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Fin de vie : «Il faut améliorer la loi française»
Publié le 13/09/2013 à 08:35
Didier Sicard, professeur de médecine à l'université Paris Descartes et ex-président du Comité consultatif national d'éthique
Fin de vie : «Il faut améliorer la loi française»
Vous avez remis en décembre 2012 un rapport sur l’euthanasie à François Hollande qui ne prononce jamais le mot, en quoi fait-il avancer la loi Léonetti ?
Non, François Hollande n’a pas envie qu’on prononce le mot euthanasie, il n’est pas sur cette longueur d’onde. Où en est-on ? Après avoir remis ce rapport, la première chose c’est que notre collège d’experts n’était pas favorable à une nouvelle loi. La loi Léonetti existe mais n’est pas suffisamment appliquée. Le président de la République souhaite, comme il l’a demandé à la Commission de réflexion sur la fin de vie en France, une amélioration de la loi Léonetti. En juin dernier, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), que j’ai présidé, a rendu un avis qui a été jugé un peu conservateur : c’est-à-dire que la loi serait mal connue. La prochaine étape doit être la tenue d’États généraux qu’on attend au plus tard entre octobre et novembre, sauf que le problème actuellement c’est que la moitié des experts - de 40, ils sont passés à 20 membres - qui constituaient le CCNE ne sont toujours pas remplacés. La conséquence, c’est que le Comité fonctionne au ralenti.
Quelle forme prendront ces États généraux ?
Sous la forme d’un débat avec un panel de citoyens choisis au hasard par la Sofres qui interrogeront des personnalités qui n’ont pas été désignées pour le moment. On estime que la phase du débat public sera alors terminée.
La loi Léonetti peut être améliorée, préconisez-vous, mais comment ?
Lorsque la loi Léonetti a été votée, elle devait a priori résoudre la plupart des questions sur l’accompagnement en fin de vie. Malheureusement, elle n’a fait l’objet d’aucun décret d’application et elle est très mal connue des médecins, en dehors des réanimateurs, des anesthésistes et des néonatologistes. Elle est aussi très mal connue des malades. Donc une loi qui est mal connue pose un problème. Probablement, elle mérite d’être améliorée comme toute loi. Ce qu’on propose dans le rapport, c’est de réajuster cette loi. Mais de dire, au fond, qu’une nouvelle loi, appelée à devenir une loi exceptionnelle qui permettrait de pratiquer l’euthanasie - puisque c’est de ça qu’il s’agit - risquerait de déstabiliser l’ensemble du corps médical. Les malades aussi dans la mesure où la brutalité d’une telle annonce est malencontreuse. En revanche, je suis tout à fait d’accord pour que la loi Léonetti soit revue, soit modifiée par une attention aux personnes. Il y a dans ce domaine un chantier gigantesque, car le problème majeur c’est qu’on aide à mourir de façon tout à fait lucide quelqu’un qui le demande. Je crois que ce n’est pas l’euthanasie telle qu’elle se pratique en Hollande, en Belgique, au Luxembourg où il y a un geste létal demandé mais qui est assez brutal.
La mort, un tabou tenace ?
Elle est beaucoup plus taboue au XXIe siècle en France qu’au XXe siècle. Comme il n’y a plus de rite, elle est évacuée. Elle doit être aseptisée, cachée, elle est obscène et il ne faut pas qu’elle dérange les vivants.
Didier Sicard a participé, mercredi soir à Toulouse, à une conférence-débat sur la loi Léonetti organisée par les cliniques Capio Midi-Pyrénées.