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 Disparition des cathos de gauche...

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MessageSujet: Disparition des cathos de gauche...   Disparition des cathos de gauche... Icon_minitime14.09.12 15:15

Cathos de gauche, la relève ?
Henrik Lindell - publié le 14/09/2012

Ils sont moins visibles qu’hier dans les médias et sur la scène publique. Ont-ils encore un poids politique ? La Vie fait le point.


Rassemblement de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) à Bercy en mai 2003, une des forces vives des cathos sociaux © Chamussy / SIPA


« De gauche chrétienne visible et agissante en politique il n’y en a plus », écrit Jean-Louis Schlegel dans sa conclusion d’un nouveau livre de référence en la matière : À la gauche du Christ. Les chrétiens de gauche seraient-ils en voie de disparition ? Depuis le départ d’évêques comme Jacques Gaillot ou Albert Rouet, il n’y a pratiquement plus de figures qui porteraient la voix des catholiques de gauche. Il reste certes un noyau dur de quelques milliers de personnes au sein de la Fédération des réseaux du Parvis, mais ils ne ­recrutent plus beaucoup parmi les jeunes.

Une chose est sûre : beaucoup d’eau a coulé depuis les Trente Glorieuses, où des chrétiens de gauche s’investirent massivement en politique et dans les syndicats, ouvrant ainsi une parenthèse saisissante dans l’histoire du christianisme en France. Certains ont arrêté leur engagement. D’autres encore ont essayé de continuer, dans un contexte de sécularisation massive et d’une affirmation de plus en plus forte de l’autorité du magistère catholique. D’autres, enfin, ont fini par laisser tomber leur référence chrétienne.

Autre caractéristique : les chrétiens de gauche ont insuffisamment assuré leur renouvellement. « Ils ont transmis des valeurs centrales comme la solidarité, mais il est évident qu’ils n’ont pas suffisamment transmis la foi. Le sentiment de ne pas toujours être écouté ni dans l’Église catholique ni au sein des partis de gauche n’a pas arrangé les choses », explique Vincent Soulage, historien et lui-même catholique de gauche, syndicaliste et militant au sein du PS.

L’évolution du « vote religieux » semble aller dans le même sens. 79 % des catholiques pratiquants réguliers auraient voté pour Nicolas Sarkozy au second tour en mai dernier, selon un sondage La Vie/Harris. Le candidat Hollande aurait été moins populaire que François Bayrou auprès des pratiquants réguliers. D’autres instituts ont donné des chiffres un peu moins sévères, mais néanmoins alarmants. Les cathos de gauche seraient plus minoritaires que jamais !

Mais malgré ce tableau sombre, il y a aussi des signes de renouveau. Certains sont paradoxaux. Ainsi Témoignage chrétien (TC) un de leurs principaux porte-parole. L’hebdomadaire né dans la clandestinité en pleine guerre a connu son moment de gloire dans les années 1960 et 1970, où il avait plusieurs dizaines de milliers d’abonnés. Aujourd’hui, d’une façon hautement symbolique, de graves difficultés économiques obligent la direction à envisager le licenciement de quatre salariés sur douze. Néanmoins, l’érosion du lectorat semble stoppée depuis environ deux ans. Le nombre d’abonnés serait même en hausse. « Le nombre d’abonnés payants s’est stabilisé à 6 900, avec des variations de plus ou moins 300, et donc, en juillet 2012, 300 abonnés de plus qu’en juillet 2011 », précise Jérôme Anciberro. Cette légère remontée serait due, selon le rédacteur en chef de TC, à l’arrivée d’un « certain nombre de lecteurs jeunes – des étudiants, des profs, des cadres – qui n’ont pas forcément le même profil que nos abonnés classiques ».

Autre signe de renouveau important : les Poissons roses. Avec ses quelque 600 membres, cette association constituée essentiellement de chrétiens de gauche veut créer un courant au sein du Parti socialiste. À l’instar de beaucoup de cathos, ces militants mettent peu en avant les références chrétiennes directes, mais revendiquent leurs valeurs, surtout dans le domaine de l’éthique. « Nous voulons inclure tout le monde, notamment des musulmans et des non-croyants, plutôt que de nous enfermer dans un club chrétien », est le message de Philippe de Roux, qui a fondé les Poissons roses en septembre 2011 avec Nestor Dosso, un autre militant du PS.

Philippe de Roux a un parcours singulier : ex-militant UMP à la trentaine rayonnante, entrepreneur créatif et intéressé par le social, il s’est converti à la gauche parce qu’en accord profond avec les réformes sociales qu’elle réclame. Mais il est contre l’adoption des enfants par les couples homosexuels, il s’oppose à l’euthanasie et souhaite proposer des solutions aux femmes enceintes seules qui, sinon, avorteraient. Ces idées correspondent en grande partie à la doctrine sociale des Églises chrétiennes, mais beaucoup moins aux programmes de gauche.

