FRANCE 24
Dernière modification : 11/12/2008
- Euthanasie - Royaume-Uni - Santé
Un documentaire relance le débat sur le suicide assisté
La diffusion, sur une chaîne britannique, d'un documentaire montrant le suicide assisté d'un Américain vivant au Royaume-Uni et atteint d'une maladie neurologique incurable, a relancé le débat sur le droit à se donner la mort.
AFP - Débat lucide ou voyeurisme macabre? La diffusion mercredi soir sur une chaîne britannique d'un documentaire montrant le suicide assisté d'un homme atteint de la maladie de Charcot a provoqué un tollé et relancé le douloureux débat sur le droit à se donner la mort.
Craig Ewert, un Américain de 59 ans, ancien professeur d'université installé en Grande-Bretagne, avait choisi en 2006 de mettre fin à son "cauchemar" avant que cette maladie neurologique évolutive et incurable ne le paralyse complètement, transformant son corps en "tombe vivante" selon ses propres termes.
Le suicide assisté, comme l'euthanasie en général, étant interdit en Grande-Bretagne, il part se donner la mort dans une clinique spécialisée près de Zurich en Suisse, avec l'aide de l'association Dignitas.
M. Ewert et son épouse, Mary, avaient accepté que ses derniers instants soient filmés par un célèbre réalisateur canadien, John Zaritsky. Une démarche que Mme Ewert savait controversée, mais qui visait à briser un tabou, à "affronter la fin de vie en toute honnêteté", a-t-elle expliqué dans une tribune publiée mercredi par le quotidien britannique The Independent.
Intitulé "Droit à mourir?", le documentaire, déjà montré à des audiences réduites au Canada, aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, devait être diffusé mercredi soir par la chaîne satellitaire Sky Real Lives, à une heure de grande écoute (21h00).
Des extraits transmis à l'avance par la chaîne montrent Craig Ewert allongé sur un lit, déclenchant avec les dents une minuterie qui va éteindre 45 minutes plus tard son respirateur artificiel. Il absorbe ensuite un mélange de barbituriques, avec la 9e symphonie de Beethoven en fond sonore, embrasse une dernière fois sa femme qui lui souhaite "bon voyage". Un médecin vérifiera un peu plus tard que le pouls de Craig Ewert ne bat plus.
"Dans quelle société vivons-nous si la mort d'un homme est diffusée par une télévision en prime time comme un divertissement?", s'est insurgé dans un éditorial le quotidien populaire Daily Mail.
Comme plusieurs associations hostiles à l'euthanasie et au suicide assisté au Royaume-Uni, le directeur de "Care not killing" (Soigner et non tuer) a pour sa part dénoncé une "tentative cynique de faire grimper l'audience".
De plus, cette émission "glorifie le suicide assisté alors qu'a lieu une campagne très active du lobby pro-suicide pour relancer le débat au parlement", a estimé le Dr Peter Saunders.
En 2006, le parlement avait rejeté une proposition de loi suggérant de légaliser le suicide assisté de malades en phase terminale.
La chaîne Sky Real Lives a de son côté défendu sa décision.
"Il est important que les chaînes de télévision, et notamment Sky Real Lives, puissent provoquer un débat par le biais d'histoires individuelles fortes", a déclaré sa responsable, Barbara Gibbon.
Même le Premier ministre Gordon Brown s'est exprimé sur la question mercredi, appelant les chaînes de télévision à traiter ce genre de sujets "avec sensibilité mais sans sensationnalisme".
"Je crois que c'est une question de conscience", a estimé le chef du gouvernement devant les députés, rappelant pour l'occasion son opposition à la légalisation du suicide assisté.
Cette question est particulièrement sensible en Grande-Bretagne, comme dans plusieurs autres pays européens où plusieurs cas douloureux ont récemment défrayé la chronique.
L'exemple de Daniel James, un jeune homme de 23 ans, qui s'est suicidé avec l'aide de Dignitas en septembre, avait ému les Britanniques. Les parents de cet ancien joueur de rugby, paralysé après un accident lors d'un match, avaient soutenu la volonté de leur fils de mettre fin à ses jours. La justice a annoncé mardi qu'elle ne les poursuivrait pas