Publié le 03/01/2013 à 06h00
« Il faut une vraie loi sur l'interruption de la vie »
Paul Trouillas a théorisé dans un livre (1) son opinion en faveur du droit à la fin de vie. Il est favorable à ce qu'il appelle l'« auto-interruption consciente et volontaire de la vie (AICVV) » en cas de maladie grave ou incurable, source d'infirmités et/ou de douleurs majeures. L'auto-interruption consciente et volontaire de la vie est fondée sur des critères de liberté, de conscience et de volonté absolues du sujet, ainsi que sur des critères médicaux. Paul Trouillas propose qu'un juge indépendant prononce l'arrêt d'AICVV, avant l'acte, sur la base du rapport d'un comité médical. C'est ce qu'il a expliqué aux membres de la commission Sicard lors de son audition. Cette commission a rendu son rapport, et une loi doit être proposée l'an prochain.
« Pour éclairer les lecteurs, il faut indiquer que les problèmes de fin de vie se situent dans trois situations différentes.
Situation n° 1 : un malade à l'agonie réelle, épuisé (en dehors des thérapeutiques sédatives), mais possiblement conscient. Ce problème est traité dans l'article 2 de la loi Leonetti, qui autorise le médecin à administrer une thérapeutique antalgique dont l'effet sera en fait le décès. Cela se pratique tous les jours dans les hôpitaux ou les centres de soins palliatifs. Le patient est informé, mais son assentiment à l'issue fatale n'est pas légalement nécessaire.
Situation n° 2 : un malade conscient, demandant l'arrêt des thérapeutiques. Ce cas d'« euthanasie passive » est prévu dans l'article 6 de la loi Leonetti. La thérapeutique sédative associée n'est pas prévue dans la loi, alors qu'elle est absolument nécessaire.
Situation n° 3 : un malade conscient, porteur d'une maladie fatale à court, moyen ou long terme, et/ou de souffrances ou d'une invalidité majeures, demandant volontairement l'interruption de sa vie. Ce cas n'est pas traité dans la loi française et correspond à l'engagement 21 du candidat Hollande.
Le rapport Sicard évoque la sédation terminale, ce qui concerne les situations nos 1 et 2. Il s'agit d'une proposition de bon sens. Un complément de la loi Leonetti est en fait proposé. Il nous semble que, pour des raisons morales évidentes, l'assentiment du patient ainsi que ses vœux réels concernant l'entourage de sa famille et son entourage spirituel devraient être mieux garantis. De plus, il nous semble que, pour une saine gestion de la santé publique, ces décès doivent être déclarés et recensés par le ministère de la Santé publique.
Le suicide assisté est la solution choisie par le rapport Sicard pour répondre à la demande volontaire d'interruption de vie par le patient dans la situation no 3. Certes, la porte est ainsi ouverte à la réalisation de l'auto-interruption de vie. Mais elle l'est de façon quelque peu hypocrite, l'État et la médecine paraissant "se laver les mains" vis-à-vis du geste du patient, dont celui-ci aurait l'entière responsabilité. Il n'en est rien. L'État, en permettant la fourniture du poison, est moralement et légalement coresponsable du décès. Selon moi, la demande majoritaire des Français est plus courageuse, et l'État doit affronter la genèse d'une véritable législation d'auto-interruption de vie médicalement assistée, avec des prestations professionnelles parfaites, afin que la mort dans la dignité soit une réalité.
C'est dire que la tâche du gouvernement et du Parlement reste à accomplir, à savoir donner une véritable législation exemplaire dans ce domaine, conforme à notre tradition des droits de l'homme.
Pour ma part, bien qu'auditionné par la commisssion Sicard, je déplore que ma proposition d'une loi d'auto-interruption consciente et volontaire de la vie n'ait pas été retenue. Encouragé par une cohorte de militants, j'ai pris contact avec de nombreux responsables gouvernementaux et parlementaires pour que la France élabore une loi de haute tenue dans ce domaine. J'ajoute que ma proposition, qui confie l'auto-interruption de vie à des médecins volontaires, relevés du serment d'Hippocrate par la loi, permet à la médecine classique de conserver son objet, lutter pour la vie et donner de l'espoir. »
(1) « L'Auto-interruption consciente et volontaire de la vie », paru en août dernier chez Hermann.
Paul Trouillas
professeur de médecine