Peu visibles dans les grands médias et en politique, les chrétiens de gauche se retrouvent surtout sur les réseaux sociaux. Parmi les sites et blogs qu’ils ont créés ces dernières années, le plus important est sans conteste À la table des chrétiens de gauche (www.chretiensdegauche.eu). C’est un site qui regroupe des personnes qui aiment le débat, y compris entre elles, mais qui se sentent proches des valeurs de la gauche. Parmi elles, on trouve René Poujol, ancien directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Pèlerin. Sa raison de s’engager ? « L’élément déclencheur a été l’élection présidentielle et les points dits “non négociables” (en l’occurrence le refus du mariage gay et de l’euthanasie, ndlr) mis en avant par beaucoup de catholiques de droite. Même le pape n’en a pas parlé ! fulmine René Poujol. Pour l’Église catholique, il y a quand même d’autres enjeux, comme l’aggravation de la pauvreté, les enjeux environnementaux, etc. »
Pour un des fondateurs du site, Didier da Silva, autre militant catholique de gauche, « il faut montrer à la fois que tous les catholiques n’ont pas vocation à voter Christine Boutin, et faire preuve d’esprit d’ouverture. Entre chrétiens de gauche, on est d’accord sur l’essentiel, mais pas sur des questions sociétales, comme le mariage gay. »

La survie des chrétiens de gauche, voire son renouveau, passerait-elle donc par l’esprit d’ouverture et l’acceptation de l’autre ? « Attention, dit Vincent Soulage, le monde de la politique, n’est pas un monde de bisounours. Un chrétien de gauche doit sortir de l’irénisme, mais aussi accepter l’idée que tous les compromis ne sont pas des compromissions. Dans cette maturité-là, on est pertinent. » « Je suis convaincu que la radicalité morale qu’on trouve dans l’engagement chrétien de gauche – peut-être est-ce d’ailleurs là tout simplement son côté chrétien – a de l’avenir », explique Jérôme Anciberro. « Dans un monde de plus en plus complexe livré à la marchandise, la capacité de poser un jugement informé sur ce qui est bien et ce qui est mal est un atout indéniable. C’est frappant, par exemple, dans les domaines de l’économie, de l’écologie ou de la bioéthique. »

En tout cas, les chrétiens de gauche apportent du neuf en 2012. Quitte à secouer aussi la gauche ? « Pour la gauche, on est des emmerdeurs, soupire René Poujol. Quant à l’Église, qui semble faire marche arrière par rapport à Vatican II, elle ne nous met pas toujours à l’aise. Mais nous sommes peut-être maso ? »
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MessageSujet: Re: Disparition des cathos de gauche...   Disparition des cathos de gauche... Icon_minitime14.09.12 15:26

A la découverte des chrétiens de gauche
Etienne Séguier - publié le 11/09/2012

Ils sont moins visibles qu’hier dans les médias et sur la scène publique. Mais pour Denis Pelletier, Président de l’École pratique des hautes études, qui a coordonné le livre À la gauche du Christ, de nouvelles formes de militance émergent.




Directeur des études à la section des sciences religieuses et président de l’École pratique des hautes études, Denis Pelletier a coordonné, avec le sociologue des religions Jean-Louis Schlegel, un ouvrage sur les chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours. Intitulé À la gauche du Christ (Seuil), cet ouvrage de référence réunit les contributions d’une quinzaine d’universitaires. Il offre un regard détaillé et précis sur cette histoire contemporaine peu étudiée jusqu’à présent.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’effectuer ce travail d’historien sur les chrétiens de gauche ?

C’est une histoire méconnue qui permet de comprendre non seulement le christianisme contemporain, mais aussi une période originale de l’histoire poli­tique française. Ce moment où une république laïque qui s’est construite contre la présence de religieux dans la vie politique a laissé une place à des militants engagés au nom de leur foi. Pour des raisons liées à la laïcité, il n’y a jamais eu chez nous l’équivalent des grands partis démocrates-chrétiens italien, allemand, belge.

Comment expliquez-vous cette apparition ?

Tout d’abord par la crise de la gauche en France dans les années 1950. D’un côté, il y a les déçus du socialisme et de la politique menée en Algérie par la SFIO de Guy Mollet. Puis les déçus du communisme après l’entrée de l’Armée rouge à Budapest en 1956. De l’autre, apparaît une gauche chrétienne qui ne trouve pas dans ses propres organisations un véritable débouché pour exprimer ses convictions. C’est la rencontre de ces trois forces qui va présider à la naissance de la deuxième gauche. Le Parti socialiste unifié (PSU), fondé en 1960, va servir de creuset à ce mouvement.

