Un locked-in syndrome relance le débat sur l'euthanasie JIM.fr est réservé aux professionnels de santé. Ces derniers doivent être identifiés comme tels pour accéder à l’ensemble des pages du site. A titre exceptionnel, cette rubrique est accessible sans login et mot de passe. Toutefois, sur ces pages Pro et Société, les lecteurs non logués ne seront pas exposés à des publicités pharmaceutiques et devront s’identifier pour accéder aux autres rubriques médicales du site JIM.fr. Un britannique, victime d'un locked-in syndrome (ou syndrome d'enfermement), vient de se voir refuser par la Haute Cour de justice sa demande de mourir. Tony Nicklinson, 58 ans, marié et père de deux enfants, était ingénieur et sportif (passionné par le rugby et le parachutisme) avant qu’un accident vasculaire cérébral le laisse totalement paralysé en 2005.
Alors qu'il reste parfaitement conscient, toutes ses fonctions motrices sont atteintes, seule son oculomotricité fonctionne encore et lui permet de communiquer par le biais d’une tablette ou d’un ordinateur qui décrypte les clignements de paupières pour les transformer en mots. Cette situation ne fait qu’aggraver le sentiment d’être enfermé dans son propre corps, une expérience terrifiante décrite avant lui par Jean-Dominique Bauby dans son livre Le Scaphandre et le Papillon.
Inscrit sur Twitter en juin dernier et suivi par plusieurs dizaines de milliers de followers, Tony Nicklinson y décrit une dépendance aux autres qu’il supporte mal: «
Suis-je heureux que les docteurs m’aient sauvé la vie ? La réponse est non. J’en ai assez de cette vie et ne veut pas passer les vingt prochaines années comme ça. J’ai perdu la faculté de parler et suis paralysé du cou aux orteils ». Jugeant sa vie «
ennuyeuse, malheureuse, dégradante, sans dignité et insupportable», il réclame qu’un médecin puisse légalement mettre fin à ses jours, sans être poursuivi pour meurtre.
En mars dernier, la justice britannique avait jugé sa requête recevable. La paralysie interdisant toute possibilité d’accomplir un geste de suicide, il avait acquis le droit de demander «
qu'il ne soit pas illégal pour un médecin de mettre fin ou d'aider à mettre fin à ses jours sur la base de la nécessité ».
Les trois juges de la Haute Cour britannique ont finalement estimé qu'il ne revenait pas à la justice de s'écarter de la position légale, selon laquelle «
l'euthanasie volontaire est un meurtre», qu'elles qu'en soient les motivations. Tout changement dans la loi «
devrait être entouré des garde-fous que seul le Parlement peut décider ». Clairement opposée «
à ce que des médecins puisse légalement mettre fin à la vie de leur patient », la British Medical Association a estimé que les juges avaient rendu une «
bonne décision ».
Très affecté par la nouvelle, Tony Nicklinson a dicté à l’attention des médias ce message : «
Nos avocats sont prêt à aller jusqu'au bout de la démarche judiciaire, mais cela représente pour moi une nouvelle et longue période d'inconfort physique et de détresse mentale ». Sur twitter, Tony reçoit de nombreux soutiens, la plupart l’exhortant à renoncer à son projet de mort: «
Chaque chose arrive pour une raison. S’il vous plaît Tony, battez-vous pour vivre », «
Bonjour Tony, je prie pour que vous reconsidériez la valeur de chaque vie humaine. Si vous ne le faîtes pas pour vous, faites le pour vos enfants ».
Au Royaume-Uni, une commission d'enquête a recommandé en janvier un réexamen de la loi sur l'euthanasie et le suicide assisté. En France, à l’occasion d’une visite en juillet dernier dans la maison médicale dédiée à la fin de vie et aux soins palliatifs de Rueil-Malmaison, François Hollande a relancé le débat de la légalisation de l'euthanasie à laquelle est favorable une majorité de la population. « Peut
-on aller plus loin dans les cas exceptionnels où l'abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les patients aux prises avec une douleur irréversible et qui appelle un acte médical assumé au terme d'une décision partagée et réfléchie ? », s’est ainsi interrogé le président de la République. Une mission de concertation a été confiée au professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE).
Amandine Ceccaldi