CIRCULAIRE DGS/3 D DU 26 AOUT 1986, RELATIVE À L'ORGANISATION DES SOINS ET À L'ACCOMPAGNEMENT DES MALADES EN PHASE TERMINALE (dite circulaire Laroque).
Circulaire relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale.
Au moment où l'activité de l'hôpital est de plus en plus marquée par les développements de ses aspects techniques, un certain nombre de circulaires ont pour objet de rappeler son rôle d'accueil et de soin global à la personne (circulaire sur l'hospitalisation des personnes âgées... ).
La présente circulaire relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale s'intègre dans cet ensemble : les progrès de la médecine, le sens de la solidarité nationale doivent se rejoindre pour que l'épreuve inévitable de la mort soit adoucie pour le mourant et supportée par les soignants et les familles sans que cela n'entraîne de conséquences pathologiques.
Ce texte a donc pour objet de préciser ce que sont les soins d'accompagnement parfois appelés soins palliatifs et de présenter les modalités essentielles de leur organisation, compte tenu de la diversité des situations (maladie, vieillesse, accident ; à domicile ou en institution).
I - Les soins et l'accompagnement.
Les soins d'accompagnement visent à répondre aux besoins spécifiques des personnes parvenus au terme de leur existence.
Ils comprennent un ensemble de techniques de prévention et de lutte contre la douleur, de prise en charge psychologique du malade et de sa famille, de prise en considération de leurs problèmes individuels, sociaux et spirituels.
L'accompagnement des mourants suppose donc une attitude d'écoute, de disponibilité, une mission menée en commun par toute l'équipe intervenant auprès du malade.
Il s'agit d'apaiser les douleurs et l'angoisse, d'apporter le plus possible de confort et de réconfort à celui qui va mourir, d'accueil et d'entourer sa famille pendant cette période difficile et même plus tard dans son deuil.
Le problème du soulagement de la douleur est central dans la démarche d'accompagnement.
En effet, toute demande relative à la douleur par un patient ou son entourage dépasse généralement le cadre du désordre physique et appelle une réponse qui prenne en compte la douleur dans son contexte et ses conséquences, c'est-à-dire dans sa dimension de souffrance. Pour cela il est important de comprendre que toute douleur s'inscrit dans une relation, que tout en étant une perception désagréable du corps, elle peut être aussi un message vers les autres.
Les progrès de la médecine en matière de lutte contre la douleur sont porteurs d'espoir car les traitements mis au point non seulement viennent soulager la douleur mais agissent efficacement en empêchant l'apparition de celle-ci.
Des centres spécialisés, par exemple les consultations et les centres de la douleur ou les centres de lutte contre le cancer sont, pour les praticiens hospitaliers et de ville, des moyens privilégiés qui contribuent à la prise en charge des patients présentant des phénomènes douloureux difficiles à résoudre et constituent une aide aux médecins pour mieux s'occuper de leurs malades.
La mission des soignants est de mettre en œuvre tous les moyens existants pour soigner et accompagner leurs malades jusqu'à la fin de leur vie.
Par cette attitude d'écoute et de relation, les soignants, et tout particulièrement les médecins, doivent permettre aux malades d'exprimer leurs sentiments et leurs demandes quelles qu'elles soient, y compris concernant leur propre mort.
D'une manière générale, il est indispensable, autant que faire se peut, de ne pas changer le cadre dans lequel la personne a été soignée ; les soins palliatifs doivent être dispensés aussi bien à domicile que dans les établissements sanitaires et sociaux.
I. 1) Les soins d'accompagnement au domicile du malade.
Au domicile, lieu naturel de la vie, les soins palliatifs doivent être dispensés dans les meilleures conditions, ce qui suppose que soient pris en compte un certain nombre de données qui tiennent à : - l'environnement psychologique et matériel du malade et de la famille ; - la formation des intervenants ;
- l'interaction hôpital-domicile.
