Ce mercredi 19 juin 2013, j'inaugure mon blog sur le Huffington Post. Et, actualité personnelle oblige, j'ai publié ma première tribune sur le droit de mourir dans la dignité. Pourquoi ai-je déposé cette proposition de loi ? Quels sont ses objectifs ?
Tout, tant dans les positions constantes de ma famille politique sur le droit de mourir dans la dignité, dans mon expérience personnelle de femme qui a vu des proches bénéficier de la législation belge sur l’euthanasie, dans les contacts que j’ai établis depuis mon élection avec des soignants, des familles et les militants d’associations comme l’ADMD : oui, tout cela me pousse à agir et à consacrer une partie de mon activité parlementaire à la question de la fin de vie.
Aujourd’hui, je dépose sur le bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi qui vise à compléter la législation française et à faire enfin sortir l’assistance au suicide et l’euthanasie de la zone de non-droit dans laquelle ces pratiques pourtant courantes sont cantonnées.
Le dépôt d’un tel texte n’est ni anodin, ni d’affichage : il répond à trois objectifs.
Une bataille d’idées à mener
L’euthanasie rencontre et rencontrera des oppositions : bien souvent les mêmes que celles qui se sont exprimées lors du débat sur le mariage. Chacun a pu constater les moyens dont elles disposent, financiers et organisationnels. Et pour un certain nombre d’entre elles, elles sont d’ordre philosophique et religieux.
Si les représentants des cultes sont parfaitement dans leur rôle lorsqu’ils indiquent à leurs fidèles une ligne de conduite construite en fonction de leurs convictions et de leurs croyances, nous ne pouvons, dans un pays laïque, accepter que la loi, et les libertés individuelles, soient soumises à des injonctions religieuses.
Que les malades en fin de vie en attente d’une évolution de la loi, que leurs familles qui désespèrent, que les personnels soignants aujourd’hui placés en insécurité juridique n’aient pas à subir les mêmes stigmatisations que celles auxquelles ont été soumises les familles homoparentales et les homosexuels lors du débat sur le mariage. Cela suppose que nous soyons capables de faire œuvre de pédagogie, de déminer les objections en y répondant, afin de ne pas laisser se développer des fantasmes ou des idées fausses autour de questions qui sont éminemment intimes. Je crois qu’il nous faut tirer les leçons d’une séquence qui a vu une idée ultra majoritaire dans l’opinion devenir un sujet de polémiques et de division. Il ne suffit pas de lire des sondages qui, tous, indiquent le soutien d’une majorité de Français à l’euthanasie : il faut contribuer à mener le combat sur le plan des idées.
C’est le premier objectif de cette proposition de loi.
Une boîte à outils législatifs à diffuser
La question du droit de mourir dans la dignité devrait faire l’objet, c’est un engagement du président de la République, d’un projet de loi au cours de son quinquennat. Une commission a été nommée, et a rendu son rapport. Un rapport déjà en retrait sur les engagements présidentiels de la campagne électorale. Et un processus de débat large a été engagé par le gouvernement : consultation du comité consultatif national d’éthique, états généraux projetés… Cette pratique du dialogue est essentielle, et chacun doit y prendre part.
Mais il serait inimaginable que les parlementaires ne soient in fine que la chambre d’enregistrement d’équilibres définis ailleurs. Parce qu’un équilibre, ça se construit.
La proposition de loi déposée aujourd’hui est une boîte à outils. Elle est désormais à la disposition de toutes et de tous. Que le gouvernement puisse s’en inspirer, que les parlementaires puissent s’en saisir lorsqu’il s’agira de travailler sur le projet gouvernemental à venir pour le préciser ou l’amender si nécessaire : il est toujours préférable de préparer et d’anticiper plutôt que de réparer ou de réagir.
Un engagement à tenir
L’engagement 21 du président de la République est certes « sur les rails ». Mais son aboutissement apparaît de plus en plus incertain. Le calendrier législatif du projet de loi gouvernemental a déjà fait l’objet de reports : annoncée en 2013, la loi ne viendra probablement pas en discussion avant le premier semestre 2014, dans le meilleur des cas. Et déjà, des éditorialistes prophétisent que, municipales, européennes, puis élections locales de 2015 obligent, le gouvernement pourrait être tenté de reporter encore le débat. Il n’est pas envisageable à mes yeux que les attentes des malades, de leurs familles et des soignants soient tributaires d’aléas d’un calendrier électoral.
C’est pourquoi il faut être prêts à envisager toutes les hypothèses, et à substituer au besoin à l’attentisme gouvernemental l’initiative parlementaire. C’est le troisième objet de ma proposition de loi : être prêts.
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J’ai beaucoup appris de ma première année de travail à l’Assemblée, et notamment que derrière les décisions que nous prenons, entre les lignes des textes de lois que nous débattons, amendons, adoptons, c’est la vie d’hommes et de femmes qui est en jeu.
Au-delà des postures politiques, quand elles ne sont pas malheureusement politiciennes, il y a des enjeux qui sont tout à la fois terriblement – et parfois douloureusement -concrets et en même temps très chargés des valeurs qui fondent notre pacte républicain.
Le mariage pour tous, c’était avant tout une question d’égalité.
Avec le droit de mourir dans la dignité, c’est la question de la liberté de malades incurables et soumis à des souffrances insupportables et permanentes que nous allons aborder.
Développement des soins palliatifs, clarification de la désignation d’une personne de confiance pour prendre les décisions si nécessaire, encadrement de l’assistance au suicide, sécurisation des actes d’euthanasie : que chacune, que chacun ait le choix de son départ et les moyens de sa liberté. Une liberté d’autant plus singulière, et d’autant plus précieuse qu’il s’agit de la dernière.
Notre ultime liberté.