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| Emmanuel Hirsch, fin de vie | |
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| Sujet: Emmanuel Hirsch, fin de vie 14.06.12 16:18 | |
| Légalisation de l’euthanasie : un choix politique, pas médicalEmmanuel Hirsch...
- famillechretienne.fr
- 14/06/2012
- Par Benjamin Coste
En sa qualité de président du collectif Plus digne la vie, Emmanuel Hirsch, réagit au dépôt d’une nouvelle proposition de loi pour la légalisation de l’euthanasie en France.Que vous inspire la proposition de loi déposée devant le Sénat le 8 juin dernier relative à l’assistance médicale pourmouriret à l’accès aux soinspalliatifs ?Je ne vois pas de grandes nouveautés par rapport à la proposition de loi qui a été déposée devant le Sénat le 31 janvier dernier. Elle reprend la mesure 21 du programme de campagne du candidat Hollande. Nous sommes en démocratie, les Français ont élu le président socialiste. Rien d’étonnant donc à ce qu’il souhaite appliquer les mesures pour lesquelles il a été élu. Pour autant, il faut voir que cette proposition de loi, comme la mesure 21 de François Hollande, joue sur les mots. En effet, le mot « euthanasie » n’y est jamais mentionné. Nous n’en sommes qu’au stade d’une proposition de loi, qui va passer devant un Sénat majoritairement à gauche. Pour l’heure, sans le résultat définitif des élections législatives et sans savoir quelle sera la majorité à l’Assemblée nationale, il est difficile de savoir comment se concrétisera – ou non – cette proposition du sénateur Roland Courteau. Pourquoi, selon vous, cette nouvelle proposition de loi intervient-elle justement entre les deux tours des législatives ?Le collectif que je préside a publié durant la campagne présidentielle une série de 21 propositions pour une vie digne jusqu’à son terme. À mon sens, la loi Léonetti est une bonne loi : elle permet d’encadrer avec intelligence la plupart des cas de figure. Nous sommes dans un débat de société. Il ne s’agit pas d’une question simplement médicale, mais bien d’un choix politique, voire idéologique. Dans une société sensible aux symboles, il est plus simple de dire que l’on va dépénaliser l’euthanasie que de promettre un retour immédiat au plein-emploi. Les promoteurs de cette légalisation, comme l’association pour le Droit de mourir dans la dignité, s’appuient sur des sondages qui disent que 90 % des Français sont favorables à l’euthanasie. Je note néanmoins un écart entre les résultats de ces sondages et l’appréciation des personnes qui sont confrontées à la fin de vie d’un proche. Je crois que nous devons également nous tourner vers des pays comme la Belgique ou la Hollande qui ont déjà franchi le pas. Dans ces pays, les dérives autour de la fin de vie sont réelles. En Belgique, il est désormais question d’ouvrir ce droit à l’euthanasie aux enfants. Des manquements graves ont été constatés : des procédures aléatoirement respectées, des injections pratiquées en dehors du cadre légal… Je crois que ce bilan devrait nous inviter à beaucoup de prudence. C’est pour cela que nous proposons, avant toute légalisation, l’organisation d’une grande consultation nationale. Craignez-vous une possible légalisation de l’euthanasie en France ?La société française, vieillissante, va de plus en plus être confrontée à l’accompagnement de personnes atteintes de dégénérescence cérébrale, comme la maladie d’Alzheimer. Ainsi, dans l’hypothèse d’une légalisation de l’euthanasie, comment être certain que la volonté du malade sera respectée ? Pour notre collectif Plus digne la vie, la personne malade – donc vulnérable – doit pouvoir vivre sa vie jusqu’à son terme dans une société qui l’accueille telle qu’elle est. Notre société doit repenser son rapport à la mort ; nous devons nous demander si une loi favorisant l’euthanasie va nous faire progresser en humanité ? Enfin, alors que nos pays sont en pleine crise économique et que soigner coûte cher, nous devons également poser la question des critères du maintien de la vie.
Dernière édition par PAT le 19.12.12 18:19, édité 2 fois |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 14.06.12 21:42 | |
| "La personne malade,donc vulnérable" Ah bon |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 14.06.12 21:48 | |
| Si l'acharnement thérapeutique en fin de vie fait du patient un cobaye,
les soins palliatifs font régresser par du maternage.
Où donc est la dignité..???... ... ... |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 16.06.12 19:21 | |
| C'est très regrettable que le docteur Emmanuel Hirsch ne fasse pas allusion au désir du patient(à sa volonté,donc à sa liberté,formalisée par les Directives Anticipées),tout en prenant soin de mentionner les problèmes économiques sous-jacents... ... ... ... ...Voilà un bel exemple "d'indignité" ! il suffit de voir sa tronche ! |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 31.10.12 13:38 | |
| Pour info,le site plus digne la vie fait référence à des sites catholiques intégristes. |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 12.11.12 19:26 | |
| Euthanasie : la confusion des sentiments
Mis à jour le 20/03/2008 à 21:12 | publié le 21/03/2008 à 21:11 Réactions (11)
Par Emmanuel Hirsch , directeur de l'Espace éthique AP-HP et du départementde recherche en éthique,université Paris-Sud XI.
Le droit de vivre dans la dignité sollicite davantage nos responsabilités humaines et sociales que consentir à octroyer la mort au nom d'une conception pour le moins restrictive de l'idée de dignité. Pour autant, la parole de la personne accablée par la maladie et confrontée à l'inéluctable, parfois à l'insoutenable violence d'une souffrance radicale, ne saurait nous laisser indifférent. Il nous faut en assumer le défi, lui témoigner une sollicitude, une préoccupation concrète dans la proximité d'une relation vécue comme un engagement. N'est-il pas une certaine forme d'indécence, ou alors une profonde méconnaissance, à considérer que légitimer le « don de la mort » ou le meurtre compassionnel constituerait la réponse espérée par celui qui éprouve le sentiment d'un désastre sans recours ?
Il ne s'agit en aucun cas d'adopter des postures morales, de clamer les grandes vertus sur le promontoire des idéaux, de lancer des anathèmes, de fustiger les fervents d'une mort « dans la dignité » promue comme le catéchisme du temps présent. J'estime plutôt nécessaire de contribuer à l'exigence d'un débat qui ne saurait se résoudre à déterminer des normes et des règles conformes à ce que serait, en l'occurrence, une « bonne solution », cette « bonne mort » tellement prisée et convoitée de nos jours par ceux qu'elle inquiète tant. Il convient en fait de préserver les conditions mêmes d'une réflexion, voire d'une méditation personnelle, intime, qui n'exonère pas cependant de l'obligation de choix politiques effectivement respectueux, en pratique, des personnes dans leurs valeurs, attachements et droits. C'est permettre ainsi autre expression de la liberté de se maintenir dans une position de vigilance, de demeurer invulnérable aux tentatives d'une soumission inconditionnelle aux pressions et convoitises d'une idéologie de convenance, à tant d'égard favorable à la prescription médicale de la mort.
Le combat éthique à mener pour humaniser si nécessaire la fin de vie, lui conférer une signification, une reconnaissance que tant d'obstacles compromettent aujourd'hui, se limiterait-il à la revendication d'un droit, d'un droit à la mort ? Je ne le pense pas. S'agissant des prises de position trop souvent péremptoires qui envahissent l'espace public de manière récurrente à propos de l'euthanasie, j'estime qu'on devrait désormais avoir le courage ou l'humilité d'interroger la cause qu'elles prétendent défendre. Si leurs préoccupations concernent les personnes rendues plus vulnérables que d'autres par l'état de maladie, les incertitudes liées aux conditions de persistance d'une vie dépendante et les détresses éprouvées comme des menaces immédiates sur leur existence, je ne suis pas certain qu'elles y trouvent autre chose que du mépris ou de l'inconséquence. Si, comme certains le prétendent, il importe de conjurer la mort ou de la braver dans la dignité de l'ultime sursaut d'une autonomie assumée, rien ne justifie qu'il soit nécessaire de solliciter davantage les évolutions de la loi. Car contrairement à ce qui est avancé pour tromper ou falsifier les véritables enjeux du débat, notre pays a su déterminer de manière exemplaire les principes d'une approche digne des situations humaines les plus délicates en fin de vie. La loi « Vincent Humbert » existe depuis le 22 avril 2005. Que signifie son occultation, sa méconnaissance ou sa contestation (peut-être « faute de n'avoir pas été plus loin… »), si ce n'est qu'au respect des valeurs et droits de la personne en fin de vie, on tente de substituer le droit indifférencié au suicide médicalement assisté ?
Entre meurtre par compassion, « engagement solidaire et exception d'euthanasie (1) », les frontières deviennent à ce point subtiles, incertaines, voire équivoques, qu'une véritable « confusion des sentiments » habilement mise en scène semble créer les conditions permettant d'envisager en toute neutralité, sans engager moralement qui que ce soit, les ruptures ainsi annoncées. On ne saurait traiter de la dépendance, des handicaps, de la maladie chronique ou incurable et des fins de vie, en des termes inconsistants, péjoratifs, indifférenciés ou compassionnels. De tels propos amplifient la sensation d'une violence sociale irrépressible et sollicitent des mentalités qui apparaissent attentatoires aux libertés individuelles, suscitant des pratiques qui se banaliseraient actuellement dans le contexte médical. Ils ne peuvent qu'inciter à accentuer les fragilités et détresses de personnes trop souvent niées en tant que telles, et ramenées à l'insupportable condition d'une existence que certains considèrent indigne d'être vécue.
Les questions importantes, celles qui concernent ce que nous sommes, nos attachements, nos représentations, ne trouvent plus l'espace familier, naturel, indispensable à l'échange, au temps d'une délibération préservée des manipulations de l'opinion, soucieuse des valeurs qui nous constituent et de nos devoirs de fraternité. Faut-il pour autant abdiquer, renoncer à tenter de mieux cerner ce qui nous est essentiel, indispensable à la persistance d'une certaine conception de la dignité humaine ? Je ne le pense pas et préfère une position de résistance au renoncement de la pensée.
Les missions du soin relèvent d'une double exigence : préserver l'humanité d'une relation et ne pas renoncer à reconnaître l'autre en ce qu'il demeure jusqu'au terme de son existence. Le soupçon que suscitent des prises de position ambiguës, avantageusement relayées au sein de la cité, s'avère dès lors inconciliable avec la reconnaissance des besoins de confiance, d'estime, d'appartenance à laquelle aspire la personne dans ces circonstances extrêmes. D'autant plus lorsque l'envahit le sentiment parfois oppressant d'un temps qui lui est compté, d'une vulnérabilité qui s'accentue et menace son intégrité. Le devoir de respect engage à l'expression intransigeante et rigoureuse d'une forme élevée de la solidarité, de la fraternité humaine. Il ne peut donc pas se satisfaire des approximations, y compris lorsqu'elles prétendent relever du registre de la compassion. Notre souci de l'autre, fragile et démuni face à sa mort, mérite mieux.
S'il s'avère aujourd'hui délicat d'évoquer les phases ultimes de l'existence, des professionnels de la santé et membres d'associations en font pourtant la cause supérieure de leur engagement au service de la cité. Ils en témoignent sur le terrain, au plus près des personnes malades ou en fin de vie, garants en quelque sorte d'une présence humaine et d'une considération sociale plus attendue que les réponses mortifères. Il est une dignité dans le combat mené pour la vie, voire pour la survie, y compris dans les conditions difficiles et douloureuses de la maladie. Le devoir du médecin auprès de la personne qui meurt est de l'assister jusqu'au terme de son existence. Il ne saurait être le prescripteur de sa mort.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 12.11.12 19:29 | |
| Soins palliatifs=révélation d'une théorie du complot ! ! ! ... ... ... À propos de la publication de À la vie, à la mort[1]Emmanuel HirschProfesseur d’éthique médicale, université Paris SudLa quatrième de couverture de livre À la vie, à la mort ne peut qu’inciter à s’engager dans la lecture d’un ouvrage dont on nous promet beaucoup : « Philippe Bataille, sociologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, a mené une enquête pendant plusieurs années dans différentes unités de soins palliatifs en France, au plus près des malades, des mourants et de leurs proches. […] » S’ajoute à l’envie de découvrir cette réflexion, un entretien avec l’auteur publié dans Libération le 14 septembre 2012 [2] au cours duquel il nous précise l’objet de sa recherche et mentionne, toutefois, que son investigation s’est avérée plus limitée dans le temps et, a priori, circonscrite à une unité de soins palliatifs (non identifiée) : « Depuis plusieurs années, je travaille au centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin où j’ai découvert, de l’intérieur, les contenus de plusieurs demandes d’aide active à mourir, y compris pour des enfants inconscients. J’ai aussi passé plusieurs mois dans un service de soins palliatifs. J’ai regardé, écouté, tout en me sentant confronté à ce qui était évident, apparent, mais que l’on ne voulait pas dire. » Philippe Bataille se propose ainsi non seulement de lever un grave malentendu mais plus encore de nous révéler une théorie du complot : celui que fomentent depuis des années, au cœur des réalités du soin, les professionnels et bénévoles des soins palliatifs. Ceux qui sont désignés sous sa plume comme les ²palliativistes², une terminologie connotée qui semble leur révoquer toute dignité, idéologues d’un autre temps qui abuseraient d’un pouvoir arbitraire au mépris de la juste revendication d’une assistance médicalisée à la mort, du droit à l’euthanasie dont le sociologue affirme l’extrême urgence afin de conjurer une telle imposture. S’il est un malentendu à évoquer d’emblée (le sous-titre de l’ouvrage est Euthanasie : le grand malentendu) c’est que le propos ne relève pas d’une étude de sociologue, construite selon une méthodologie et une argumentation scientifiquement étayées, mais nous ramène tout simplement à un pamphlet, semblable à tant d’autres positions exprimées sous une forme ou une autre depuis des années. On ne peut que déplorer de la part d’un éminent sociologue (dont les travaux consacrés aux personnes atteintes d’un cancer [3] constituent une si précieuse référence), l’incapacité à dominer un discours convenu et conformiste. Cela dénature les quelques arguments évoqués dans ce plaidoyer hâtif, pour ne pas dire sommaire, visant à disqualifier les soins palliatifs et à les ramener de manière caricaturale à une pratique condamnable, irrespectueuse des droits de la personne et n’ayant pour seul objectif que celui de mener un combat contre l’euthanasie : « Elle (la culture palliative) nait en combattant l’euthanasie médicale, comme elle affronte aujourd’hui la demande d’aider médicalement la mort, en fin de vie » (p. 38). Le livre de Philippe Bataille a certainement un grand mérite : celui d’avoir été rédigé et de constituer ainsi un témoignage révélateur des préoccupations très respectables de l’auteur. Toutefois sans véritable originalité, fait d’instantanés saisis au cours d’observations de terrain, brièvement commentés et conclus par des considérations définitives qui ne semblent pas appeler la moindre discussion. À la profondeur de l’analyse est préférée l’évocation imprécise, la saisie éphémère de moments happés au passage, l’effet de formule, alors que l’on pourrait tant attendre d’une investigation rigoureuse, d’échanges approfondis qui semblent refusés ou vains, de développements susceptibles de contribuer à notre compréhension. Car ce sociologue est assuré de son propos au point de n’être préoccupé que de ce qui serait susceptible de conforter son intime conviction, le reste important peu. Ce cheminement à tâtons, au gré des rencontres et des impressions personnelles dans un univers pourtant complexe et difficilement réductible à un modèle unique [4], est significatif d’une démarche qui prétend apporter du discernement là où il ferait tant défaut. Faiblesse d’une entreprise essentiellement polémique, qui ne tente pas d’affronter les véritables enjeux pour leur préférer quelques réponses convenues et des sentences sans grande consistance. Cela explique probablement l’impact médiatique que devrait avoir cet écrit de circonstance (pour ne pas dire de combat) qui prétend exhiber des révélations, y compris dans des domaines difficiles et parfaitement connus (par exemple en réanimation néonatale ou en cancérologie) dont on sait la difficulté des réponses à leur apporter tant ils relèvent de situations spécifiques qui défient les systématismes. Ce livre s’insère sans équivoque dans le registre univoque des partisans d’une légalisation de l’euthanasie, sollicitant des anecdotes pathétiques, restituant des fragments d’existence qui ne peuvent que susciter l’attention et la compassion, mais en se gardant bien d’entreprendre le moindre approfondissement pour se limiter à une posture constamment critique au nom d’un moralisme qui ne se discute pas. À quoi bon, dès lors, tenter de conférer à ce plaidoyer le statut d’une recherche en sciences humaines et sociales, si ce n’est pour conférer (à tort) une crédibilité, une légitimité scientifique à un simple texte d’opinion ? Et je n’y verrais pour ma part que la juste contribution à un débat démocratique qui ne doit pas éviter la controverse et permettre ainsi à chacun d’exprimer utilement son point de vue. L’ouvrage de Philippe Bataille y trouverait du reste sa place, au même titre que d’autres prises de positions auxquelles j’accorde une grande attention pour autant qu’elles nous incitent à mieux cerner un domaine des plus sensibles et à prendre la mesure de la difficulté de décider, voire de légiférer là où convergent tant d’ambivalence et de considérations souvent contradictoires. Cela étant, je ne peux qu’exprimer une grande réserve à l’égard de l’implacable réquisitoire dressé par Philippe Bataille, sans véritable argument pour convaincre, contre les soins palliatifs : « Le palliativisme entretient la confusion entre aide active à mourir et aide médicale à s’éteindre. Le consentement est contourné au point que le palliativisme s’en dispense ou dénie aux proches le droit de la faire valoir » (p. 121). Par ses excès mêmes (et ses outrances dans la mise en cause sans nuance