Les maisons de retraite sont-elles des lieux de privation de liberté ?26 février 2013 à 12:11
Une femme atteinte de la maladie d'Alzheimer dans une maison de retraite (Photo Sebastien Bozon. AFP)
Analyse
Le contrôleur général des prisons milite en faveur d’un droit de regard
sur les Ehpad, où les risques de maltraitance des personnes âgées sont
importants.Par
LAURE DEB En cinq ans
d'exercice, les contrôleurs généraux des lieux de privation de liberté
auront passé neuf ans en prison et un an et demi en garde à vue pour
vérifier que les droits fondamentaux des personnes sont respectés.
Le contrôleur général, Jean-Marie Delarue, veut désormais élargir son périmètre d’action aux maisons de retraite.
Lundi, lors de la présentation de son rapport d’activité 2012, il a
rappelé qu’il avait déjà fait cette demande dans un avant-projet de loi
remis au Premier ministre en mai 2012... toujours sans réponse
aujourd’hui.
A relire, l'interview de Jean-Marie Delarue
«Ne jamais passer outre le consentement de la personne»Jean-Marie Delarue reconnaît que cette
extension de compétence ne va pas de soi. Les établissements
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ne sont pas des
lieux de privation de liberté : les seniors sont a priori libres
d’entrer en maison de retraite. Cependant, dans les faits, la pression
familiale est importante. Par ailleurs, dans ces établissements, il
n’est pas vraiment question de réinsertion…
«Pour 60% des pensionnaires, la sortie se fait à l’horizontale», note le contrôleur.
«Les personnes y sont bouclées»Mais plusieurs arguments militent en faveur
d’un droit de regard du contrôle général des lieux de privation de
liberté sur ces maisons de retraite. De fait, les personnes âgées
dépendantes sont privées de leur liberté dans ces établissements,
puisque pour assurer leur sécurité,
«les personnes y sont bouclées»,
selon Jean-Marie Delarue. En raison de leur âge, de leur état de santé
(notamment les personnes touchées par la maladie d’Alzheimer) et de leur
dépendance physique,
la privation de liberté devient une réalité et les risques de maltraitance doivent être spécialement surveillés. Le
gouvernement a créé en janvier 2013 un «comité national pour la
bientraitance et les droits des personnes âgées et des personnes
handicapées», mais
«sa nature administrative ou hiérarchique ne peut
avoir les mêmes effets qu’un contrôle indépendant qui a pour objet de
vérifier le respect des droits fondamentaux», estime le rapport.
Neuf mois après le dépôt de cet avant-projet
de loi, qui prévoit également de protéger la correspondance des
personnes âgées et de permettre aux contrôleurs de faire des
recommandations aux chefs d'établissements, Jean-Marie Delarue attend
toujours une réponse du législateur. On compte 10 300 établissements de
retraite, dont les deux tiers sont des Ehpad. Ce qui doublerait le
nombre d'établissements visités par les contrôleurs généraux.