1.1) L'environnement psychologique et matériel du malade et de la famille
Le maintien ou le retour à domicile du malade en phase terminale procède quelquefois d'un choix du malade et de sa famille mais découle souvent aussi d'une orientation donnée par l'hôpital. Selon les modalités du choix et les motifs de la décision, les soins palliatifs à domicile seront plus ou moins aisés à mettre en oeuvre, en fonction des modèles culturels de la famille (notamment conception de la maladie et de la mort) et des facteurs relationnels ; d'autre part, cette mise en oeuvre provoque un réaménagement de la vie familiale pour permettre l'intégration des soins au malade.
Aussi peut apparaître la nécessité d'un soutien tant psychologique que matériel, ponctuel ou à long terme, facilitant cette prise en charge du malade pour aboutir à la réalisation d'un nouvel équilibre familial.
1.2) Formation des intervenants
Le médecin traitant va être, le tout premier, confronté aux problèmes posés par la mise en oeuvre des soins palliatifs à domicile. Il devra donc posséder, outre une parfaite connaissance de la clinique et du maniement des antalgiques, une qualité d'écoute du malade et de sa famille pour les aider dans la recherche de ce nouvel équilibre. Pour l'aider dans sa tâche, il fera intervenir des infirmières également formées et motivées, qu'elles appartiennent à des services d'hospitalisation à domicile ou de soins à domicile, ou soient d'exercice libéral.
Tant pour le médecin traitant que pour les infirmières, une formation à double visée technique et psychologique s'impose donc.
1.3) Interaction hôpital-domicile
Une liaison permanente des soignants à domicile avec l'hôpital doit permettre
- la mise au point commune du traitement le plus adapté à la situation personnelle du malade ;
- l'organisation de consultations externes pour faire le point sur ce traitement et mettre en oeuvre, si besoin est, des techniques palliatives lourdes ;
- la réhospitalisation à tout moment pour raisons cliniques ou pour aider la famille à assumer les charges matérielles et affectives occasionnées par la présence du malade au domicile.
I. 2) Les soins palliatifs en institution.
La majorité des malades terminent aujourd'hui leur vie dans un établissement de soins. Certaines unités d'hospitalisation ont un taux de décès particulièrement élevé : unités non spécialisées, cancérologie, gériatrie, urgences, réanimation. C'est là que l'effort pour améliorer l'aide aux mourants doit porter en priorité. Des mesures doivent être prises pour améliorer la formation de tous les membres de l'équipe soignante.
a) Il est souhaitable de prévoir des vacations de psychiatres ou de psychologues dans l'établissement, certaines d'entre elles devraient être consacrées à des réunions régulières avec les soignants, pour les aider à analyser leurs réactions face aux malades arrivés à la fin de leur vie, et ainsi développer un réel accompagnement.
b) L'organisation du travail devra prendre en compte les besoins des malades, en favorisant les relations privilégiées qui s'instaurent entre ceux-ci et certains membres de l'équipe, ce qui peut avoir deux conséquences :
- une certaine souplesse des horaires ;
- un soulagement de certaines tâches pour les soignants qui sont momentanément impliqués dans de telles relations.
Si, à terme, tous les services hospitaliers prenant en charge des malades lourds doivent être en mesure de pratiquer les soins palliatifs, la création d'un nombre limité d'unités spécialisées s'impose dans un premier temps.
Ces créations trouvent leurs justifications essentiellement dans la nécessité d'assurer la formation des soignants, notamment celle des formateurs, et d'approfondir la recherche dans ce domaine.
Il - Les caractéristiques des unités de soins palliatifs.
Les unités de soins palliatifs (USP) peuvent être fractionnées ou regroupées :
- fractionnées : dans les services hospitaliers à taux élevé de mortalité, certains lits seront réservés aux cas difficiles, nécessitant d'autant plus le recours aux techniques palliatives. Cette formule permet la continuité dans l'accompagnement, qui ne concerne pas uniquement les derniers jours ;
L'USP doit constituer un centre de documentation, de recherche et de conseil, accessible aux praticiens locaux: à cet effet, l'organisation d'une permanence téléphonique disponible à des horaires fixes permettraient de les faire bénéficier plus largement de l'expérience acquise et d'instaurer une meilleure collaboration entre les médecins hospitaliers et les médecins traitants.