de l’éthique des professionnels intervenant en soins palliatifs) l’auteur en arrive à décrédibiliser les quelques raisonnements qu’il s’efforce de produire. Il en est de même pour sa présentation péjorative et dénaturée de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, ou dans l’évocation de l’Observatoire national sur la fin de vie « voulu par Jean Leonetti en 2011, (il) s’est emparé de la mission de développement de la culture palliative sur toutes les situations de fin de vie. Il n’a de cesse depuis de réaffirmer l’idéal médical du palliativisme » (p. 113). Là encore, l’affirmation péremptoire et sans la moindre référence qui la justifierait se suffit à elle-même, comme si le chercheur n’avait cure d’adosser ses énoncés à des données précises. Comme s’il convenait de déconsidérer, de révoquer, de disqualifier en fait ce que signifient ces conquêtes en termes de droits, de dignité et de respect, afin d’en conclure que la seule réponse concevable aux situations humaines si délicates et douloureuses lorsque la médecine est confrontée à ses limites, serait l’euthanasie. On en conviendra, la démonstration mériterait d’être quelque peu étoffée, ne serait-ce que pour témoigner un minimum de respect à ceux qui sont éprouvés par des circonstances qui sont bien éloignées des controverses pour intellectuels. Il est vrai que l’effort d’une argumentation pertinente est plus difficile à assumer qu’un discours ramené à quelques considérations dogmatiques. Il se fait que depuis près de trente ans j’accompagne dans mon champ de compétence celles et ceux qui ont permis à la France de bénéficier (tardivement) de cette culture des soins palliatifs, celle qui horrifie tant Philippe Bataille. Depuis des années, à ma place et sans avoir la prétention de prescrire aux professionnels ce qu’il conviendrait de faire selon une conception de l’éthique dont je conteste l’ambition normative, je partage avec eux le difficile de dilemmes assumés avec une exigence et un souci de l’autre qui impressionnent. Il ne me paraît dès lors pas acceptable de ramener leur sens profond du devoir d’humanité et des valeurs de la démocratie à cette indifférence quelque peu perverse, à cette idéologie de l’acharnement à la vie, malgré tout et contre tous, évoquée par Philippe Bataille en des phrases cinglantes et définitives. Les soins palliatifs se sont constitués dans les années 1980 [5] en opposition à des postures d’abandon, de négligence et d’inhumanité, en proposant une autre conception éthique de la responsabilité soignante, une relation différente à la personne malade et à ses proches. Autant d’avancées déterminantes dans un contexte biomédical souvent réfractaire, qui ont pour beaucoup contribué à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la fin de vie. C’est là où l’écrit de Philippe Bataille relève d’un grave malentendu, difficilement acceptable s’agissant d’une personnalité à ce point compétente en sociologie. Tout d’abord parce que ce livre ne dit rien (ou de manière fragmentaire et tendancieuse) de ce qu’est le quotidien d’une unité de soins palliatifs, la complexité d’histoires humaines singulières et de parcours dans la maladie très différents les uns des autres. Rien de précis, de substantiel (au-delà de quelques anecdotes) des rencontres, des dialogues, des relations si particulières qui n’ont pas pour cadre exclusif un service dédié, mais qui interviennent dans d’autres contextes, y compris à domicile. Il ne dit rien de la mort solitaire, non accompagnée dans des institutions spécialisées ou des établissements d’hébergement pour personne âgées dépendantes, au service d’accueil des urgences (faute de lits disponibles dans les services spécialisés qui ont pourtant suivi pendant des années une personne), de ces personnes négligées au décours d’une complication, reléguées dans l’errance d’une fin de vie insupportable qui ne semble plus concerner qui que ce soit. Il ne dit rien en fait de ce qui se vit et s’assume d’essentiel dans l’indifférence générale (y compris de la part de nombre d’institutions), de ce qui se survit de si douloureux, de ce qui s’éprouve comme un défi, se partage simplement, humainement dans la sollicitude et la faiblesse d’un acte ultime et indispensable de solidarité. Il ne dit rien de ces paradoxes, de ces contradictions, de ces subtilités qui toujours échappent aux théories fugaces et requièrent une qualité d’attention et de discernement bien proche de la prudence et de l’humilité. Mais tous ces manquements volontaires, ces opacités, ces interprétations biaisées, constituent probablement le plus important enseignement tiré de la lecture d’un tel ouvrage. Car il révèle en creux l’urgence d’un questionnement d’autant plus justifié lorsque la tentative s’avère de ce point de vue si peu concluante faute d’avoir accepté, ne serait-ce qu’un instant, de prendre le risque d’une analyse en situation différente dans sa restitution d’un manifeste idéologique. On ne peut réduire les circonstances pour lesquelles certains prétendent détenir la bonne solution à la position si dérisoire du « pour ou contre l’euthanasie ». De tels enjeux sollicitent une autre maturité politique, une plus juste conscience de nos obligations en termes de solidarités concrètes. Il est d’une telle naïveté de prétendre aujourd’hui que cessera la mascarade et sera restaurée la dignité perdue d’une fin de vie humainement acceptable, simplement le jour où le législateur acceptera de légaliser l’euthanasie… On l’aura compris, cette théorie du complot qui semble obséder Philippe Bataille au point de l’engager dans un militantisme à l’emporte pièce si peu convaincant, rend infiniment fragile une position qui tente, avant toute autre considération, de se légitimer en diabolisant ses adversaires. Ils sont ainsi ramenés, contre l’évidence même, à la condition de professionnels dévoyés, acharnés à imposer leurs principes au mépris des droits de la personne malade. De tels procès à charge ne peuvent qu’inciter à se demander quels mobiles provoquent une telle violence, un tel mépris, au nom d’une posture éthique dont on ne discerne en rien les fondements. La fin de vie d’une personne mérite mieux que cette rhétorique à seule visée polémique, ce qui explique mon extrême déception alors que j’attendais tant des observations d’un sociologue ainsi qu’elles nous étaient promises. |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 02.10.13 11:01 | |
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| Sujet: Emmanuel Hirsch 09.11.13 23:48 | |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 27.12.13 17:08 | |
| Fin de vie : des évolutions équilibrées et prudentes s’imposent désormais Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud Conférence de citoyens sur la fin de vie : une attente déçue Depuis le 16 décembre, le texte tant attendu de la conférence de (18) citoyens sur la fin de vie devrait nous permettre désormais de mieux cerner des aspects inédits de ces questions complexes : certaines compétences estimaient en effet justifiée semblable consultation… A sa lecture, je n’en suis que peu convaincu. Le Comité consultatif national d’éthique dispose certes d’un document de plus, mais celui-ci au statut incertain : il lui semblait toutefois essentiel à la rédaction de son prochain avis annoncé vers janvier. En fait après le rapport de la Commission de réflexion sur la fin de vie en France remis à François Hollande le 18 décembre 2012 : « Penser solidairement la fin de vie » et l’avis n° 121 du CCNE « Fin de vie,autonomie de la personne, volonté de mourir » du 1er juillet 2013, fallait-il attendre cette ultime contribution pour clore la concertation dite nationale ? Une consultation certes a minima, puisque le Président du CCNE nous avait promis, avant de revoir à la baisse ses exigences, « un véritable débat public national sur la fin de vie et la mort volontaire ». Prochain acte ou péripétie, peut-être, de ce long périple engagé en juillet 2012, si, pour des raisons qui ne paraissent pas s’imposer aujourd’hui, il apparaissait préférable d’envisager de nouvelles prolongations. À dire vrai dire, à la lecture des conclusions de la conférence des citoyens la déception est grande. Les 18 jurés reprennent, certes avec leurs termes et quelques nuances, les lignes essentielles des réflexions menées par la mission Sicard, le CCNE, et en 2005 comme en 2008 par les missions parlementaires : généralités humanistes obligées sur les approches de la fin de vie dans un contexte médicalisé discutable ; urgence de rendre universel le recours aux soins palliatifs ; respect de la personne dans son autonomie et son droit de bénéficier des soulagements qui apaisent ses souffrances, y compris en abrégeant son temps de vie ; exigence d’aboutir à un compromis certes délicat, susceptible d’éviter toute « dérive », mais en estimant que le statu quo ne peut pas perdurer davantage. Liberté, dignité, respect, consentement, solidarité, encadrement législatif, collégialité,information : aucun concept ou mot clé n’est oublié dans ce nouvel inventaire de bonnes intentions dont il apparaît néanmoins difficile de saisir la portée exacte et sa contribution effective d’un point de vue pratique. Mais peut-être cette initiative ne relevait-t-elle que de la recherche d’une légitimation de la part d’un CCNE qui, inquiet pour une fois, se serait senti démuni d’autorité vraie dans un domaine qui semble diviser ses membres et susciter encore trop de controverses passionnées. Il sera donc intéressant de voir quels arbitrages seront enfin proposés au Président de la République par le CCNE, après ce détour qui interroge ou du moins laisse insatisfait, ne serait-ce que s’agissant de sa pertinence et de sa fonction. Du reste, à propos même de la méthodologie retenue pour constituer ce jury, l’IFOP reconnaît « que compte tenu de la taille du panel, celui-ci ne prétend pas à la représentativité de la population française et il est impropre de parler d’échantillon représentatif ainsi qu’on le mentionne traditionnellement pour un sondage » ! Seule mention positive à l’égard de cette initiative discutable dans ses justifications approximatives et sa forme, le pluralisme dans la sollicitation des différents intervenants qui avaient, chacun dans un temps limité, mission de présenter des points de vue et des analyses aux 18 citoyens. La maturité et la légitimé des positions et des argumentations développées depuis des années à l’épreuve de circonstances humaines souvent douloureuses, devraient enfin permettre de faire bouger les lignes sans nous soumettre à de nouveaux conciliabules dont le sens et la cohérence échappent. Il y a, me semble-t-il, urgence à se déterminer enfin et à énoncer les principes qui s’imposeront si des évolutions s’avéraient nécessaires et opportunes au regard des droits des personnes malades en fin de vie. Les politiques doivent désormais assumer leurs responsabilités à la suite de ces consultations dont j’estime qu’elles étaient nécessaires(pour autant qu’elles ne se prolongent pas vainement) et apportent les éclairages attendus. Un encadrement possible pour l’exception d’euthanasie ? Quelques brèves observations, néanmoins, à propos des propositions issues de la conférence de citoyens sur la fin de vie. J’observe que depuis le lancement de la consultation nationale sur la fin de vie le 17 juillet 2012, le Chef de l’État n’a jamais prononcé le mot euthanasie : il évoque avec justesse l’assistance médicalisée en fin de vie et nous incite donc à davantage de profondeur et de prudence dans les approches. Ce panel réunissant des citoyens, lui, aborde explicitement la question de l’euthanasie, même s’il la préconise à titre d’« exception » sans bien expliquer, au-delà de la pétition de principe, comment il conçoit son encadrement. Il conviendra toutefois de savoir comment on appréciera l’exception (de ce point de vue, en janvier 2000 l’avis n° 63 du CCNE « Arrêt de vie, fin de vie, euthanasie » abordait avec plus d’intelligence et de subtilité cette éventualité). La position des citoyens nous stupéfait néanmoins lorsqu’ils renoncent, au mépris des principes les plus évidents, à considérer le consentement comme une condition intangible : « elle (l’euthanasie) est envisageable dans des cas particuliers, ne pouvant entrer dans le cadre du suicide assisté lorsqu’il n’existe aucune autre solution (pas de consentement direct du patient) ». Avec une naïveté qui inquiète et nous laisse entrevoir ce que serait à cet égard la prise en compte de la position de personnes vulnérables, les citoyens envisagent que « ces cas strictement encadrés seront laissés à l’appréciation collégiale d’une commission locale ad hoc qu’il conviendrait de mettre en place ». Encadrer une telle exception justifierait nombre d’approfondissements qui pour le présent font défaut. Cela ne semble pas pour autant poser de problème aux 18 citoyens. A observer, 11 ans plus tard, la situation en Belgique (pays qui a dépénalisé l’euthanasie), les critères dits de minuties ne sont plus réellement tenus, ou alors ont évolué pour favoriser une permissivité ou mieux une acceptabilité qui interroge la notion même d’encadrement. Initialement l’euthanasie concernait des personnes au terme de leur existence, celles qui ressentaient des douleurs insurmontables ou rétives à toute forme d’apaisement. Aujourd’hui, les limites ont été repoussées, légitimant par exemple l’euthanasie d’un transsexuel qui ne parvenait pas à surmonter les conséquences d’une intervention chirurgicale, d’un grand mélancolique ou celle de jumeaux de 45 ans atteints de surdité, le 14 décembre 2012. Il y a quelques jours le Sénat belge a voté une extension de la loi concernant les enfants mineurs. Désormais est également à l’ordre du jour l’euthanasie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. En Belgique la déclaration des actes d’euthanasie se fait a posteriori, les notifications ne sont pas exhaustives. Cela pour dire à quel point l’encadrement apparaît difficile, quelques soient les intentions. Quel sera le statut de la commission dévolue, en France, à l’autorisation d’euthanasie d’une personne de surcroit incapable d’exprimer un consentement ? Le panel citoyen aborde dans ses résolutions le suicide médicalement assisté. Telle qu’elle est pratiquée, par exemple, dans l’état de l’Oregon (États-Unis), cette procédure vise à respecter l’autonomie de la personne. Le médecin a pour responsabilité de déterminer et de confirmer officiellement la justification médicale de ce possible recours, en phase terminale d’une maladie. Il prescrit mais n’administre pas le produit létal. La personne, du reste, peut décider de ne pas se suicider. Certains observateurs considèrent qu’en quelque sorte le médecin légitime malgré tout le suicide ; d’autres qu’il ne va pas jusqu’au bout et laisse la personne à sa solitude. Il est évident qu’une personne bénéficiant d’un accompagnement au sein d’un environnement favorable n’appréhende pas ces questions de la même manière que celle qui se trouve confrontée sans soutiens au dilemme de décider. La mise en oeuvre de cette forme de suicide suscite nombre de problèmes pratiques. Notamment pour les médecins qui ont pour mission de réanimer des personnes qui tentent de se suicider, et au moment même où notre société se mobilise contre le suicide des personnes âgées. Les 18 citoyens observent toutefois avec sagesse ou candeur : « nous insistons sur la nécessaire vigilance à apporter dans les cas où le suicide médicalement assisté concernerait des personnes n’étant pas en capacité de réaliser le geste par elles-mêmes afin de prévenir toute dérive. » Là également, entre des positions incantatoires et la justesse de leur applicabilité la distance est grande. Des repères forts légitimés par l’autorité publique L’autorisation de la sédation en phase terminale est également abordée par les citoyens. Tout faire pour atténuer les souffrances de la personne s’impose en fin de vie. C’est ce que la loi préconise depuis 2005. La question est celle d’une extension de l’indication de la sédation qui aurait pour objectif explicite (et non indirect) d’abréger la vie. On évoque même aujourd’hui à ce propos la notion de « sédation euthanasique », ce qui n’est pas sans susciter quelques interrogations. A cet égard nos 18 sages se contentent de reprendre une considération qui relève de l’évidence depuis la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie : « en phase terminale, l’objectif de soulagement de la douleur et de la souffrance du patient doit primer sur le risque de décès pouvant survenir à l’issue d’une sédation profonde. » Nous n’avions pas besoin de cette préconisation pour comprendre que l’approche de la sédation ne saurait constituer, en tant que telle, une variable d’ajustement,au gré des interprétations, de la pratique d’euthanasie. Dans ce domaine également, depuis la loi du 22 avril 2005 les pratiques ont su évoluer, tenant compte, dans un contexte donné,selon le choix de la personne et en visant son intérêt direct, d’enjeux qui ne sauraient se satisfaire de considération générales, aussi compassionnelles fussent-elles dans leur motivation. Personnellement je pense que des évolutions équilibrées et prudentes s’imposent désormais ; elles sont d’autant plus justifiées que l’impatience est attisée par la multiplication d’analyses et de propositions (accompagnées de tant de commentaires approximatifs pourtant sentencieux) qui attendent la conclusion politique annoncée. Les résolutions tirées de la conférence des 18 citoyens me renforcent dans ma conviction : des questions à la fois graves et complexes imposent à un moment donné l’énoncé de repères forts légitimés par l’autorité publique. François Hollande a su initier une consultation opportune qui ne doit pas se perdre dans les dédales de disputations sans fin ou de saisines sans réelle consistance. Tout cela ne contribuerait qu’à prolonger inutilement des discussions que je considère suffisamment abouties. Chacun à compris que notre approche politique de nos responsabilités humaines et sociales auprès d’une personne en fin de vie engage les valeurs du vivre ensemble, celles de la solidarité. C’est là où comme l’ensemble des citoyens de notre République je me sens concerné. |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 01.07.14 10:36 | |
| Euthanasie : « le changement c’est maintenant »
Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Deux parlementaires ont désormais pour mission de proposer avant décembre 2014 un texte de loi visant à « assurer le développement de la médecine palliative, mieux organiser le recueil et la prise en compte des directives anticipées, définir les conditions et les circonstances précises dans lesquelles l’apaisement des souffrances peut conduire à abréger la vie dans le respect de l’autonomie de la personne ».
