Pour Vincent Morel, président de la Société française de soins palliatifs, "la plupart des patients souhaitent vivre leur vie jusqu'au bout et les soins palliatifs sont là pour les y aider". | AFP/PATRICK BERNARD
La Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) doit rendre publiques, jeudi 4 octobre, ses propositions dans le débat sur la fin de vie. Alors que la mission de réflexion confiée par le président de la République au professeur Sicard poursuit ses travaux, Vincent Morel, le président de la SFAP, rappelle la forte opposition de son mouvement à l'euthanasie. Il réagit également aux vives critiques formulées par le sociologue Philippe Bataille contre les soins palliatifs dans son livre A la vie, à la mort (Autrement, 128 pages, 12 euros) (Le Monde du 20 septembre).Les soins palliatifs ont été accusés de délaisser les patients qui réclament une euthanasie...D'abord, il faut
rappeler que ces situations sont exceptionnelles. La plupart des patients souhaitent
vivre leur vie jusqu'au bout et les soins palliatifs sont là pour les y
aider. Par ailleurs, il faut bien
prendre en compte l'ambivalence des patients: un jour, ils veulent en
finir, le lendemain ils pensent que leur vie vaut d'être vécue jusqu'au bout. Ce qui est important quand on est face à une demande d'euthanasie, c'est de
montrer qu'on ne la nie pas, qu'on accepte d'en
parler. A
titre personnel, je n'ai pas de
souvenir de patients qui chaque jour m'aient demandé l'euthanasie, au point d'être confronté à une impasse. De façon majoritaire, ces demandes disparaissent quand les personnes sont soignées et bien accompagnées.
Mais il est vrai qu'un certain nombre de personnes persistent dans leur demande. Ces patients sont plus dans une demande de suicide assisté que d'euthanasie: la souffrance qu'elles expriment, c'est de ne pas être entendues dans leur volonté de
mourir comme elles le souhaitent. Mais pour nous, ce n'est pas aux soins palliatifs de répondre à cette demande.
La demande d'euthanasie ne relève pas de la médecine ?Non,
donner la mort ne relève pas de la médecine, ce n'est pas la vocation des soignants qui sont soumis au serment d'Hippocrate. On est clairement dans l'opposition entre ce que propose la médecine et ce que certaines personnes voudraient, c'est-à-dire
pouvoir s'autodéterminer. Les soins palliatifs ne hâtent ni ne retiennent la mort: ils ont une limite qui est de ne pas
provoquer le décès d'une personne, quand bien même elle le souhaite.
Mais le débat autour de l'euthanasie s'organise autour du rôle du médecin...Oui, et c'est bien tout le paradoxe. Toutes les propositions qui militent pour la dépénalisation de l'euthanasie, censées
donner plus de liberté aux patients, renforcent en réalité le
pouvoir médical: dans tous les dispositifs, c'est le médecin qui fait l'expertise, qui décide et c'est lui qui fait l'acte.
Or, pourquoi
associer le médecin à un geste qui relève de l'autodétermination? Est-ce qu'une personne peut
demander à l'Etat d'
organiser la fin de sa vie pour y
mettre un terme plus rapidement? C'est une question qui interroge la société bien au-delà du champ médical. Et si le législateur considérait qu'il faille
aller dans ce sens – ce que nous ne souhaitons pas –, il n'a pas besoin d'un médecin pour
faire le geste euthanasique. Qu'il y ait des médecins en amont pour s'
assurer de l'état du patient, de son consentement, d'accord. On pourrait s'
orienter vers des dispositifs, comme celui de la
Suisse ou de l'Etat américain de l'Oregon où le médecin fait l'expertise, prescrit le produit mais ce n'est pas lui qui fait l'acte.
Pourtant, ce sont bien les soins palliatifs qui pratiquent l'euthanasie dans les pays où elle est légalisée, comme les Pays-Bas et la Belgique...Effectivement, et cela pose un grand nombre de difficultés aux équipes. Les médecins qui pratiquent le geste euthanasique n'en sortent pas indemnes. Ils se plient à la loi, en essayant de
faire le moins mal possible mais s'inquiètent du fait que l'euthanasie, qui devait
faire face à des cas d'exception, devient un droit et pourrait même
devenir une norme.
Qu'attendez-vous de la mission Sicard sur la fin de vie ?Qu'elle montre la complexité du problème et ne centre pas la question de la fin de vie sur la seule dépénalisation de l'euthanasie. Il nous faut réfléchir à la manière dont la société aborde aujourd'hui la question de la mort, du vieillissement, de la dépendance et la perte d'autonomie. Nous considérons qu'il ne faut pas
aller au-delà de la loi Leonetti, mais l'améliorer et la
faire mieux
appliquer:
informer les professionnels et le grand public,
faire en sorte que la prise en charge palliative soit plus précoce, améliorer les directives anticipées et les procédures collégiales de décision des médecins.
Si la loi actait que c'est bien aux soignants de donner la mort dans des cas très exceptionnels, comment les médecins de soins palliatifs réagiraient-ils ?Je ne sais pas comment les médecins pourraient se
positionner face à ce changement de paradigme considérable.