Hélène Vincent: "Le suicide assisté, c'est l'accompagnement et l'empathie d'une aide"Par
Sophie Benamon (Studio Ciné Live), publié le 21/09/2012 à 10:00, mis à jour le 24/09/2012 à 16:41
En mère atteinte d'une maladie incurable, l'actrice est bouleversante dans Quelques heures de printemps, de Stéphane Brizé, aux côtés de Vincent Lindon.
CINEMA - Hélène Vincent, bouleversante dans Quelques heures de printemps.
Julien Bourgeois pour Studio Ciné Live
Il est difficile de parler de Quelques heures de printemps?
Hélène Vincent: C'est une histoire d'amour d'une mère et d'un fils qui n'a jamais trouvé à se dire. On a l'impression qu'il est trop tard puisqu'elle est atteinte d'une maladie grave. En même temps, jusqu'à la dernière seconde de notre vie, on est vivant, et il suffit parfois d'une seconde pour redonner un élan à la vie.
Vous avez conscience que le film va soulever une polémique?
Ce qui est étonnant, c'est que cette femme, qui toute sa vie n'a décidé de rien, décide qu'avant de perdre son rapport au vivant, elle va demander de l'aide pour se suicider -une pratique interdite en France. Faut-il espérer pour elle que la maladie l'emporte dans toutes ses péripéties jusqu'à son dernier souffle, vers le délitement physique? J'ai pensé à ma mère qui n'a pas fait ce choix et est partie dans une peur grandissante. Le suicide assisté, c'est l'accompagnement et l'empathie d'une aide. Les associations suisses insistent énormément sur la liberté. Je n'en fais pas le prosélytisme, bien sûr, mais il faut lever l'ambiguïté entre l'euthanasie et le suicide assisté. Je trouve l'acharnement thérapeutique tout aussi terrifiant.
C'est un film dont on ne sort pas indemne...
Pendant le tournage, j'étais tout le temps sur la corde raide. On ne peut pas jouer ce personnage sans accepter de se dépouiller de tout regard sur soi. Cela demande une très grande maîtrise et un lâcher prise total. Ce parodoxe, qui est celui du comédien, atteint là une intensité bouleversante.
Vous avez débuté avec
Patrice Chéreauet
Jean-Pierre Vincent.
C'est par un grand hasard, alors que ce n'était pas mon milieu, que j'ai poussé la porte du groupe théâtral du lycée Louis-le-Grand. Nous travaillions le théâtre contemporain dans des lieux improbables. C'était très politique. Nous étions des défricheurs.
Après presque dix ans de collaboration avec Chéreau, tout s'arrête. Vous ne vous retrouverez jamais. Pourquoi?
À l'époque, Patrice avait la légitime ambition de travailler avec d'autres moyens, d'autres comédiens moins amateurs. Mai 68 avait déchiré notre troupe. Ne jamais retrouver Patrice, c'est quelque chose dont je ne me suis pas consolée jusqu'à aujourd'hui.
Vous devenez l'une des figures majeures du théâtre avec Jean-Pierre Vincent, votre mari...
Oui, mais je n'ai jamais fait tous ses spectacles pendant la période où nous étions mariés. Quand j'ai décidé de savoir ce que je valais quand je n'étais pas portée par la force et le talent de la troupe et de Jean-Pierre Vincent, cela a été très dur. Pendant plusieurs années, j'ai serré les dents et épuisé maintes fois mes droits au chômage.
Pendant ces années, le cinéma ne vous voit pas. Vous en souffrez?
Absolument. C'est un tel moyen de rencontrer le grand public. Romain Brémond, le directeur de casting, m'avait vue au Festival d'Avignon, dans
Liberté à Brême de
Fassbinder où je dansais et chantais, et m'a recommandée à
Étienne Chatilliez. J'ai senti tout de suite l'intelligence d'Étienne, son humour ravageur. La force de
La vie est un long fleuve tranquille,c'est de ne pas être que dans la caricature, mais dans un espace critique.
Comment s'est passé l'après-
La vie est un long fleuve tranquille?
Très mal. J'ai eu un César à 45 ans. Les gens me reconnaissaient. J'ai cru naïvement qu'enfin on allait s'apercevoir que je suis une grande comédienne. Mais on ne m'a proposé que des redites de Mme
Le Quesnoy. Pour moi qui, au théâtre, jouais l'aventure de la métamorphose depuis vingt-cinq ans, cela a été un moment très difficile. J'ai pris conscience que nous sommes des rois ou des reines à contrat déterminée. J'ai cautérisé la déception de ne pas avoir vu s'ouvrir un champ de travail avec des cinéastes que j'admirais. Le problème majeur est aussi que les rôles sont rares pour les femmes de plus de 40 ans.
Pourtant, vous décidez d'arrêter le théâtre pendant quinze ans. Pourquoi?
Je jouais un monologue de
James Joyce,
Molly Bloom, un texte qui apparemment n'a pas de sens. J'ai mis six mois à apprendre le texte. La veille de la première, je ne le connaissais toujours pas. Le soir, j'ai eu un trou. Je me suis transformée en statue de sel. Je suis sortie exsangue des cent représentations et j'ai décidé de ne plus remonter sur scène.
Vous avez aussi croisé la route d'
Albert Dupontel au moment de
Bernie.
J'ai été soufflée par le mélange de burlesque et de tragique de son film. Par son intelligence aussi.
Berniea été hard mais passionnant. Je n'ai pas peur au cinéma. J'ai envie d'aventures extrêmes. L'eau tiède, ce n'est pas mon truc. Pour qu'une femme accomplisse ce qu'elle a en elle d'un destin exceptionnel, il faut qu'elle soit dans la transgression perpétuelle.