Si, de manière désormais évidente, les positions se sont précisées ces derniers mois pour convenir de la nécessité d’avancées et surtout d’encore plus de justesse et d’attention portée à la personne malade dans le processus décisionnel, c’est tout d’abord parce que la réflexion désormais confiée aux politiques n’a plus été considérée comme relevant de la seule compétence des spécialistes. Notre société, dans la diversité de ses composantes, se l’est appropriée, soulevant avec lucidité et courage des questions qui s’imposent à tous. Cette exigence ne doit donc pas être déçue par des considérations essentiellement idéologiques, voire partisanes. Il convient, avant toute autre considération, d’affirmer sans plus d’ambiguïté les principes à préserver et les aspirations à respecter, de renoncer aux positions extrêmes, aux revendications incantatoires ou aux postures indécentes. Notre représentation nationale saura, je l’espère, comprendre ce à quoi aspire notre société : elle s’est dite rétive à toute forme de systématisme, à la médicalisation outrancière de la fin de vie, à la transposition d’un modèle unique de pensée qui anéantirait l’impératif du discernement et la responsabilité d’une prise de décision assumée ensemble. La tentation est évidente de vouloir, une fois encore, confisquer l’expression de cette intelligence collective sollicitée par François Hollande le 17 juillet 2012 : l’expression d’une parole attentive au bien commun, insoumise aux simplifications, responsable et solidaire comme il convient de l’être lorsque nos devoirs d’humanité en appellent aux plus hautes valeurs de la démocratie.
Un constat s’impose toutefois aujourd’hui, lourd de conséquences et de menaces diffuses. Lancée avec prudence et humanité par le président de la République en juillet 2012 dans une structure dédiée aux soins palliatifs à Rueil-Malmaison, la concertation nationale sur la fin de vie s’est achevée le 25 juin à Pau, dans l’enceinte d’une cour d’assises, sous les ovations du public. En son âme et conscience, un jury populaire a en effet estimé qu’un médecin était fondé à décider, solitairement et en recourant à des méthodes pourtant contraires aux bonnes pratiques professionnelles, de l’euthanasie de sept personnes. L’exception d’euthanasie proposée ces derniers mois tant par le Conseil national de l’ordre des médecins « par devoir d’humanité » sous la forme d’une « sédation terminale » (8 février 2013), que par le jury citoyen constitué par le Comité consultatif national d’éthique (le 16 décembre 2013), semble avoir pris le pas sur les principes érigés par la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. À l’affut d’une opportunité qui donne enfin libre cours à la volonté d’en finir avec une loi selon eux trop restrictive ou liberticide pour avoir leur faveur, des responsables politiques, y compris membres du gouvernement, ont proclamé sur le champ que « le changement c’est maintenant ». Ainsi, renonçant désormais à toute « obstination déraisonnable », prétextant un consensus de façade qui interroge et inquiète, nous voilà témoins compassionnels de l’agonie d’une loi pourtant votée à l’unanimité en 2005.
Aujourd’hui il n’est plus temps de procéder à la révision de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, de déplorer la défaite d’une approche en justesse et en humanité saccagée pied à pied au nom d’une conception individualiste et dévoyée du principe d’autonomie. Mercredi, à Pau, le verdict d’un médecin acquitté pour avoir anticipé la pratique systématisée d’euthanasies dites d’exception constitue le dernier acte d’une démarche pourtant profondément justifiée : en dépit des affirmations les plus contestables à cet égard, cette loi a progressivement transformé la culture soignante, contribuant à cette nécessaire et délicate pédagogie de la responsabilité partagée. Elle a démontré qu’au plus près des réalités humaines souvent douloureuses vécues sur le terrain du soin, la phase terminale d’une existence ne saurait se satisfaire seulement de procédures aussi minutieuses et méthodiques soient-elles. Il y faut infiniment de respect, de prudence, d’inquiétude et de discernement. Il serait vain de penser, en détaillant avec minutie des dispositifs acceptables et applicables, que la gestion administrative de la fin de vie « jusqu’à ce que mort s’ensuive » permettra d’éviter tout dilemme et contribuera à la sérénité. Qu’en est-il en pratique du modèle de dépénalisation de l’euthanasie exhibé comme la référence dont la France devrait s’inspirer par esprit de modernité ?
Il semble évident que la réflexion présente ne saurait se limiter à l’exploration des modalités de limitation et d’arrêt des traitements actifs, à la sémantique des sédations en phase terminale ou euthanasiques, au recours ou non au suicide médicalement assisté, à la banalisation de la rédaction de directives anticipées opposables et renforcées par la désignation d’une personne de confiance. La « sédation terminale » de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, réfute les quelques repères posés hier par le législateur comme des modes d’encadrement fiables. Ce serait du reste se satisfaire de manière illusoire de dispositions dont la pertinence tient, avant toute autre considération, à la qualité d’un environnement humain, social et médical susceptible d’anticiper et d’accompagner, avec mesure et discernement, une décision souvent complexe et incertaine. En tenant compte des valeurs, des préférences et des attachements propres à la personne. Ce temps d’élaboration compris comme une approche favorable à une relation de confiance aboutit pas à pas est indispensable à l’émergence d’une position partagée dont on sait toutefois d’expérience qu’elle peut évoluer à tout moment.
N’évitons pas, dans la précipitation d’une pulsion compassionnelle ou d’un recours forcené à un consensus bien inconsistant face aux détresses humaines d’une vie parfois saccagée par la maladie incurable ou le handicap sévère, de nous soumettre à l’examen scrupuleux et prudent de la complexité des circonstances. Car, dans le contexte actuel, rien n’indique que notre démocratie gagnerait à renoncer, par dévoiement du principe de solidarité, confort intellectuel, esprit partisan ou accommodements suspects, aux renoncements d’une loi ou d’une jurisprudence d’exception.
Il ne saurait donc être aujourd’hui envisageable d’engager ce processus législatif portant sur la fin de vie, sans avoir le courage d’affronter, sans amalgame ou réductionnisme, ce long temps de la maladie chronique ou du handicap lourd qui ne peut être assimilé d’emblée à la phase ultime d’une existence. Sans quoi, une forme dévoyée du principe de précaution pourrait être appliquée, sans plus de discernement, aux personnes dont il serait estimé, a priori et selon des critères induits par la loi, que leur réanimation, voire leur survie, n’est pas compatible avec une vie digne d’être vécue. S’il est possible d’affirmer, comme le prétendent certains aujourd’hui, que certaines existences ne sont plus des vies (voire plus dignes d’êtres vécues), cela imposerait pour le moins qu’il en soit débattu publiquement, et que l’on interroge les conséquences de tels argument ou de tels choix du points de vue de l’inconditionnel respect des droits de l’homme. On se saurait admettre plus longtemps les dérives pernicieuses de controverses délétères ou de sentences équivoques, même s’il devient désormais inconvenant d’en dénoncer à contre courant les relents de barbarie.
Qu’en sera-t-il, demain, de la liberté reconnue à la personne, avec ses proches, de poursuivre, respectée et accessible à nos solidarités, son parcours dans la vie, y compris plus vulnérable que d’autres, parfois même affectée dans ses capacités cognitives voire totalement dépendante ? N’est-elle pas digne, de notre part, d’une considération et d’un soutien d’autant plus forts qu’elle n’est plus à même de faire valoir elle-même ses droits. Plus grave encore, lorsque certains, parmi nous, ont donné, sous les acclamations du public et en se complaisant d’un verdict de mort, le signal politique d’un « changement maintenant » dont on peut constater dès à présent les premières conséquences.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 01.07.14 10:49 | |
| j'avais correspondu avec lui au début du quinquennat de F.H. il ne sait pas qui je suis ! Pour info, Plus digne la vie ne supporte pas l'ADMD et l'ADMD ne supporte pas Plus digne la vie Selon moi,bien que l'ADMD dise qu'il faut généraliser l'accès des soins palliatifs en fin de vie,il ne peut y avoir de compatibilité entre soins palliatifs et dépénalisation de l'euthanasie parce que les Français sont trop bêtes ? ? ? je ne sais pas |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 13.11.14 10:37 | |
| Ouvrir ou non la voie à l’euthanasie, une lecture du Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie
Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Un exercice délicat
Le chapitre 9 sur lequel se referme le rapport « sur le débat public concernant la fin de vie » que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu public le 23 octobre 2014 est fort judicieusement intitulé : « Prendre la mesure de la complexité ». Cette compilation commentée rassemblant – dans une visée d’exhaustivité – textes, verbatim, commentaires et autres renvois de bas de page s’avère en fait d’un accès pour le moins difficile. L’exercice était certes délicat, voire incertain. Dès lors pourquoi s’y être risqué ? Rien à voir avec la qualité de l’avis n° 121 du CCNE présenté le 1er juillet 2013 : « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir. » Si l’objectif était de récapituler dans un ensemble synthétique les données issues de la concertation nationale, comment comprendre dès lors ces considérations et propositions avancées au fil de l’inventaire ? Elles ajoutent à la complexité d’un assemblage touffu des préconisations qui relèvent davantage d’un avis que d’un rapport. Il aurait été plus convaincant de présenter cette contribution comme une extension de l’avis n° 121 ainsi enrichi de cette consultation publique prolifique. Car en fait l’intérêt de ce document au statut incertain tient essentiellement à la pertinence des réflexions qu’en tirent les membres du CCNE, même si les interprétations qui en seront faites ouvrent la porte à toutes les éventualités. Avant de revenir sur les quelques points à retenir du rapport du CCNE, rappelons brièvement la chronologie de cette concertation nationale sur la fin de vie. Elle doit se conclure début décembre. La contribution du CCNE pourrait préfigurer les orientations qui en seront issues dans la perspective d’une évolution, voire d’une mutation législative. Le 17 juillet 2012, François Hollande lance à Rueil-Malmaison une mission consacrée à la fin de vie. Il s’agissait pour lui de répondre à un engagement affirmé dans sa proposition 21 de candidat à la présidence de la République : « (…) que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. » Pour certains commentateurs, l’évolution ainsi annoncée de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie devait mener à une dépénalisation de l’euthanasie ou, du moins, à une transposition en France de la procédure du suicide médicalement assisté. François Hollande confie à Didier Sicard « un travail de réflexion, d’information, de concertation ». Il lui demande de prendre en compte une interrogation forte : « Faut-il, peut-on aller plus loin dans les cas exceptionnels où l’abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager des patients aux prises avec une douleur irréversible ? » Le calendrier est alors serré, un projet de loi est évoqué pour juin 2013. Le rapport rédigé dans le cadre de la mission Sicard est remis au chef de l’État le 18 décembre 2012 : « Penser solidairement la fin de vie. » Si des évolutions sont proposées, elles ne concernent pas l’euthanasie. Le jour même François Hollande saisit le Comité consultatif national d’éthique. Le Comité rend son avis n° 121 le 1er juillet 2013 : « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir. » Il devait être suivi, après le détour d’une « conférence de citoyens sur la fin de vie » qui produit ses conclusions le 16 décembre 2013, par la publication d’un rapport de synthèse reprenant les principaux enseignements à tirer de cette concertation nationale dont nous avons pris connaissance le 23 octobre 2014. Une circonstance imprévue à fort impact médiatique a en effet retardé sa publication, avec l’intervention du Conseil d’État le 19 février 2014 dans le cadre d’une décision relative à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de M. Vincent Lambert. La haute juridiction s’est prononcée le 24 juin 2014. Le processus de concertation national a été ainsi suspendu pendant quelques mois. Le 21 juin 2014, une nouvelle mission, dont tout indique qu’elle marque le terme de la consultation, est cette fois confiée à deux parlementaires. Il leur est demandé de proposer avant le 1er décembre 2014 les principes d’un texte de loi visant à « assurer le développement de la médecine palliative, mieux organiser le recueil et la prise en compte des directives anticipées, définir les conditions et les circonstances précises dans lesquelles l’apaisement des souffrances peut conduire à abréger la vie dans le respect de l’autonomie de la personne ».