En quoi l’évolution de l’Église a-t-elle favorisé ce mouvement ?

Le concile Vatican II va offrir un élan pour une gauche catholique qui a soutenu les prêtres-ouvriers, s’est engagée dans le dialogue avec le marxisme, et a un engagement social fort. Cette ouverture coïncide avec Mai 1968, durant lequel la société française s’interroge sur son système de valeurs. La contestation des institutions républicaines crée un espace pour des chrétiens qui souhaitent aussi faire évoluer les structures de leur Église.

Votre ouvrage s’intéresse aussi aux protestants, pourquoi ?

Il est fréquent de parler des « cathos de gauche », comme si les protestants ne l’avaient pas été. En vérité, ceux-ci ont joué un rôle essentiel dans l’histoire des chrétiens de gauche. Mais, contrairement aux catholiques, cet engagement est une réalité dès le XIXe siècle à travers leur participation à la construction de la République laïque. Après la Seconde Guerre mondiale, ils portent avec les catholiques une forte revendication d’éthique face à une gauche qui se dévoie dans la guerre d’Algérie ou dans le soutien à un régime totalitaire en Union soviétique.

Quelles autres valeurs portent les chrétiens de gauche ?

Il y a, par exemple, l’idée que les valeurs évangéliques peuvent être fondatrices d’une démocratie plus vivante. Les Évangiles sont lus comme une critique du pouvoir. À leurs yeux, le baptême de l’empereur romain Constantin constitue une trahison de l’idéal évangélique. ­Certains voient dans le Christ le premier révolutionnaire. À côté d’une gauche chrétienne s’est aussi constituée une extrême gauche chrétienne. On la trouve présente autour d’une revue comme ­Lettre, certaines communautés de base ou chez ceux qui s’intitulent chrétiens marxistes, peu puissants en nombre, mais qui ont pesé.

Vous montrez qu’au début l’engagement s’explique surtout par des motivations religieuses ?

C’est effectivement le cas jusqu’en 1954 et ce que l’on a appelé la crise du progressisme, qui correspond à l’interdiction des prêtres-ouvriers et à la condamnation de théologiens engagés à gauche, surtout des dominicains. Ce qui prime jusqu’alors, c’est plutôt un investissement à la fois social, missionnaire et culturel. Ce n’est qu’après le coup d’arrêt des prêtres-ouvriers que l’engagement au sein d’un parti politique devient une solution pour un grand nombre, même si quelques fidèles s’étaient déjà rapprochés des communistes.

Vous mettez aussi l’accent sur l’aspect culturel de leur démarche ?

Ces personnes-là arrivent en politique avec un projet culturel. Ils ont été formés par l’action catho­lique spécialisée, qui valorise une éducation populaire et l’accès à la culture pour tous. Ainsi, une revue comme La Vie catholique illustrée puis un groupe comme Malesherbes a joué un rôle clé dans la réflexion dans ce domaine. Je songe au lancement d’un magazine comme Radio Cinéma à l’origine de l’actuel Télérama. Cette attention à une diffusion large de la culture incitera les ­chrétiens de gauche à s’investir dans les expériences autogestionnaires au cours des années 1970. Elle explique aussi leur engagement dans les mouvements tiers-mondistes et la promotion d’un développement qui tienne compte des cultures locales.

Quelles sont les grandes années de ce mouvement ?

Elles se situent entre 1962 et 1985, avec comme apogée les Assises du socialisme en 1974, lorsque les militants chrétiens adhèrent au Parti socialiste. Le déclin des chrétiens de gauche débute dans le milieu des années 1980. Beaucoup de ces militants engagés à gauche quittent l’Église au fur et à mesure que Jean Paul II promeut un retour à un certain conservatisme.

Vivons-nous la fin des chrétiens de gauche ?

L’espace politique connaît de nos jours une formidable recomposition, de nouvelles formes de militance sont en train d’émerger, et je me garderai donc bien de me prononcer sur leur disparition. Une certaine manière pour des chrétiens de s’engager de ce côté-là de l’échiquier politique a décliné, mais il reste encore beaucoup de chrétiens à gauche. Quand les politologues travaillent sur la mouvance altermondialiste, en faveur des immigrés et des sans-papiers ou plus largement des mouvements sociaux, ils se rendent compte que les chrétiens pratiquants demeurent très présents, mais sans mettre en avant leur foi.
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