III - La situation des enfants.
La prise en charge des enfants et de leurs familles a fait l'objet de plusieurs circulaires récentes celle du 111 août 1983 relative à l'hospitalisation des enfants, celle du 9 juillet 1985 sur les enfants en danger ou maltraités, celle du 29 novembre 1985 sur l'accueil en maternité d'un enfant handicapé.
Le décès d'un enfant se présente toujours comme plus insupportable, plus pénible à assumer pour les familles et les soignants, que celui d'un adulte.
On remarque que peu d'enfants sont traités par les services d'hospitalisation à domicile (en général peu préparés à ce type de prise en charge) car en cas de maladie grave d'un enfant, l'hospitalisation en unité de pédiatrie est la solution la plus sécurisante. C'est pourquoi l'unité de soins palliatifs ne se justifie pas dans ce cas, c'est l'équipe soignante du service de pédiatrie qui assume ce type de soins.
Le rôle de la famille (et en premier lieu les parents) est essentiel dans ce cas : la présence jour et nuit éventuellement dans le service, la participation active des parents dans l'exercice des soins font partie du projet thérapeutique.
Pour cela, le temps passé par l'équipe soignante auprès des parents pour les informer, leur expliquer la situation et leur apprendre les gestes à effectuer pour soigner leur enfant doit être pris en compte dans l'évaluation de la charge de travail de chacun.
L'équipe doit veiller particulièrement à l'accueil de l'enfant malade et de ses parents, à atténuer le sentiment de culpabilité éprouvé par les parents et à les aider à préserver autant que possible l'équilibre familial, même après le décès de l'enfant (problèmes de couples, frères et soeurs de l'enfant).
Pour l'équipe soignante, il est absolument indispensable d'organiser régulièrement des réunions de groupe au cours desquelles les uns et les autres peuvent extérioriser leurs réactions et s'aider mutuellement à assumer les deuils.
IV - Relation avec les familles.
Les soins palliatifs comprennent la relation avec les familles des malades, l'assistance morale, éventuellement matérielle ou administrative.
L'équipe soignante doit apporter un soutien à la famille afin de l'aider dans la phase difficile qu'elle traverse et de lui permettre de jouer son rôle auprès du mourant.
Ainsi, sous l'égide des soignants, la famille peut participer à certains actes (repas, toilette... importants pour le réconfort du malade et l'équilibre familial).
Dans ces conditions, les horaires des visites, les possibilités d'hébergement sur place, la restriction des visites faites aux enfants doivent pouvoir être aménagés.
Le rôle de l'équipe se poursuit après le décès du malade dans le but d'assurer le suivi du deuil et de prévenir ainsi, autant que possible, l'apparition de pathologies consécutives à la perte d'un proche (il est statistiquement démontré qu'on rencontre dix fois plus de pathologies graves chez les personnes ayant eu un deuil dans l'année précédente).
V - Le rôle des non-professionnels de santé.
Sur la proposition de l'équipe ou à la demande du malade, en particulier s'il est isolé, la participation des bénévoles et des ministres des cultes vient compléter l'action menée par l'équipe.
Les bénévoles doivent s'engager à assurer leur fonction avec régularité ; une formation adaptée doit être prévue pour les bénévoles et les ministres des cultes afin de leur permettre de mieux comprendre la situation des malades et de répondre à leurs questions.
Leur action constitue un supplément à celle menée par l'équipe : les bénévoles ne sauraient être considérés comme un personnel d'appoint.
VI - Financement.
Les moyens nécessaires à la mise en application pratique des soins d'accompagnement des mourants seront recherchés par le redéploiement des moyens existants.
Les soins palliatifs ne sauraient en aucun cas se concrétiser par une médecine au moindre coût.
Par la généralisation de ces techniques de soins, on peut espérer que l'expérience acquise par chacun du décès de proches intervenant dans la sérénité et la dignité entraînera progressivement une transformation des conditions de la mort dans notre société.