Les ambiguïtés d’un rapport complexe
Le « rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie » reprend, à juste titre, le « constat accablant » du non respect des droits de la personne malade en fin de vie. Non seulement la loi n’est pas respectée – et cela d’autant plus dans un contexte de vulnérabilités humaines et sociales –, mais le système de santé lui-même est inadapté aux missions qui lui sont imparties. Les maladies chroniques et invalidantes, les circonstances de perte d’autonomie, les handicaps en appellent à la dignité et à la qualité d’un soin mais également d’une sollicitude sociale. Ce cumul de négligences au regard de choix qui privilégient d’autres valeurs et altèrent nos exigences de respect et de considération aboutit à l’exclusion, voire à la mort sociale là où nos solidarités ont à être mobilisées. Cette déploration convenue ne dit toutefois rien de ce qui se réalise au quotidien dans des institutions comme par exemple les Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou les Maisons d’accueil spécialisées (MAS) qui ne relèvent de la vigilance du CCNE que pour évoquer leurs insuffisances. À vouloir ainsi ramener à des considérations générales par trop misérabilistes la diversité des circonstances trop souvent ignorées y compris dans les réflexions éthiques, on renonce à valoriser tant d’initiatives remarquables qui font évoluer les pratiques avec plus d’efficacité que des observations distancées ou de pieuses intentions. Cette exemplarité est digne d’une considération qui pourrait trouver sa place dans un texte à visée éthique. De même, la critique du système de santé en tant que tel justifierait bien des nuances dans la mesure où les instances publiques ne sont pas, autant qu’on le laisserait entendre, réfractaires aux impulsions que soutient l’idée de démocratie sanitaire. Il est des membres du CCNE en position de responsabilité dans le champ de la santé publique ou des soins palliatifs : ils pourraient dès lors estimer judicieux de ne pas se cantonner au registre des invocations ou alors tirer à titre personnel les conclusions des inanités qu’ils dénoncent. D’autre part, on ne saurait institutionnaliser ou médicaliser à l’extrême les réponses à inventer ensemble pour mieux accueillir dans la cité les personnes vulnérables dans la maladie et en fin de vie. La mobilisation citoyenne relève d’une pédagogie de la responsabilité partagée qui procède de l’effectivité des valeurs de notre démocratie, de la réalité concrète de l’engagement solidaire. Aucun texte législatif sur la fin de vie ne parviendra à nous situer à la hauteur de cette exigence. Le risque est plutôt qu’il désinvestisse le corps social de ses missions auprès de celui qui souffre et espère de notre part une réponse sociétale autre que la légitimation d’une mort médicalement anticipée. Le CCNE évoque avec une certaine gravité mais somme toute de manière distanciée « un profond clivage » entre les positions favorables ou non à la dépénalisation du suicide médicalement assisté ou de l’euthanasie. À cet égard ce rapport me semble permettre à l’instance d’éthique de concéder aux responsables politiques l’acceptation, certes prudente et pondérée, d’une mutation législative qui aurait paru profondément discutable s’il s’était agi de l’argumenter dans le cadre d’un avis du CCNE (il nous a été rappelé – de toute évidence à bon escient – qu’il s’agit en l’occurrence seulement d’un rapport : le législateur sera-t-il sensible à de telles nuances ?). Le rapport « Penser solidairement la fin de vie » ainsi que l’avis n° 121 du CCNE s’avèrent de ce point de vue plus rigoureux, explicites, voire courageux dès lors qu’ils explicitent sur le fond une position réticente à toute évolution qui aboutirait à légitimer une transgression. D’où l’ambiguïté de ce document complexe dans sa forme au point d’altérer l’expressivité d’une exigence éthique ou du moins de permettre d’en distinguer les repères nécessaires. Cette neutralisation de la responsabilité éthique qui apparaît au mieux comme une forme de respect du pluralisme des opinions et au pire comme une distanciation, interroge. Je ne suis pas certain que les décideurs y trouvent un avantage et que les représentations sociales de la réflexion éthique y gagnent en considération. Là où sont à ce point engagés les principes d’humanité, des droits de l’homme et du vivre ensemble, chacun attendait d’un rapport du CCNE une précision, pour ne pas dire une robustesse des propos qui semblent faire défaut. Je le regrette d’autant plus que, depuis 1983, le comité a su nous enrichir d’argumentations fortes, souvent courageuses et en tant que telles peu contestables car utiles au bien commun. Elles constituent pour moi une indispensable référence. Nous voilà bien éloignés de l’esprit et de la démarche de l’avis n° 63 du CCNE « Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie » (27 janvier 2000) considérant avec beaucoup de justesse « une sorte d’exception d’euthanasie, qui pourrait être prévue par la loi, (qui) permettrait d’apprécier tant les circonstances exceptionnelles pouvant conduire à des arrêts de vie que les conditions de leur réalisation ». Il nous était alors donné de prendre en compte la véritable complexité de certaines circonstances spécifiques exposant à une transgression envisageable avec circonspection, sans pour autant la banaliser dans un texte accommodant de loi. Mais il me sera rappelé que le rapport « sur le débat public concernant la fin de vie » se veut représentatif de la diversité des débats et en aucun cas l’expression d’un avis émanant du CCNE…
La réflexion éthique à l’épreuve de ses limites
Comme dans un puzzle composé d’éléments qui ne trouvent leur cohérence et leur expressivité que lorsqu’ils ont été reconstitués dans la forme qu’ils devaient prendre, le rapport du CCNE juxtapose des préconisations disparates qui, sans évoquer explicitement le terme, pourraient aboutir in fine à des pratiques assimilables à une forme d’euthanasie. Le caractère « contraignant » des directives anticipées dans les conditions qui sont mentionnées ainsi que « le droit à une sédation profonde jusqu’au décès » ramènent en toute logique à des procédures que certains associent à une euthanasie dissimulée dont ils dénoncent l’hypocrisie. Comment comprendre du reste la signification, voire l’acceptabilité de ce temps de sédation avant que la mort advienne, dont il nous est dit qu’il n’a rien à voir à ce que serait une euthanasie lente en cela distincte d’une lente agonie ? Certes le CCNE insiste sur une conception renouvelée de la « procédure collégiale » qui doit relever d’un « processus décisionnel » afin d’être garant à la fois du respect des formes et des modalités d’arbitrage de la décision. Chacun appréciera la nuance ou la rhétorique, notamment à l’analyse des commentaires publics apportés par certains membres du CCNE parmi les plus compétents en ces domaines. De leur point de vue, l’inconditionnel respect de l’autonomie de la personne en fin de vie doit être promu comme valeur supérieure, au même titre qu’un dogme sur lequel on ne saurait transiger. On constate pourtant sur le terrain les effets parfois délétères de ce qui relève aujourd’hui d’une obstination idéologique, notamment à l’égard des personnes les plus vulnérables parmi nous, souvent démunies de tout recours pour éclairer un choix. Une même opiniâtreté s’affirme à propos du devoir imparti à tout médecin de mettre en œuvre les directives anticipées qui deviendraient opposables, sans être reconnu dans sa faculté de discernement ne serait-ce que par souci de justice dans un contexte parfois extrême où s’accentuent les fragilités humaines et sociales. À cet égard le droit à une clause de conscience pourrait même être discuté…
À vouloir manipuler ainsi les paradoxes et les arguties, la complexité devient telle qu’il semble urgent d’y mettre de l’ordre et de la loi ! Qu’en est-il de plus de la prise en compte de l’ambivalence des positions, de l’impossibilité de se représenter l’imminence de la mort sans être entravé dans sa faculté de jugement ? De telles simplifications inquiètent là où précisément la singularité et la complexité des circonstances sollicitent une attention et une prudence inconciliables avec des protocoles que l’on aspire à systématiser sous couvert de légalité.
Que l’on me comprenne bien : je limite mon propos à une lecture immédiate d’un texte du CCNE certes difficile d’accès mais qui a pour ambition de synthétiser les points essentiels d’une concertation qui touche à nos valeurs d’humanité. Mon désappointement est à la hauteur de ce que j’attendais d’une démarche instruite par le CCNE. Rien ne manque pour autant dans le rapport du CCNE en termes de compilation des formules obligées, de mise en cause des manquements et des incompétences, d’hommage aux soins de support et aux soins palliatifs (qui devraient être reconsidérés dans la continuité des soins), de rappel des multiples préconisations restées lettres mortes alors qu’elles auraient pu contribuer à une meilleure implémentation sociétale de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, etc. Rien n’est omis des formules attendues, des considérations de toute nature et de tous statuts à ce point sollicitées dans un souci d’exhaustivité que les positions en deviennent parfois indistinctes jusqu’à se neutraliser. Si tel était l’objectif de ce rapport, cet inventaire reprenant avec minutie ce qui doit être retenu de ces deux années de concertation s’avère aussi concluant qu’un acte notarié. Du reste chacun aura la satisfaction d’y puiser ce qu’il cherche et même d’être conforté à titre personnel dans sa résolution initiale… Ceci explique, je le pense, que ce document n’ait pas suscité la moindre réaction significative au-delà des commentaires de membres du CCNE. Sa prudence – s’il s’agissait d’une stratégie – est de ce point de vue couronnée de succès. Depuis deux ans, à l’initiative de François Hollande, les réflexions partagées dans un cadre public favorable à une compréhension réciproque nous ont permis de mieux prendre conscience des enjeux majeurs jusqu’alors trop souvent étouffés par des disputations idéologiques peu conséquentes ou alors des débats entre spécialistes. Les positions se sont rapprochées, témoignant d’un même souci à la cause de la personne qui souffre, trop souvent bafouée dans ses droits et ses valeurs, isolée voire reléguée socialement, négligée et moralement affectée au terme de sa vie. À juxtaposer selon un ordonnancement incertain des données diffuses alors qu’ils auraient pu viser à dégager une certaine cohérence et contribuer à mieux faire apparaître quelques lignes de fond, les membres du CCNE rendent une copie que certains considèreront soigneuse, honnête, voire « objective », neutre et donc recevable. Cette conception de l’exigence éthique ne me semble pas correspondre aujourd’hui à ce que l’on attend d’une instance qui aurait pu affirmer – fidèle à sa tradition – les principes inaliénables et les repères indispensables, et ainsi mieux contribuer à ce que seront les choix politiques désormais attendus. Il nous reste à faire confiance aux responsables politiques, à notre représentation nationale pour être en capacité de concevoir, d’affirmer, d’assumer et de défendre les valeurs de la démocratie là où la proximité de la mort en appelle à une authentique sollicitude. Puisqu’il s’agit, on l’aura compris, d’ouvrir ou non la voie à l’euthanasie.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 22.11.14 10:19 | |
| Donner la mort, un pouvoir délégué aux médecins ?
Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Dans les années 1980, le mouvement des soins palliatifs a tenté d’instaurer une nouvelle approche de la fin de vie. Dans un contexte d’abus de la technicité, alors que les personnes malades n’étaient pas encore reconnues dans leurs droits, cette mobilisation a permis de repenser l’engagement dans le soin. Ces militants d’une cause ignorée ou négligée, dénonçaient déjà les pratiques indignes : la dissimulation des pronostics graves, une indifférence au contrôle de la douleur et à l’apaisement de la souffrance, l’abandon lorsque la médecine s’avérait impuissante à guérir, le manque de concertation et déjà « la pente de l’euthanasie » pratiquée à l’insu sans susciter la moindre discussion. Trente ans plus tard, alors que la mort intervient dans près de 70 % des circonstances en institution, notre société s’est habituée à déléguer à des professionnels ses obligations face à celui qui meurt, au point d’occulter la signification du temps partagé avec l’autre en fin de vie. Tout semble indiquer en effet qu’après avoir choisi dans un premier temps la justesse d’une approche législative prudente (le 22 avril 2005), il conviendrait d’y renoncer faute d’avoir eu le courage politique à la fois de la soutenir en pratique et de la faire connaître dans les avancées qu’elle permettait. Le chemin vers la « libéralisation de la mort » devrait franchir une nouvelle étape relevant d’une urgence politique : la France se doterait dans les prochains mois d’une loi dépénalisant le suicide médicalement assisté, voire l’euthanasie. La « dernière liberté » invoquée depuis des années par les militants de « la mort dans la dignité » relèverait demain de protocoles dument exécutés dans un contexte médicalisé, alternative soignante estimée par certains plus digne que ne l’étaient les soins palliatifs. Cette « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » (proposition n° 21 du programme électoral de François Hollande en 2012) conclurait des années de disputations visant, prétendait-on, à conférer à la personne au terme de sa vie une considération et une autorité que lui avait confisqué une médecine par trop technique pour encore comprendre le sens d’une sollicitude. C’est pourtant à cette médecine que l’on s’en remettrait pour accomplir le dernier acte, conclure son œuvre : paradoxe qui ne semble que peu préoccuper ceux qui souhaitent lui confier cette ultime mission. À la suite d’une curieuse construction qui dans les années 1980 contestait la démesure du pouvoir médical et le scandale de « l’acharnement thérapeutique », c’est à son arbitrage que l’on s’en remettra pour abréger une existence considérée indigne d’être poursuivie. Certes, afin de sauver les apparences on y mettra pour la bonne forme la rédaction de directives anticipées opposables, voire un processus décisionnel collégial. Et le terme de sédation qui dénommera l’exécution d’un protocole médical ayant pour fin la mort d’une personne ne saura être attaché à l’acte euthanasique, tant les manipulations sémantiques permettent de préserver les apparences. La sédation serait ainsi « profonde » ou « terminale », pour ne jamais dire « euthanasique ». En fait, ces mêmes médecins que l’on contestait avec une telle véhémence hier dans leurs arbitraires et leur manque d’humanité, vont se voir confier le pouvoir légal d’interrompre une existence, certes dans le cadre procédural d’un dispositif élaboré avec la minutie d’un acte notarial et à la demande, nous dit-on, de 96 % des Français . Cette délivrance de la vie ainsi déléguée par nos politiques à la compétence médicale, semblerait la solution qui s’impose, plus efficace en fait que l’exigence de respect et de sollicitude témoignés à la personne malade et à ses proches dans le cadre d’un accompagnement vrai. S’en satisfaire comme d’une conquête de la liberté et d’une avancée démocratique, c’est renoncer à considérer notre présence et notre attention auprès de celui qui va mourir comme l’ultime expression de la réelle solidarité qu’il attend de nous.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 22.11.14 10:26 | |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 29.07.15 13:32 | |
| Vincent Lambert : les première leçons à tirer d’une déroute
Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Vendredi 24 juillet 2015
Désormais chacun doit avoir conscience des responsabilités engagées
La décision prise par l’équipe médicale du CHU de Reims le 23 juillet, intervient trop tardivement et dans un contexte à ce point préjudiciable à l’intérêt supérieur de M. Vincent Lambert et des 1700 personnes éprouvées par un même handicap, pour que l’on puisse s’en satisfaire. Depuis des mois et à travers un enchaînement de péripéties et de rebondissements déplorables, nous sommes témoins d’une invraisemblable déroute dont il nous faudra tirer toutes les conséquences. Car elles sont désastreuses à la fois pour ceux qui sont les plus directement concernés (personnes handicapées, proches, professionnels à leurs côtés), mais également dans ce qu’elles semblent révéler de dysfonctionnements qui n’ont pu être caractérisés et en quelque sorte contrés qu’en recourant à des procédures judiciaires poussées jusqu’à l’extrême. Certains s’interrogent désormais sur la légitimité et pertinence des procédures collégiales ayant été mises en œuvre pour engager une limitation ou un arrêt de vie d’un être cher. De même que des parents expriment auprès des équipes médicales, dans des services de médecine physique et de réadaptation (accueillant dans leur projet de vie des personnes aussi dépendantes que l’est M. Vincent Lambert), leur inquiétude au regard de possibles décisions arbitraires d’arrêt des soins dans les conditions discutées à propos du CHU de Reims. Le principe fondamental de la relation de confiance indispensable à l’approche de circonstances dramatiques et redoutables pour lesquelles une concertation intègre s’impose entre les membres d’une famille et une équipe médicale afin d’envisager l’issue estimée préférable, parfois « la moins mauvaise », est entamé, entaché de soupçons. C’est une injure faite aux professionnels, notamment de la réanimation, qui ont su initier des procédures de limitation et d’arrêt des traitements (en 2002, puis revues en 2009) solidement étayées et relevant de considérations à la fois éthiques et scientifiques rigoureuses. Alors que la concertation nationale sur la fin de vie engagée le 17 juillet 2012 semblait aboutir avec la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, il est désormais évident que l’impact des circonstances présentes qui ont fait irruption sur la scène publique le 4 mai 2013 (première tentative d’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de M. Vincent Lambert entreprise le 10 avril et interrompue sur décision de justice) ne pourra être négligé ainsi que les sénateurs l’ont démontré le 23 juin. Le droit fondamental de personnes handicapées comme M. Vincent Lambert, n’est-il pas déjà de bénéficier des soins et de l’accompagnement social les plus adaptés, sans être considérés, selon des évaluations fragiles, « en fin de vie » ? Les conditions de suivi médical de M. Vincent Lambert incarcéré depuis des années dans sa chambre, dans un contexte dont on peut aujourd’hui se demander s’il relève effectivement des droits reconnus et détaillés dans la circulaire du 3 mais 2002 relative à la création d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état pauci relationnel, n’affectent-elles pas de manière difficilement réversible sa qualité de vie ? Plutôt que d’évoquer des menaces pesant sur l’équipe médicale, nous aurions pu attendre du communiqué diffusé le 23 juillet par la Direction du CHU de Reims une attention à cet égard. Ce cumul de manquement à une expression de la compassion altère pour beaucoup la respectabilité des positions qui se sont radicalisées ces derniers mois, au point de contester la neutralité même d’une équipe médicale en fait dans l’incapacité d’arbitrer dans l’impartialité une prise de décision collégiale. Que l’on ne nous affirme donc pas que les pressions idéologiques, voire terroristes (on ne peut qu’être stupéfait, dans le contexte international présent, du recours à cette terminologie par un des proches de M. Vincent Lambert à l’annonce du renoncement à mettre en œuvre la procédure létale) ont entravé le processus décisionnel. Il est davantage probable qu’à un moment donné, et de manière tardive, les pouvoirs publics ont estimé qu’il convenait de mettre un terme à une situation à ce point désastreuse qu’on ne parvenait plus à en maîtriser les dédales et les effets pernicieux. À de multiples reprises j’ai évoqué la dimension politique de ces circonstances. Son dénouement prudentiel, transitoire, au cœur de l’été en atteste, et désormais chacun doit avoir conscience des responsabilités engagées.
