le quotidien néerlandais Trouw rapporte cette double information : l'an dernier, aux Pays-Bas, une femme de 70 ans a bénéficié d'une assistance au suicide parce qu'elle était devenue aveugle et ne le supportait pas, et – deuxième fait remarquable – l'acte vient d'être évalué comme conforme à la loi. Exceptionnellement, les cinq commissions régionales d'évaluation se sont toutes penchées sur le cas jugé inhabituel. Elles l'ont toutes approuvé.
La victime était malvoyante de naissance. Ces dernières années sa vision avait été réduite à néant et elle manifestait depuis huit ans le désir de mourir, aggravé par la mort de son mari et par le fait qu'elle vivait seule. Elle ne souffrait d'aucune autre maladie ou affection. Elle avait fait plusieurs tentatives de suicide et avait essayé de cesser de boire et de manger, sans parvenir à « tenir bon » assez longtemps pour mourir.
Il faut croire que son médecin traitant n'a pas voulu accéder à sa demande puisque la victime s'est adressée à la clinique de fin de vie qui s'est précisément constituée l'an dernier pour venir en aide, au moyen d'équipes volantes, aux personnes qui ne voient pas leur demande honorée dans les conditions ordinaires.
La clinique a multiplié les précautions avant de passer à l'acte, s'adressant à un médecin gériatre – c'est inhabituel – au lieu d'un médecin SCEN spécialisé dans l'évaluation préalable des cas aux côtés de médecins de famille saisis de demandes d'euthanasie – pour prendre un avis l'exonérant d'une éventuelle responsabilité pénale. Lia Bruin a abordé l'affaire avec « scepticisme », a-t-elle indiqué à Trouw. « Soixante mille Néerlandais sont aveugles, pensais-je. Pourquoi sont-ils capables de vivre avec et pas cette femme ? »
Ce qui l'a convaincue, c'est que cette patiente souffrait de manière inhabituelle de son handicap. « Ainsi elle était très soignée et elle trouvait cela épouvantable de ne pas pouvoir voir les éventuelles taches sur ses vêtements. Acheter des vêtements, une activité qui lui avait procuré tant de plaisir, était devenu une corvée insupportable. »
Vous avez bien lu : c'est pour des questions d'apparence que cette femme s'est fait supprimer. Et une incroyable dose d'amour-propre : elle ne voulait pas être en maison de soins et elle refusait d'avoir un chien guide d'aveugle « Je veux bien sortir le chien, disait-elle ; je ne veux pas qu'il me sorte. »
Etait-elle dépressive ? Un psychiatre l'a entendue et, bien qu'elle pleurait tous les jours, a décidé que non.
Et ce sont d'autre médecins : Mme Bruin et les responsables de la clinique de fin de vie, qui ont décidé qu'en effet sa souffrance – psychique en l'occurrence – était insupportable et sans perspectives, la condition nécessaire mais aussi suffisante pour qu'une personne en mesure d'exprimer sa volonté puisse réclamer une euthanasie ou une assistance au suicide. Dans cette décision « médicale » il y a aussi une part de subjectivité… Il n'a pas été question d'une interprétation plus large de la loi, assure Steven Pleiter, directeur de la clinique.
La patiente s'est donc suicidée l'an dernier, en présence de ses enfants et de Lia Bruin qui n'avait jamais assisté à une « fin de vie volontaire ». C'est elle qui lui a tendu le cocktail lytique. Bruin raconte qu'elle n'a jamais vu personne boire avec autant d'avidité une mixture aussi infecte.
Commentaire de la clinique de fin de vie : on a peut-être évité un suicide inhumain.