Un légalisme poussé à ses limites
Je reviens brièvement sur l’analyse du renoncement de l’équipe médicale du CHU de Reims à persévérer dans sa position, selon toute vraisemblance à la suite de la procédure collégiale qui a fait apparaître la fragilité des convictions et l’impossibilité de justifier une procédure de fin de vie. Le 7 juillet 2015, le médecin assurant le suivi de M. Vincent Lambert annonçait la réunion d’un Conseil de famille, le 15 juillet, afin « d’engager une nouvelle procédure en vue d’une décision d’arrêt de traitement ». La convocation adressée aux membres de la famille ne présentait en effet aucune autre perspective que celle de convenir, de manière autant que faire consensuelle, des conditions de mise en œuvre du processus aboutissant à la mort de M. Vincent Lambert. Ni dans la méthode ni surtout dans la forme retenue pour entreprendre la concertation, n’apparaissait la moindre considération autre que le strict respect d’une procédure administrative consécutive aux arrêts du Conseil d’État et plus récemment, le 5 juin, de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce légalisme poussé à ses limites semblait révoquer toute approche circonstanciée, toute mesure, pour ne pas dire toute décence, alors que le Conseil d’État avait, pour ce qui le concerne, témoigné de valeurs d’humanité et d’une infinie retenue dans son arrêt du 24 juin 2014. Depuis deux ans, nous avons appris à mieux comprendre les responsabilités et les défis auxquels les personnes dites en « état d’éveil sans conscience » nous confrontent. Leur vulnérabilité même en appelle de notre part à l’expression d’obligations morales qui ne peuvent se satisfaire de procédures et de protocoles ainsi départis de la moindre sollicitude. Comme s’il s’agissait d’une « gestion de cas », là où doit prévaloir l’esprit de discernement, la pondération, la justesse et tout autant la considération à l’égard d’une personne vulnérable ainsi que de ses proches. Il importait de tenir compte du caractère emblématique de la situation de M. Vincent Lambert ainsi que des conséquences de la décision qui ferait de manière certaine jurisprudence (en dépit des réserves émises à cet égard par le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’homme) : sa portée éminemment politique justifiait une argumentation incontestable et une discrétion inconciliable avec des postures partisanes revendiquées publiquement. Dès le 5 juin 2015, j’ai ainsi considéré nécessaire que le processus décisionnel relatif au devenir de M. Vincent Lambert puisse bénéficier de l’étayage des instances nationales compétentes dans le champ de l’éthique dont l’expertise avait été sollicitée par le Conseil d’État en 2014. Si la prise de décision collégiale relève de la seule autorité d’un médecin, il nous fallait être assurés que dans un contexte inédit et des plus complexe elle bénéficierait des arguments les plus fondés. Aucune de ces instances n’a estimé de l’ordre de ses responsabilités la moindre approche à cet égard (estimant que les rapports qu’elles avaient produits sur demande du Conseil d’État n’en appelaient pas à d’autres formes d’implications), si ce n’est le Conseil national de l’ordre des médecins en soutenant publiquement l’équipe médicale du CHU de Reims… L’accueil de M. Vincent Lambert dans un autre établissement qui permette à l’ensemble des membres de la famille d’avoir la conviction que l’arbitrage se ferait sans le moindre soupçon, semblait une option sage, voire évidente. Il convenait de rétablir un rapport de pleine confiance, susceptible, peut-être, d’atténuer les clivages au nom d’un intérêt estimé supérieur : celui de M. Vincent Lambert. Il s’avérait indispensable que ce temps du dénouement, à la suite de l’arrêt de la CEDH, puisse relever de ces conditions de dignité et de sérénité si souvent invoquées pour accompagner au mieux des circonstances humaines de haute vulnérabilité. Il s’agissait selon moi d’un droit que l’on devait reconnaître à M. Vincent Lambert, à ses proches et ceux qui à ses côtés expriment au nom de la société la sollicitude d’un soin et d’une indéfectible solidarité. À cet égard je tiens à redire toute ma considération à l’équipe des soignants de M. Vincent Lambert, dont les compétences et le dévouement sont reconnus. Mais au-delà des communiqués officiels, s’est-on préoccupé de ce qu’éprouvaient à titre personnels ces professionnels confrontés aux soubresauts de décisions contradictoires, d’interprétations et de commentaires inconciliables avec les valeurs du soin ; eux qui auraient pu demain contribuer à la procédure de fin de fin de M. Vincent Lambert qu’elles accompagnent dans sa vie depuis des années ?
Décrypter sans concessions ce qui s’est passé
Mes deux suggestions qui n’ont fait l’objet d’aucune suite, intervenaient probablement à mauvais escient, ou alors elles contrariaient des positionnements et des stratégies rétifs à toute forme d’atermoiement. Comme s’il y avait urgence à conclure, et que les recours juridiques ayant été épuisés rien ne devait plus faire obstacle à la seule décision qui s’imposait. Certaines considérations ont néanmoins entravé – à la stupéfaction de nombreux observateurs ce qui en soi interroge – un processus qui devait bénéficier de la torpeur estivale et permettre, à la rentrée, de reprendre le cours des choses, de conclure la discussion parlementaire de la loi relative à la fin de vie comme si rien ne s’était passé. L’assistance médicalisée en fin de vie, au cœur d’une législation qui vise à reconnaître de « nouveaux droits » à la personne malade au terme de son existence, n’est certainement pas le recours adapté aux personnes qui, comme M. Vincent Lambert, n’ont pas anticipé une situation et une décision en soi inconcevable. Se refuser ainsi de circonscrire la situation de M. Vincent Lambert aux controverses que l’on a connu à propos de son droit ou non à la vie, et plus encore aux conditions de sa mort, me semble constituer l’étape attendue. Elle nous permet de poser autrement les enjeux démocratiques de la place parmi nous de personnes affectées par un handicap si profond que l’on s’interroge parfois sur la réalité même (voire la justification…) de leur existence. Désormais il nous faudra décrypter sans concessions ce qui s’est passé au CHU de Reims pour aboutir à cette situation chaotique. Il ne s’agit pas de mettre en cause des personnes dignes de notre respect, mais de comprendre un cumul de dysfonctionnements dont on peut craindre qu’ils interviennent également dans d’autres espaces du soin : ils ne suscitent pas, pour ce qui les concerne, la réactivité d’une famille que je refuse de caricaturer dans les positions, elles aussi respectables, qu’elle défend. De même je réprouve la mise en cause a priori de toute position qui serait réfractaire aux courants de pensées dominants qui s’érigent en censeurs et s’estiment détenteurs d’une vérité, voire d’une compétence, qui légitimerait leurs positions plus idéologiques qu’on ne le pense. En démocratie chacun doit être reconnu dans un point de vue argumenté, soucieux du bien commun. Je rends hommage à la qualité de l’arbitrage du Conseil d’État qui a permis, dans le cadre d’une instruction remarquable, de comprendre la complexité de circonstances humaines si délicates et complexes qu’elles imposent des approches attentionnés, rigoureuses et d’une extrême prudence. Je souhaite adresser, comme je l’ai déjà fait, un message de compassion à la famille de M. Vincent Lambert dont je comprends le cheminement qu’il lui revient d’assumer aujourd’hui afin de ne tenir compte que de ce que serait le bien-être et le choix profond de cette personne trop souvent négligée dans nos débats. Enfin, je tiens à rendre hommage à celles et ceux qui, confrontés au handicap, à la maladie, aux détresses humaines et sociales consécutives aux situations de vulnérabilité et de dépendance demeurent attachés aux valeurs de notre démocratie, y compris lorsqu’elles peuvent leur apparaître défaillantes au regard de leurs véritables urgences. J’estime que nos obligations de démocrates justifient que notre société se mobilise à leurs côté, les soutiennent dans la dignité de leur existence et ne s’en remette pas à des procédures médico-légales voire administratives pour les accompagner jusqu’au terme de leur existence.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 07.08.15 15:20 | |
| Vincent Lambert : Emmanuel Hirsch invite à un décryptage "sans concessions" des évènements synthèse de presse bioéthique 27 Juillet 2015 Fin de vie
Professeur des universités et directeur de l’Espace régional de réflexion éthique Ile-de-France, Emmanuel Hirsch invite à « tirer toutes les conséquences » des « péripéties et rebondissements déplorables » qui ont rythmés les procédures concernant Vincent Lambert.
« Certains s’interrogent désormais sur la légitimité et pertinence des procédures collégiales ayant été mises en œuvre pour engager une limitation ou un arrêt de vie des êtres chers (…) Des parents expriment leur inquiétude au regard de possibles décisions arbitraires d’arrêt des soins », déclare Emmanuel Hirsch, qui explique que « le principe fondamental de la relation de confiance indispensable à l’approche de circonstances dramatiques et redoutables pour lesquels une concertation intègre s’impose entre les membres d’une famille et une équipe médicale afin d’envisager l’issue estimée préférable, parfois la ‘moins mauvaise’, est entamé, entaché de soupçon ».
Il s’interroge également sur la remise en question de notre regard sur le droit des malades et handicapés : « Le droit fondamental de personnes handicapées comme M. Vincent Lambert n’est-il pas déjà de bénéficier des soins et de l’accompagnement social les plus adaptés, sans être considérées, selon des évaluations fragiles, ‘en fin de vie’ » ? Il déplore « les conditions de suivi médical » du grand handicapé, « incarcéré depuis des années dans sa chambre, dans un contexte dont on peut aujourd’hui se demander s’il relève effectivement des droits reconnus et détaillés dans la circulaire du 3 mars 2002 relative à la création d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état pauci relationnel ». Emmanuel Hirsch souligne que « plutôt que d’évoquer des menaces pesant sur l’équipe médicale, nous aurions pu attendre du communiqué diffusé le 23 juillet par la direction du CHU de Reims une attention à cet égard ».
Revenant sur le renoncement de l’équipe médicale à persévérer dans sa position initiale qui visait à « engager une nouvelle procédure d’arrêt des traitements » (cf. Synthèse Gènéthique du 23 juillet 2015), il récuse l’idée selon laquelle des « pressions idéologiques » auraient « entravé le processus décisionnel ». « Il est d’avantage probable qu’à un moment donné, et de manière tardive, les pouvoirs publics ont estimé qu’il convenait de mettre un terme à une situation à ce point désastreuse qu’on ne parvenait plus à en maîtriser les dédales et les effets pernicieux ». Il déclare que « selon toute vraisemblance, la suite de la procédure collégiale a fait apparaître la fragilité des convictions et l’impossibilité de justifier une procédure de fin de vie ».
Emmanuel Hirsch redit également « toute sa considération à l’équipe des soignants de M. Vincent Lambert, dont les compétences et le dévouement sont reconnus ». « S’est-on préoccupé de ce qu’éprouvaient à titre personnels ces professionnels confrontés aux soubresauts de décisions contradictoires, d’interprétations et de commentaires inconciliables avec les valeurs du soin ; eux qui auraient pu demain contribuer à la procédure de fin de vie de M. Vincent Lambert qu’ils accompagnent dans sa vie depuis des années ? » questionne-t-il.
« Désormais il nous faudra décrypter sans concessions ce qui s’est passé au CHU de Reims pour aboutir à cette situation chaotique. Il ne s’agit pas de mettre en cause des personnes dignes de notre respect, mais de comprendre un cumul de dysfonctionnements dont on peut craindre qu’ils interviennent également dans d’autres espaces du soin », conclue-t-il.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 07.08.15 15:28 | |
| Mr Jean Léonetti a révisé sa loi plusieurs fois ... ... ... en 2008... en 2010 ... |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 03.09.15 16:39 | |
| Emmanuel Hirsch, directeur de l'Espace éthique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, salue quant à lui le « travail intelligent des sénateurs, qui soulèvent des questions qu'on a voulu régler trop vite. Tout le monde sait que cette loi était une sorte de transition, d'étape. Peut-être vaut-il mieux prendre le temps de la revoir pour clarifier les choses. Appelons les choses par leur nom au lieu de tourner autour du pot : il faudrait inscrire dans la loi une “exception d'euthanasie”', très encadrée. Et travailler à réinventer les soins pallatifs. » |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 03.09.15 16:40 | |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 03.09.15 16:49 | |
| 1999 mars 2002 22 avril 2005 2008 2010 janvier 2011 6 mai 2012 janvier 2013 6 mai 2013 janvier 2014 6 mai 2014 janvier 2015 6 mai 2015 janvier 2016 6 mai 2016 janvier 2017 |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 05.10.15 13:49 | |
| Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud Fin de vie, une sédation politique
Publication: 05/10/2015 10h51 CEST Mis à jour: il y a 22 minutes Le gâchis d'une concertation rompue
Après son rejet par le Sénat le 23 juin 2015, la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie est discutée en seconde lecture à l'Assemblée nationale les 5 et 6 octobre.
À en juger par la consternante réunion de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 30 septembre, les deux rapporteurs s'étant figés dans une position de refus du moindre amendement, soit le consensus résistera aux coups de butoirs des propagandistes de cette démarche désormais imposée, soit l'hostilité à tant de désinvolture et de rigidité ramènera chacun à ses positions contradictoires d'hier.
Ce rejet systématique d'améliorations nécessaires d'un texte de loi dont on sait l'importance des nuances dans sa rédaction, révèle que la concertation nationale voulue par François Hollande le 17 juillet 2012 s'achève aujourd'hui dans une précipitation et une négligence qui déçoivent, une forme d'échec inattendu.
Les deux rapporteurs, recourant à des arguments trop souvent discutables, ont confisqué toute possibilité d'évolutions d'un texte en certains points approximatifs, voire peu convaincants ou alors suscitant des interprétations équivoques. Ils disent s'en remettre demain à la commission mixte paritaire qui sera amenée à conclure les péripéties hasardeuses d'une nouvelle approche de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.
À l'heure actuelle, rares sont les personnes qui estiment les avancées qu'elle prétend promouvoir à hauteur d'enjeux dilapidés dans des joutes parlementaires et des affirmations péremptoires indignes de réalités humaines qui méritent mieux. Cette suffisance parfois insultante des réponses concédées aux détracteurs des quelques points justifiant une prudence dans la formulation de la loi, ne fait désormais qu'attiser les revendications d'une loi cohérente enfin favorable à l'euthanasie. Le voile semble désormais levé, ce qui peut être le seul avantage à tirer d'une telle palinodie: l'assistance médicalisée en fin de vie devra se comprendre, tout en préservant encore quelques apparences, comme la reconnaissance d'une sédation profonde, continue et terminale, à la demande de la personne en fin de vie ou non, sur simple rédaction de ses directives anticipées opposables et applicables sans autre forme par le médecin dans l'incapacité faire valoir sa clause de conscience. L'alimentation et l'hydratation des personnes assimilées à un traitement artificiel assimilable à une obstination déraisonnable, pourront être interrompues sur décision médicale y compris pour une personne atteinte d'un handicap profond dont on ignore, faute de pouvoir communiquer, si comme le prétendent certains parlementaires, elle aurait ainsi considéré inacceptable "de prolonger inutilement sa vie".
Rappelons, sans être certain que cela importe encore, l'esprit et la forme des quelques amendements présentés tant par les membres des commission des affaires sociale et des lois du Sénat, que des députés mercredi dernier: tous rejetés sur la base d'arguments peu satisfaisants par les deux rapporteurs de la proposition de loi.
À l'intitulé "loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie" était préféré celui plus précis de "loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie". La légitimation du suicide assisté, voire de l'euthanasie ne devait pas apparaître induite par une formulation volontairement ambiguë.
La sédation "profonde et continue" est avancée comme une évolution majeure en terme de droit de la personne malade ou en fin de vie. Là également, le texte tel qu'il est soumis en deuxième lecture aujourd'hui, sans modification de la moindre virgule depuis son approbation à l'Assemblée nationale le 17 mars 2015, justifiait des précisions parfaitement explicitées par les membres de la commission des lois du Sénat.
"La commission des lois a marqué son attachement aux deux principes cardinaux de la législation française actuelle sur la fin de vie: d'une part, la prohibition absolue que la mort soit donnée activement et intentionnellement, d'autre part, le respect, dans ce cadre, de la volonté de la personne et de sa dignité. Pour cette raison, estimant que le recours à la sédation profonde et continue, qui place le patient dans un état d'inconscience totale jusqu'à son décès, se justifiait uniquement par le souci de soulager les souffrances d'une personne en fin de vie, elle a marqué son accord avec le choix de la commission des affaires sociales de restreindre ce recours aux cas de patients en fin de vie dont les souffrances sont réfractaires à tout autre traitement de soins palliatifs.[1]"
Sur ce point des plus controversés, les sénateurs développent une argumentation qui n'aura pas su ébranler les convictions définitives de nos deux rapporteurs.
"Selon le cadre dans lequel elle intervient, et l'intention qui la porte, la sédation (profonde) est donc une pratique médicale acceptable ou expose à des dérives, contraires aux principes qui fondent la législation française sur la fin de vie. À cet égard, le fait qu'elle intervienne ou non dans une situation effective de fin de vie est déterminant. (...) La sédation profonde et continue ne pourrait être mise en œuvre, à la demande du patient, que si son pronostic vital est engagé à court terme en raison de l'arrêt d'un traitement ou de l'évolution de sa maladie. (...) Enfin, lier indissolublement sédation profonde et arrêt des traitements vitaux est rendre plus indistincte la frontière entre une mort causée par la maladie et une mort liée à une autre cause, voire aux conséquences d'un traitement médical. Or cette distinction permet d'écarter tout risque de dérive euthanasique."
Les sénateurs, au même titre que les députés ayant présenté des positions estimées insignifiantes le 30 septembre, n'avaient pas limité l'examen du texte à la mise en cause des points a priori les plus litigieux. Ils estimaient également nécessaire de supprimer l'alinéa de l'article L. 1110-5-1. "La nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement" qui relève du discernement médical et non d'une décision de législateur.
Vers une loi en faveur de l'euthanasie
Ainsi que certains responsables politiques l'affirment ces dernières semaines, afin de calmer l'impatience des déçus d'une démarche qui ne tiendrait pas ses promesses, cette proposition de loi n'a qu'une fonction transitoire, pédagogique, dans la perspective d'une législation déjà évoquée qui légalisera l'euthanasie. Cette vocation de certains aux stratégies politiciennes renforce donc le défi actuel à l'égard de pratiques d'autant plus pernicieuses qu'elles concernent nos valeurs de société, notre sphère privée. Il y avait besoin d'une clarification en des domaines complexes pour lesquels certains se sont arrogés une autorité et une expertise désormais indiscutable.
Leur discours tourne en quelque sorte à vide, répétitif et refermé sur un système de pensée indifférent à ce qui susciterait le moindre doute. On ne saurait se satisfaire plus longtemps d'un unanimisme inconsistant ou d'une compassion négligente. Poursuivre ces disputations dont on ne sait au juste ce qu'elles tentent d'expliciter ou de justifier, ces atermoiements qui nous enlisent et obscurcissent le réel est devenu indécent. À chacun maintenant d'assumer ses responsabilités.
Plutôt que de pervertir par des propos inconvenants et en nous assénant des convictions indiscutables, j'inciterai les responsables politiques à ne pas différer plus longtemps leur préférence pour une loi créant de nouveaux droits en faveur des malades, des personnes en fin de vie, du suicide assisté et de l'euthanasie ! Ainsi, les règles du "vivre ensemble" se comprendront demain jusque dans l'obligation d'assurer comme un droit l'administration d'une sollicitude active dans la mort, là où trop souvent nous désertons face aux vulnérabilités dans la vie.
Il n'est plus l'heure de se soucier de l'état d'esprit que révèle l'urgence législative visant "à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité". La moindre enfreinte au consensus présent est considérée avec suspicion et réprouvée, surtout par les dépositaires de la sagesse publique: ils se sont prononcés à ce propos de manière définitive. De sondages en concertations publiques, de consultations en rapports et en avis, de concessions en renoncements, notre société "apaisée" est prête aux avancées préconisées. C'est du moins ce qu'estiment à cette heure les deux rapporteurs de la proposition de loi sans susciter la moindre réaction significative, comme si la sédation avait déjà ses premiers effets. |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 07.10.15 16:23 | |
| Pas trop clair, Emmanuel Hirsch, il y a un peu comme une contradiction entre le ton de sa voix et ses écrits |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 07.10.15 16:26 | |
| site JIM ( Journal International de Médecine )
Publié le 03/10/2015
Vincent Lambert : la logique du pire
Paris, le samedi 3 octobre 2015 – Ce mardi, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne examinait la requête pour excès de pouvoir formé contre le CHU de Reims par François Lambert. Ce dernier estime en effet qu’en refusant d’appliquer la décision adoptée à l’issue de la procédure collégiale de janvier 2014, décision dont la validité a été confirmée par le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme, le CHU de Reims a méconnu les droits de son oncle, Vincent Lambert, tétraplégique et plongé dans un état végétatif depuis un accident de la route il y a sept ans. Si le verdict des juges administratifs ne sera connu que le 9 octobre prochain, l’avis du rapporteur public laisse peu de doute sur l’issue de cette nouvelle procédure judiciaire. Il a en effet considéré que la décision d’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert appartenait à l’équipe médicale le prenant actuellement en charge et ne pouvait être imposée par la justice, en dépit des décisions judiciaires citées. Ce nouvel épisode a une nouvelle fois relancé les débats passionnels autour de ce cas particulier et plus généralement sur la question de l’accompagnement de la fin de vie. Pour nous, le professeur Emmanuel Hirsch, spécialiste d’éthique médicale à l’université Paris Sud revient sur les très nombreuses interrogations suscitées par cette affaire et sur ses conséquences délétères.
Par le Pr Emmanuel Hirsch*
Quelle instance autre que judiciaire saura mettre un terme à cette dérive procédurière dont nous sommes témoins depuis le 11 mai 2013 ? Jusqu’où mènera cette litanie d’un désastre humain et politique dont on n’a pas su ou voulu anticiper les conséquences délétères au-delà de circonstances personnelles qui sont devenues une "affaire publique" ?
Comme il le fera à nouveau le 16 janvier 2014, le 11 mai 2013 le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne enjoignait au CHU de Reims la reprise puis le maintien de l’alimentation et l’hydratation de M. Vincent Lambert dans le contexte d’un soin qui, selon ces juges, ne relevait pas d’une obstination déraisonnable. Le 24 juin 2014, le Conseil d’État infirmait ce jugement, et le 5 juin 2015 la Cour européenne des droits de l’homme ne considérait pas cette position contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Pour autant ces deux juridictions n’étaient pas légitimes à prendre une décision qui relève d’une responsabilité médicale. Aujourd’hui le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est amené à se prononcer sur le plus récent avatar de ce naufrage médical, institutionnel et éthique : la contestation par un proche de M. Vincent Lambert de la décision prise le 23 juillet dernier par l’équipe médicale du CHU de Reims d’arrêt de la procédure collégiale qu’elle avait initiée le 15 juillet, et sa saisine du Procureur de la République pour que M. Vincent Lambert bénéficie d’une mesure de protection qui n’avait jamais été envisagée jusqu’alors…
La palinodie d’une équipe médicale confrontée à son échec
En soi ce bref rappel n’évoque pas les péripéties d’une tragédie non seulement pour les personnes les plus directement concernées, mais pour les familles et les soignants soucieux d’un lien d’humanité et d’une sollicitude sans faille à l’égard de ces personnes plus vulnérables que d’autres du fait d’un handicap qui affecte leurs facultés relationnelles, dans certains cas de manière irrévocable. La médiatisation du processus décisionnel soumis aux évaluations et aux critiques exacerbées par une controverse familiale dont aujourd’hui à nouveau d’autres intrigues nous seront révélées, permet, en contrepoint, de découvrir des circonstances qui éclairent des mentalités et des pratiques trop souvent insoupçonnées. Je ne suis pas certain que les responsables de ce chaos soient conscients des profonds préjudices causés par leurs approximations et plus encore par leur incompétence à saisir les enjeux d’une situation qui dégénère au point de ne savoir au juste ce qu’en sera l’issue.
Vincent Lambert ne saurait être assimilé à un mourant
Que les plus hautes instances de la déontologie médicale cautionnent la palinodie d’une équipe médicale confrontée à son échec, qui, de l’obstination à engager une sédation profonde terminale jusqu’à l’impromptu d’un renoncement dans des conditions significatives d’une impréparation inquiétante, ne peut qu’interroger. Que les instances publiques en charge de la santé semblent adapter leurs positionnements en tenant compte notamment de l’aboutissement sans entrave de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, ne peut qu’interroger. Que les instances sollicitées par le Conseil d’État pour leur compétence en éthique demeurent à distance d’un fiasco qui a déjà un impact sur leur capacité ne serait-ce qu’à témoigner des valeurs fortes qu’elles ont pourtant affirmé dans des contributions qui font référence, ne peut qu’inquiéter. Que l’opinion publique ne perçoive plus de ce charivari qu’un appel à plus de radicalité dans l’assistance médicalisée en fin de vie alors qu’il semble évident que M. Vincent Lambert ne saurait être assimilé à un mourant, et du reste qu’aucun élément avéré n’attesterait de l’anticipation de sa décision en semblable circonstances, ne peut qu’interroger. Que l’évocation d’une évolution possible de l’état de santé de M. Vincent Lambert, confirmée par différents avis médicaux ne justifierait pas une nouvelle expertise menée dans des conditions appropriées, ne peut qu’interroger. Que de manière itérative la référence aux positions dites religieuses et "extrémistes" des parents de M. Vincent Lambert soit l’argument de convenance mobilisant sans autre débat ceux qui expriment dès lors une position idéologique réfractaire à tout approfondissement, ne peut qu’interroger. Enfin, que la proposition d’ouverture, je veux dire d’envisager une approche insoumise aux logiques, idéologies et passions qui édictent leurs règles jusqu’à présent, permettant à M. Vincent Lambert d’être accueilli dans un établissement adapté à son état de handicap, ne fusse que de manière transitoire, soit plus longtemps encore différée, ne peut qu’interroger.
Des conséquences quotidiennes dans les hôpitaux
Qu’attend-on de plus, voire de trop ? N’est-on pas allé assez loin dans l’absurde, la déraison, l’impuissance à étayer et à assumer une décision juste, éthiquement recevable, respectueuse de M. Vincent Lambert ? Espère-t-on un pire, un degré supplémentaire dans l’inacceptable et l’indécence ? Sait-on que désormais dans les structures spécialisées qui accompagnent dans leur projet d’existence des personnes handicapées comme l’est M. Vincent Lambert, des familles confient avec émotion aux équipes : « Ne le laissez pas tomber ; prenez soin de lui : ce n’est pas Vincent Lambert ! » Sait-on que dans certains services hospitaliers la réflexion évolue sur la justification qu’il y aurait à entreprendre une réanimation « pour faire un Vincent Lambert… » ? Les positions exprimées ces derniers mois relèvent plutôt d’une obsession de la précaution visant à éviter coûte que coûte de « se retrouver comme Vincent Lambert », lorsque ce ne sont pas les arguments d’ordre économique qui sont avancés pour contester un financement qui n’aurait ni sens, ni utilité… Doit-on assister passifs à une déferlante qui sert peut-être certaines causes inavouables, voire des revendications en demande d’une avancée plus déterminante encore de la législation relative aux conditions de fin de vie (elle fera l’objet d’une seconde lecture à l’Assemblée nationale les 5 et 6 octobre prochains) ? Quelle autorité politique saura dire explicitement que nos valeurs méritent mieux que ces circonstances dégradantes ?
Les atermoiements ne sont plus possibles. Sept années après son accident de la circulation M. Vincent Lambert est un symbole fort de ce que la vie nous apprend de ses déroutes mais aussi de ses ressources insoupçonnées ; il ne saurait être l’exutoire de nos inconséquences, de nos renoncements à comprendre où se situent nos responsabilités de démocrates. Notre souci à l’égard des valeurs de justice et de fraternité ne saurait se satisfaire plus longtemps d’un attentisme qui, de procédures en procédures, entame jusqu’à l’idée du vivre ensemble.
*Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Les intertitres sont de la rédaction du JIM.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 15.10.15 17:47 | |
| Le « désastre » de la PPL Claeys-Leonetti Gènéthique vous informe
14 Octobre 2015 Fin de vie
A la suite de Jean Leonetti, Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale à l'université Paris Sud, est intervenu mardi lors de la journée d’échange sur les soins palliatifs à l’Université Paris Sud.
Les deux hommes ne se sont qu’« entrecroisés du regard », Emmanuel Hirsch expliquant qu’ils n’échangent plus aujourd’hui que par « presse interposée ». Les positions sont campées.
Ne disposant que du tiers du temps imparti à Jean Leonetti, Emmanuel Hirsch se limitera à interroger son auditoire, pour ne pas être « caricatural ». A partir des deux mesures de la PPL qui seront de nouveau au centre de la discussion, il pose plusieurs questions : •« à quel point l’autonomie de la personne est elle respectée avec la sédation profonde et continue ? » •La reconnaissance des droits de la personne telle que définie par la circulaire Laroque, signifie-t-elle « le droit à la sédation profonde et continue et le droit de rédiger des directives anticipées, quand on sait la difficulté de les rédiger ? » •Quelle « solidarité » et quelle « cohésion sociale » dans cette nouvelle pratique ? « Mourir en société, n’est ce pas mieux que mourir sédaté ? » •Plus loin encore, « où est la reconnaissance de l’autonomie des médecins à qui on refuse la clause de conscience ? »
Dans ces situations de fin de vie, « la vraie question fondamentale, c’est la question de la liberté », explique Emmanuel Hirsch. Or « quelle liberté pour la personne sédatée d’une manière profonde et continue ? » Il regrette le « drame » des discussions qui « abordent ces questions d’une manière trop superficielles, sans aller dans le fond ». Pour sa part, il appuie son intervention sur de nombreuses citations officielles : « Si les gens les avait un peu consultés, ils n’auraient pas été dans cette désinvolture par rapport aux rédactions qu’on aura de la prochaine législation », regrette-t-il.
Il ne prend pas de gants pour qualifier la proposition de loi Claeys Leonetti : un « désastre », un « gâchis », une loi « violente ». Il ne se fait plus d’illusions sur l’issue de la navette : la « commission mixte paritaire ne fera que valider ce qui a été fait par l’Assemblée Nationale ». Il déplore le vote « concerté » dans un « consensus mou » de la proposition 21 de François Hollande, sans « pousser le curseur trop haut pour ne pas créer une polémique inacceptable », et dans un flou qui « trompe tout le monde ». L’ « honnêteté » et la cohérence des politiques est mise en question. Pour lui cela ne fait aucun doute, c’est « une loi transitoire ».
C’est l’équilibre entre la « protection de la vie et le droit de la personne d’être soulagée » qui aurait du être préservé, pas un équilibre politicien qui est « insatisfaisant » pour tous. Il dénonce la position de la SFAP qui a signé « avec légèreté » son soutien à la PPL. « C’est une loi qui fragilise la société là ou on avait plutôt à renforcer un certain nombre de lignes de fond ! »
L’espace éthique d’Île de France proposera dans les prochains mois une formation approfondie à l’accompagnement pour les professionnels « qui seront confrontés de plus en plus à une demande d’euthanasie ». Car « la vraie actualité du soin pour vous, regrette Emmanuel Hirsch, va être la pratique de l’euthanasie, c’est à dire la pratique de la sédation profonde et continue », et la relation de soin sera à présent envisagée « d’une manière un peu différente : une relation avec des dormants, des endormis ! » Ce « nouveau concept français » est d’ailleurs sujet de dérision au delà de nos frontières.
Enfin, il propose d’« accompagner la vie des personnes » plutôt que de chercher à tout prix à les « accompagner à la mort ».
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 21.10.15 11:53 | |
| Sédation euthanasique : le dernier acte au Sénat ? Home FIGARO VOX Vox Societe Par Emmanuel Hirsch Publié le 20/10/2015 à 17:33 FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que les députés ont débattu sur la proposition de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie en deuxième lecture, Emmanuel Hirsch estime que celle-ci est une étape décisive vers la légalisation de l'euthanasie.
Emmanuel Hirsch est professeur d'éthique médicale à l'université Paris Sud.
Le 21 octobre 2015, la commission des affaires sociales du Sénat examine en deuxième lecture la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Elle sera présentée en séance plénière le 29 octobre et selon toute vraisemblance si le gouvernement et les rapporteurs refusent tout amendement (comme ce fut le cas à l'Assemblée nationale les 6 et 7 octobre dernier), cette loi considérée comme transitoire créera les conditions de recevabilité d'une dernière étape légalisant l'euthanasie. Il aurait été politiquement imprudent, dans le contexte idéologique présent, de conclure la concertation nationale lancée le 17 juillet 2012 par François Hollande avec une loi qui reconnaîtrait explicitement comme «nouveau droit» l'euthanasie. Le texte actuel institue notamment la mise en œuvre d'«une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie». Les plus avisés dans ce domaine si complexe des soins en fin de vie, évoquent désormais à ce propos la notion de sédation euthanasique.
La sédation en tant que telle doit être distinguée de la sédation euthanasique. Elle est caractérisée par trois critères: l'intentionnalité, la proportionnalité et la réversibilité. L'intentionnalité légitime une pratique concertée attentive à la décision de la personne malade et à son intérêt direct. La sédation a pour seule visée de soulager le patient, tout en intégrant le risque de provoquer ou de hâter le décès. Il s'agit là du «double effet». La sédation tient compte de la volonté de la personne, de l'évolution de sa position ne serait-ce qu'au regard de la situation clinique. Cet ajustement proportionné permet d'adapter le traitement et d'éviter une partie des effets secondaires indésirables. Contrairement à l'euthanasie ou au suicide médicalement assisté, la sédation préserve la possibilité de réversibilité. La personne peut ainsi confirmer son consentement à la poursuite ou non de la sédation. Elle demeure également en capacité de décider de sa durée s'agissant du temps d'éveil qui lui importe de maintenir afin de favoriser sa vie relationnelle.
En ce qui la concerne, la sédation profonde et continue (SPC) abolit intentionnellement les critères de réversibilité et de proportionnalité incompatibles avec son caractère constant et irrévocable. En ce qui la concerne, la sédation profonde et continue (SPC) abolit intentionnellement les critères de réversibilité et de proportionnalité incompatibles avec son caractère constant et irrévocable. L'acte médical a dès lors pour fin d'altérer de manière irréversible la conscience de la personne en vue d'une mort «apaisée». C'est pourquoi certains spécialistes de l'éthique l'assimilent à une euthanasie.
Contrairement aux représentations sollicitées pour rendre acceptable et banaliser la SPC, elle ne saurait être considérée comme «mourir dans son sommeil». À la limite, il s'agirait plus d'un «mourir en état de coma». Cette procédure relève davantage de notions renvoyant à l'idée de rupture radicale de toute forme de relation, voire à celle de mort sociale. Ne subsistent aucune forme de présence et de lien, au point de se demander si ce temps terminal peut encore être doté d'une signification humaine. Cette prolongation limitative d'une survie au statut incertain n'est plus attesté que par des critères d'ordre physiologique, assimilable en quelque sorte à l'état dit de «mort clinique» en réanimation.
À ces quelques considérations s'ajoute la complexité de la mise en œuvre d'une SPC. En effet, le législateur a estimé nécessaire (de toute évidence en référence à la situation de M. Vincent Lambert) de faire intervenir une modalité supplémentaire: «la nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement». Cette disposition aura notamment pour effet d'opposer deux points de vue. Celui des familles qui, bien qu'acceptant la demande de SPC exprimée par la personne malade ou en fin de vie, pourraient considérer certaines de ses conséquences comme une forme de maltraitance, pour ne pas dire d'irrespect (ne serait-ce que du fait de la symbolique du lien entre l'eau et la vie et des altérations physiques, voire de l'inconfort apparent provoqués). Celui des équipes soignantes constatant les seuls effets secondaires d'un traitement qui s'avère vain, voire obstiné. Le législateur s'octroie de surcroît l'autorité de ramener une indication médicale circonstanciée à une règle générale indifférente à la capacité de discernement du médecin. Il s'agit, là également, d'une évolution tout aussi discutable que le refus de reconnaître tout recours à la clause de conscience pour le médecin estimant la SPC incompatible avec ses valeurs professionnelles. Pour le Conseil national de l'ordre des médecins, la SPC relève des bonnes pratiques professionnelles: d'un point de vue déontologique nul ne saurait s'y soustraire. Qu'en sera-t-il de la faculté d'appréciation de professionnels intervenant auprès d'une personne handicapée ou très dépendante dont le soin quotidien tient à sa nutrition et à son alimentation «artificielles»? Auront-ils comme obligation de respecter à son égard les «nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie»? Si c'est le cas, à la suite de quelle délibération collégiale associant les compétences qui font trop souvent font défaut lorsque la décision vitale concerne une personne atteinte d'un handicap qui entrave sa faculté d'expression?
Considéré comme de l'obstination déraisonnable, l'arrêt systématisé de l'alimentation et de l'hydratation en phase initiale de SPC pourrait être assimilable à une pratique d'euthanasie passive. Considéré comme de l'obstination déraisonnable, l'arrêt systématisé de l'alimentation et de l'hydratation en phase initiale de SPC pourrait être assimilable à une pratique d'euthanasie passive. En effet, abolir la conscience d'une personne et ne plus l'hydrater a pour conséquence directe l'anéantissement de son existence cognitive et l'extinction de sa vie biologique. Une dérive possible est dès à présent évoquée par les soignants, celle ne plus accorder l'attention nécessaire aux approches antalgiques alternatives, ne serait-ce que dans le cadre d'une sédation «classique», et opter d'emblée, sur simple demande de «la personne malade ou en fin de vie», pour une SPC. En conformité avec la loi.
Cette proximité entre SPC et euthanasie avait été jusqu'à présent tempérée par les indications spécifiques et limitatives du recours à la sédation. La Société française d'anesthésie-réanimation (SFAR) définit la sédation comme étant «l'utilisation de moyens médicamenteux ou non, destinée à assurer le confort physique et psychique du patient, et à faciliter les techniques de soins». L'exigence de «confort» et l'objectif de «faciliter les techniques de soins» diffèrent profondément de l'approche promue par le législateur de la SPC. Elle relève de l'éthique du soin. De son côté, la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) définit «la sédation pour détresse en phase terminale» comme étant «la recherche, par des moyens médicamenteux, d'une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu'à la perte de conscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d'une situation vécue comme insupportable par le patient». La sédation visant l'atténuation jusqu'à sa complète extinction de la souffrance constitue son critère supérieur d'acceptabilité, y compris alors qu'aucune étude rétrospective ne permet d'évaluer si la personne sous SPC n'éprouve absolument aucune forme de sensation ou d'émotion: comme si elle était effectivement déjà morte. Les observateurs avertis insistent toutefois sur la distinction évidente qui devrait encore s'imposer entre «sédation pour détresse en phase terminale» - une situation exceptionnelle - et la formulation de la proposition de loi qui instaure le recours possible à la SPC de manière plus routinière: «à la demande du patient d'éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie». Cette conception de la SPC qui, sans autre approfondissement ou retenue, s'imposera afin d'«éviter toute souffrance», relève à la fois de la précaution, de la prévention, d'une certaine appréciation de la vie estimée selon son «utilité», enfin du respect, sans solliciter la moindre délibération, de l'autonomie reconnue à la personne d'anticiper le terme de son existence en sollicitant une «assistance médicalisée». Le médecin a dès lors pour fonction de mettre en œuvre le protocole.
L'évocation en de telles circonstances du sommeil voire de l'anesthésie, pourtant inadéquate dans la mesure ou l'on ne s'en réveille pas, apparaît plus rassurante pour les personnes malades, les professionnels du soin et les proches, que celle du coma, de l'état de mort clinique, voire de l'euthanasie. La SPC peut de la sorte être envisagée comme une phase à la fois transitoire et terminale, sans souffrance, respectueuse de la personne, entre fin de vie et mort. La présence pour un temps certes limitatif aux côtés de la personne relèvera d'une approche dont le dispositif pourra s'inspirer de ce qu'on su inventer avec humanité les professionnels intervenant en chambres mortuaires. Aux côtés du «dormant» ou du «mourant» débutera ainsi pour les proches le temps d'un deuil lui également anticipé. Les professionnels de santé auront préservé leur intégrité morale, n'injectant en rien un produit directement létal mais seulement un sédatif «profond et continu». Il s'agira d'accompagner la sédation, de la contrôler afin qu'elle ne se poursuive pas de manière déraisonnable, là où hier les soins palliatifs proposaient une relation humaine vécue jusqu'à son terme.
Cette conception du «bien mourir», du «mourir endormi» s'imposera donc demain dans les normes d'un acte de soin abolissant toute exigence autre que l'instauration du cérémonial «apaisé» d'un dispositif sédatif. Il est désormais évident qu'à défaut de créer «de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie», cette nouvelle législation de la «mort sous sédation» ajoutera à nos vulnérabilités des souffrances, des indignités et des deuils insurmontables. Ainsi se refondent aujourd'hui, côté mort, les valeurs compassionnelles de notre démocratie. Une démocratie ainsi elle-même sédatée.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 04.12.15 16:19 | |
| alors monsieur plus digne la vie, vous avec qui j'ai correspondu derrière mon écran sans que vous sachiez qui je suis ( dieu merci, on ne tchattait pas sur Facebook car mon rythme ne peut pas être le vôtre ), si vous n'aviez pas existé, il y a belle lurette qu'une loi aurait vu le jour ! surtout restez vous-même. De toute façon, vous êtes dans l'incapacité psychique d'évoluer ! Désolée... |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 07.12.15 14:25 | |
| QUI a fait perdre du temps à qui ??? Et la loi ne sera jamais votée à cause de QUI ??? Ah vous pouvez être fiers les pro-vie !! Comme je vous maudits !
La haine, oui j'ai la haine maintenant je ricane en même temps ce que vous méritez ? un AVC qui vous rend grabataire et lucide en même temps, avec des douleurs physiques inapaisables je vous souhaite çà de tout mon cœur, de toute ma pensée, de toute mon âme
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 18.12.15 18:30 | |
| Des fois je me dis que je vais un peu trop loin c'est une question de dosage
Quant à moi, je sais que je suis ambiguë je ne veux pas mourir mais je veux MA loi, celle de janvier 2011 oui, MA loi.
Faire la loi tant qu'on le peut. Car après c'est trop tard. |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 23.12.15 16:33 | |
| je découvre qu'Emmanuel est le frère de Martin ! Deux frères qui font semblant de s'aimer en se haïssant ( convoitise d'un poste élevé ) ? ce qui est fréquent dans le milieu familial ( la sainte famille, clin d'œil à la Manif Pour Tous ! ) Deux frères qui ne disent pas ce qu'ils pensent, ou qui écrivent le contraire de ce qu'ils pensent, histoire d'avoir le plus haut grade ??? C'est tout à fait possible... une exploitation des mourants et de la fin de vie ! c'est cela, la dignité ! |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 12.01.16 17:45 | |
| HIRSCH: Faut-il réformer la loi sur la fin de vie ? Home ACTUALITE Débats Par Par Emmanuel Hirsch Mis à jour le 02/12/2008 à 12:50 Publié le 01/12/2008 à 12:49 À l'occasion de la publication du rapport d'évaluation de la loi Leonetti, l'auteur, professeur d'éthique médicale à l'université de Paris-Sud XI, prend part au débat sur la fin de vie. Après des mois de polémiques habilement fomentées par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, sera officiellement rendu public, mercredi, le rapport d'évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie. Le temps des vaines controverses doit prendre fin. La consultation, menée dans la plus grande transparence et avec le souci de permettre à chacun d'exprimer ses positions, nous engage désormais à mettre en œuvre la loi du 22 avril 2005, à en transposer les principes dans les pratiques du soin et à dégager les moyens indispensables à une approche enfin digne des réalités humaines et sociales de la fin de vie. Faute de quoi, d‘autres modèles seront promus, comme celui de la Belgique, qui, en quelques années, a banalisé les pratiques de l'euthanasie jusqu'à les appliquer à des personnes atteintes d'Alzheimer ou de maladies psychiatriques, voire en salle d'opération afin de prélever les organes à des fins médicales ou scientifiques… À quelques jours de la célébration du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la revendication, par certains, de l'euthanasie pour mettre fin aux «vies indignes d'être vécues», provoque nos valeurs et surprend nos mentalités. Au mépris des leçons de l'histoire et des combats menés par les personnes malades et leurs proches afin d'être reconnus dans leur aspiration à pouvoir enfin vivre leur vie en société sans discriminations, cette idéologisation d'une liberté ultime, affirmée dans le recours à la mort médicalement administrée, bafoue les fondements mêmes de la démocratie. Elle nous livre en toute innocence aux dérives d'une évidente barbarie. On ne saurait tolérer davantage le discours des quelques beaux esprits qui proclament comme une conquête morale l'urgence de dépénaliser l'euthanasie, sans consacrer la moindre attention à ceux, plus vulnérables que d'autres, qui éprouvent de tels arguments comme une injure, une imposture, l'insupportable manifestation d'un rejet qui révoque leur humanité même. Les propagandistes actuels du suicide médicalement assisté dévoient un engagement très exceptionnel qui a permis, au cours des dernières années, de mieux reconnaître le droit des personnes malades ou handicapées, leurs aspirations à une qualité d'existence, à une position en société et à des soins respectueux, adaptés, attentifs à leurs choix profonds, à leurs véritables besoins. Ils confortent les logiques de l'indifférence, du renoncement ou de l'abandon et justifient ainsi les relégations de nos malades aux marges de la cité, dans un état de précarité et d'errance chroniques, au domicile ou dans des institutions vécues comme des lieux de ségrégation. La délivrance anticipée d'une vie à ce point indigne de la vie leur semble alors préférable à l'expérience quotidienne d'une forme subreptice, anonyme, indifférenciée d'euthanasie sociale. Il nous faut résister aux figures imposées d'une culture de la mort digne, repenser et refonder les solidarités indispensables à une vie en société digne d'être vécue jusqu'à son terme. C'est affirmer que l'existence, la dignité et les droits des personnes malades ou handicapées valent mieux que les débats indécents qui tentent d'organiser les conditions de gestion de la mort des plus vulnérables parmi nous : ceux à l'égard desquels nos obligations s'avèrent au contraire les plus fortes. Il nous faut conférer un espace d'expression publique à la réflexion consacrée au sens de la vie, à la valeur des combats de vie menés par les personnes malades et leurs proches pour préserver une existence humaine, la signification d'une histoire d'homme, en dépit de ce qui les menace. J'en appelle à une mobilisation éthique : elle concerne les fondements de la vie démocratique et sollicite une dynamique de la responsabilité partagée, un engagement auprès de celles et de ceux qui attendent de notre société d'autres réponses que la solution finale d'une mort assistée. http://www.lefigaro.fr/debats/2008/12/01/01005-20081201ARTFIG00600-hirsch-faut-il-reformer-la-loisur-la-fin-de-vie-.php |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 12.01.16 18:04 | |
| La mise à mort ne sera jamais digne, par Emmanuel Hirsch Publié le 24 janvier 2011 OPINION, par Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, université Paris-Sud XI, président du Collectif « Plus Digne la vie » La Croix, publication du 24/01/2011 Certains estiment la mort anticipée préférable à une vie ressentie comme une défaite et une souffrance sans issue. Ils en font aujourd’hui une cause politique et revendiquent une légalisation de l’euthanasie. Je refuse aux propagandistes de la « mort dans la dignité » de tenter de nous inféoder aux peurs et aux tourments dont ils nourrissent leur idéologie. Ils nous détournent de la pensée indispensable à la sollicitude du juste soin. L’acharnement à vouloir forcer une législation dans le domaine si intime et délicat de la fin de vie interroge, surprend et inquiète. Une exigence de pudeur devrait s’imposer aux côtés des personnes dont l’existence est en péril, en détresse, vulnérable face à notre insouciance, notre mépris et nos peurs. N’y a-t-il pas une certaine indécence à revendiquer comme une conquête le droit de mettre à mort une personne, à prôner « l’aide active à sa mort », nous exonérant d’assumer à son égard les véritables responsabilités qui nous sont imparties ? Plutôt que de considérer la dépénalisation de l’euthanasie comme l’expression moderne de la liberté, ne conviendrait-il pas d’accorder plus d’attention et de témoigner une autre disponibilité aux personnes en attente d’humanité, là où on leur propose la mort comme unique solution ? La supplique adressée comme ultime recours au médecin dont on n’attend plus qu’un geste définitif d’apaisement, dénonce trop souvent l’insuffisance, l’inanité et l’inconvenance de nos solidarités sociales, condamnant la personne malade à ne plus en attendre que l’acte qui met un terme à l’existence : une mise à mort. Que l’on ne confonde pas les registres. L’indifférence apeurée de notre société au regard du très grand âge, de la condition des personnes dépendantes ou de la maladie chronique, le manque de réponses acceptables en termes d’accueil et de suivi ne sauraient justifier la destitution du droit de la personne à vivre encore parmi nous. C’est méconnaître ou mépriser le sens d’une existence que de se résoudre à la considérer vaine ou inconciliable avec la conception par trop théorique et restrictive d’une vie digne d’être vécue. Au nom de quelle sagesse, de quelle compétence est-on légitime à se surhausser au-delà de la décence pour juger d’une vie et déterminer le sort qui lui serait prescrit ? On ne saurait traiter de la dépendance, des handicaps, de la maladie chronique ou incurable et des fins de vie en des termes inconsistants, péjoratifs, indifférenciés ou compas sion nels. De tels propos amplifient une sensation de violence sociale irrépressible et sollicitent des mentalités qui apparaissent attentatoires aux libertés individuelles. Ils ne peuvent qu’inciter à accentuer les fragilités et les détresses de ces personnes trop souvent niées dans leur citoyenneté, et ramenées à l’insupportable condition d’une existence ou d’une survie que certains considèrent alors, en désespoir de cause, indigne d’être poursuivie. Justifier la transgression en rendant tolérable le meurtre par exception, le meurtre acceptable faute de vie digne d’être vécue, ne satisfait que ceux qui considèrent que l’excès d’une souffrance humaine condamne , sans la moindre alternative, à la demande de mort la personne soucieuse de préserver sa dignité et d’éviter ainsi la déchéance. Une telle abdication de la pensée contraindrait une société incapable d’envisager d’autres perspectives à l’acceptation tacite d’une exécution planifiée, ordonnancée, régulée et contrôlée selon des règles fixées par le législateur. C’est pourtant cette légitimation que la commission des affaires sociales du Sénat confère désormais à une possible législation favorable à l’euthanasie, adoptant le 18 janvier 2011 un texte autorisant la demande d’une assistance médicalisée pour mourir. Dans les phases si particulières et étranges de la fin d’une existence, la notion de « demande », voire de revendication, semble pourtant dénaturer et détourner de leur objet des enjeux infiniment plus subtils. Se soumettre sans réticence et sans objection à la sollicitation de l’acte de mort, en se contentant d’un vague consensus portant sur la « bonne mort » ou la « mort dans la dignité », équivaut à refuser tout autre possible, toute autre liberté. Il ne s’agit donc pas tant de mourir dans la dignité que de vivre dignement et respecté en dépit de l’imminence d’une échéance. Penser le terme de son existence avec et parmi les autres, c’est avoir la convic tion d’être reconnu, accueilli et accompagné sans la moindre contestation jusqu’à la mort. J’estime que le combat mérite d’être mené pour créer les conditions politiques favorables à une vie digne d’être vécue jusqu’à son terme. Il y va du fondement même de la démocratie. Nous sommes résolus à vouloir la défendre lorsque les circonstances menacent les valeurs de dignité, de respect et de justice. Certaines dérives constatées dans les pays européens ayant dépénalisé l’euthanasie sont déjà interprétées comme une mise en cause des droits de l’homme, voire des expressions aseptisées de la barbarie. https://pcd29.wordpress.com/2011/01/24/la-mise-a-mort-ne-sera-jamais-digne-par-emmanuel-hirsch/ |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 12.01.16 18:26 | |
| L'EUTHANASIE PAR COMPASSION (ancien article )
A l’heure où le débat sur la fin de vie agite la société, ce nouvel ouvrage d'Emmanuel Hirsch questionne en profondeur le sens que peut prendre le recours à l'euthanasie, tant au niveau de la décision individuelle que du choix sociétal. Mais encore faut-il se questionner également sur les racines qui supportent ces préférences pour tenter de leur donner une signification plus juste.
livres de la rédaction Emmanuel Hirsch questionne le sens de nos vies
Au centre de l'analyse déployée ici par l'auteur, directeur de l'espace éthique à l'AP-HP, la place de la dignité. Et rapidement la profondeur de cette posture interpelle. Qu'est-ce que respecter une personne dans sa dignité et ses droits ? Or, cette question trouve des réponses, pleins de réponses, venant tant du philosophe que du médecin ou encore du patient et du politicien. La liberté de faire ce qu'on veut, de simplifier sa vie, sa mort, d'éviter la souffrance, d'aller au bout des capacités médico-techniques qu'on nous réserve ou de laisser une place à l'espoir où qu'il se cache. Car il y a tout cela et encore davantage dans les débats autour de l'assistance médicalisée au suicide et de l'euthanasie.
Le regard de l'environnement
Vivre sa fin dignement est une position qui se confronte souvent à l'hypocrisie d'un questionnement peut-être superficiel sous couvert d'éthique démocratique ou médicale.
L'auteur dénonce ainsi que le fait de “s'acharne[r] à instiller un idéal philosophique, voire démocratique, qui n'a pour objet que de rendre acceptable le recours palliatif à l'euthanasie, faute d'être en capacité d'affronter autrement la vérité de notre finitude et des vulnérabilités humaines, ne me semble pas recevable en tant que tel.”
L'euthanasie par compassion par Emmanuel Hirsch.Ainsi le titre du livre, “L'euthanasie par compassion ?” pourrait être complété par “ou par facilité ?”, car reléguer le rapport à la mort à un fait sociétal semble provoquer des conclusions à l'emporte pièce où l'on peut voir l'euthanasie comme une pseudo liberté, un échappatoire aux subtilités et à la profondeur des nuances qui existent entre chaque personne. Ainsi, on pourrait entendre dans l'euthanasie une façon d'éluder les questionnements de premier ordre tels que “quels sont le sens et la cohérence de mon chemin de vie”.
La même complexité se retrouve au niveau du corps médical. Est-ce que l'aboutissement de son chemin de vie se résume au droit de choisir le médecin qui nous donnera la mort ? Ainsi, “ne s'agit-il pas plutôt de s'en remettre à un médecin pour en quelque sorte à la fois cautionner, neutraliser et médicaliser une décision humaine qu'il serait difficile d'assumer personnellement ?”. De la même manière, on peut se questionner sur le rapport au soin du soignant. Navigant entre deux extrêmes, le positionnement du soignant face à la mort renvoie directement à la dignité du patient. Ainsi, l'acharnement thérapeutique, présenté ici par l'auteur comme une “obstination assimilée à une forme de lâcheté”, pourrait être entendu comme des consciences individuelles qui se voilent derrière des actes médicaux et les mirages d'un contrôle du vivant par la science.
L'autre extrême touche la personne qui “échappe au traitement” car elle sera peu à peu désinvestie par les soignants et progressivement abandonnée : “ainsi spoliée de la continuité d'un suivi médical, elle échoue dans une forme d'errance, trop rarement soutenue par ceux qui s'étaient pourtant engagés dès le début à ses côtés”.
Globalement, la position du soignant est extrêmement délicate : comment un regard extérieur pourrait-il percevoir ce qui est digne ou indigne d'être vécu. Sur quelles croyances et quels dogmes se fonde-t-on pour asseoir notre discernement à ce propos ?
“Est-ce que l'aboutissement de son chemin de vie se résume au droit de choisir le médecin qui nous donnera la mort ?
Faire face à la mort et à la vie
Si la dignité humaine est le fil rouge de cet ouvrage, comment l'appréhender lorsque la vie peut se résumer à un seul esprit emprisonné dans un corps immobile et submergé de souffrance ?
De même, comment comprendre de l'extérieur ce que peut être le courage de ceux qui “''vivent leur vie'', conscientes plus que d'autres de l'inestimable valeur de ce temps qui demeure encore”.
Dans cette confrontation à soi-même, il est de la responsabilité de chacun de s'écouter pour savoir jusqu'où on est capable d'aller et ce qu'on peut endurer. Rappelons les mots de l'auteur :“chaque fin de vie relève d'une histoire personnelle. Elle devrait donc être considérée dans son caractère exceptionnel”.
Il avait été question, en introduction, de “simplifier sa vie ou sa mort”, or ceci nécessite un temps d'arrêt. En psychologie, il est une notion fondamentale, celle de l'économie psychique. On la retrouve dans la prédisposition à se construire des habitudes qui nous simplifient la vie. On la retrouve également dans les préjugés, où un regard superficiel sur un certain type de situations ou de groupes permet une analyse et un positionnement rapide. Dans le fond, c'est de cette économie dont parle l'auteur à propos de l'euthanasie. Ne s'agit-il pas de n'écouter que superficiellement ce que peut être la mort, de ne voir dans l'euthanasie qu'une réponse légale et finalement généralisable ''simplement'' ? Dans ce cas, il faut entendre le paradoxe de l'esprit qui ne veut pas investir sa propre vie dans toute sa profondeur simplement pour conserver de l'énergie pour vivre plus longtemps. Quitte à laisser des décisions sur sa propre fin de vie à d'autres. Nous tombons alors face à une inertie dépourvue de sens de vie. Et quelque part face à un déni de soi.
Cette économie de réflexion et d'écoute autour de la complexité humaine est ainsi résumé : “on ne saurait traiter de la dépendance, des handicaps, de la maladie chronique ou incurable et des fins de vie, en termes inconsistants, péjoratifs, indifférenciés ou compassionnels. De tels propos amplifient la sensation d'une violence sociale irrépressible et sollicitent des mentalités qui apparaissent attentatoires aux libertés individuelles. Ils ne peuvent qu'inciter à accentuer les fragilités et les détresses de personnes trop souvent niées en tant que telles, et ramenées à l'insupportable condition d'une existence que certains considèrent, de manière expéditive et sans autre forme, comme ''indigne d'être vécue''”.
Ce petit paragraphe peut être appréhendé comme un lien, un pont entre la situation de ceux qui sont en souffrance et en fin de vie et ceux qui sont considérés comme bien portant. Car, en filigrane, toute cette tentative d'éclaircissement autour des sujets sur la fin de vie et l'euthanasie pose de plein pied la question de la dignité humaine dans la forme la plus épurée et renvoie au lien entre l'homme social et sa propre vie. Dès lors, il n'est plus besoin d'être mourant pour se questionner sur son chemin de vie.
Ainsi par économie d'énergie psychique, nous préférons éviter de nous poser certaines questions sur nous-même, sur notre confrontation à la mort ou sur des positionnements face à ce qu'on doit faire de notre vie. Notre tendance sera alors de reléguer les prises de choix à la société dont on fait partie. Ainsi, dans quelle mesure préférons nous laisser à celle-ci l'embarras du choix concernant les aspects les plus fondamentaux de notre vie ? Ou encore, dans quelle mesure suis-je en capacité d'écouter réellement le plus profond de mon être pour en sortir toute sa grandeur ?
Dans une époque où les ''Indignés'' de Stéphane Hessel1 s'insurgent contre les inerties d'une société qui se voile la face, qu'en est-il de sa propre dignité et de la responsabilité de ses propres choix et actes de vie?
Enfin, si on se questionne sur le parcours de vie d'une personne alors que la mort fait face, qu'en est-il de la qualité de son quotidien si densément rempli d'activités multiples et variées ou de simples passe-temps qui ne sont en fait que des “tues l'ennui” ?
En nous questionnant sur la rencontre avec la mort, Emmanuel Hirsch nous confronte à l'importance même de notre propre vie et mais aussi à la grandeur de celle des autres.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 02.02.16 16:47 | |
| L’euthanasie, c’est aujourd’hui
Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Le 27 janvier 2016 est adoptée à l’Assemblée nationale puis au Sénat la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Ainsi s’achève le parcours sinueux d’une concertation nationale lancée le 17 juillet 2012 par François Hollande.
Avec la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, notre société fait aujourd’hui le choix de légaliser une autre approche du mourir. Il convient désormais d’intégrer le modèle d’un “bien mourir” opposé à aux “mal mourir”, figure emblématique de l’inacceptable et de l’insupportable ainsi fustigés. Il s’avère en fait plus avantageux d’ériger des symboles que de s’investir au quotidien pour qu’évoluent les mentalités et les pratiques contestées depuis plus de trente ans par ceux qui assument la responsabilité politique de l’humanité du soin jusqu’au terme de la vie. Les postures compassionnelles et les résolutions incantatoires ont imposé leurs règles. La discussion est close. Le souci de la forme ne dissimule pas pour autant les intentions et les incitations de fond. Il n’est pas convenable aujourd’hui d’entacher de soupçon un consensus acquis après trois années de concertations dont notre pays, affirme-t-on, sort “apaisé” et bénéficiaire de “nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie” : sédation profonde et continue, directives anticipées opposables. À défaut d’avoir été en capacité d’intervenir sur le “bien vivre”, ce “vivre avec” revendiqué comme un droit fondamental par les personnes malades et leurs proches, nos responsabilités se sont figées dans la préoccupation de leur assurer un “bien mourir”. Les règles du “vivre ensemble” s’étendront donc demain à l’administration – reconnue comme un droit – d’une sollicitude active dans la mort. Car la fin de vie n’est plus perçue que dans ses expressions les plus extrêmes. Comme une “souffrance totale” estimée incompatible avec une certaine idée des droits de la personne. Après avoir asséné comme une vérité l’inapplicabilité de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, le “mal mourir” s’est imposé comme une évidence scandaleuse justifiant sans plus attendre l’intervention du législateur Il n’est plus l’heure de se soucier de l’état d’esprit que révèle, face à tant d’autres défis majeurs, l’urgence législative « à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». Les dépositaires de la sagesse publique se sont prononcés à ce propos de manière définitive, adossés à l’habileté de stratégies politiques parvenues de manière consensuelle à leurs fins. L’impatience est telle que l’on devient indifférent aux conséquences de ce qui se décide aujourd’hui, alors qu’il est tant question de lien social, de “valeurs qui font société”, notamment là où les vulnérabilités humaines défient nos solidarités. « Éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie » récapitule dans une prescription lapidaire nos devoirs d’humanité à l’égard d’une personne atteinte « d’une affection grave et incurable ». Face au “mal mourir” qui est l’expérience d’une souffrance existentielle profonde et complexe, notre souci de dignité se satisfera désormais de la perspective d’un « traitement à visée sédative et antalgique ». Au point de ne plus attendre de la société que l’acte d’une mort par compassion, d’une mort sous sédation, d’une mort médicalisée. De quelles valeurs procède ce recours à l’anesthésie pour éviter toute exposition à notre finitude, à notre humanité ? Qu’en est-il du courage promu d’une mort “choisie”, “autonome” ramenée au protocole d’un endormissement morphinique sous contrôle médical ? Qu’en est-il d’une mort “dans la dignité” invoquée comme “ultime liberté” par ceux qui en délèguent l’office à une procédure administrative et à un acte médical ? L’idéologie du “bien mourir” imposera demain des normes, un “bien faire” qui visent l’abolition de toute exigence de questionnement, la délivrance des tourments existentiels comme des souffrances, et proposeront le cérémonial “apaisé” d’un dispositif encadré par la loi. Est-ce ainsi que s’entend la vie démocratique en termes d’humanité, de dignité et de responsabilité ? Il n’est pas certain que cette nouvelle législation de la “mort choisie” voire “revendiquée” n’ajoute pas à nos vulnérabilités sociales des souffrances inapaisables. Il me semblait plus responsable aujourd’hui de mettre en œuvre de manière effective la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, que de dissimuler, en y mettant les formes, une évolution dont il est évident qu’elle légitime une gestion médicale et administrative de l’euthanasie qui s’insinuera dans les pratiques de manière subreptice. La vaine préoccupation du législateur et de certains experts de l’éthique assignés à cautionner la distinction qu’il conviendrait d’établir et de maintenir entre la sédation profonde et continue et l’acte d’euthanasie, procède d’une dernière prudence sémantique ou alors d’une inconséquence qui inquiètent et intriguent. Peu de personnes saisissent de telles subtilités, tant les controverses, les renoncements et les stratégies opportunistes ont opacifié les quelques distinctions de fond qui s’avéraient pourtant indispensables. Dans une telle conjoncture, j’en suis arrivé à considérer qu’il aurait été préférable, par loyauté ou par souci de clarté et de clarifications, de légaliser l’euthanasie. Il ne s’agissait en fait que d’en anticiper l’échéance, car de toute évidence ce qui est mis en œuvre aujourd’hui est organisé et planifié pour qu’elle s’impose demain. Il est même affirmé, y compris par des membres du gouvernement, que la législation présente n’est que transitoire. Il convient désormais de se résoudre à accompagner sur le terrain du soin non seulement une approche différente de la législation relative à la fin de vie, mais également une autre conception de ce que soigner signifie, de ce à quoi le soin engage. Peut-on affirmer que c’est ainsi que nous parviendrons à trouver de la sérénité face à la souffrance et à la fin de vie, ce que nous ne savons plus du reste concevoir et évoquer ensemble qu’en des termes médicaux et juridiques ? S’agit-il, comme cela est proclamé, d’une “avancée” du point de vue de la dignité et des droits de la personne ou alors d’une déroute ? Désormais à chacun d’assumer ses choix et ses responsabilités.
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 04.04.16 16:27 | |
| j'ai le plus grand mépris pour ceux et celles qui ont fait échouer la loi de janvier 2011 en France sur le droit de mourir dans la dignité un mépris sans limite le plus grand mépris pour ceux et celles qui ont obligé François Hollande à pondre la loi Claeys Léonetti plus digne mon mépris ... plus digne ma vie... |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 13.05.16 17:26 | |
| Une nouvelle loi, de « nouveaux droits », pour « bien mourir » Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud / Paris-Saclay La commission de réflexion sur la fin de vie en France préconisait « de donner la plus grande importance aux paroles et aux souhaits des personnes malades en fin de vie et de faire en sorte qu’elles soient entendues dans leur situation d’extrême vulnérabilité ». Cette expression personnelle d’une intention et d’un choix ne peut intervenir que dans un contexte favorable, réceptif, respectueux, qui permette le dialogue et ne limite pas la relation à l’urgence d’envisager une issue qui devrait être anticipée et planifiée dans un cadre prescrit. La liberté véritable serait probablement de pouvoir être également reconnu dans le droit de ne pas s’exposer au dilemme de décisions insurmontables, avec le sentiment de pouvoir s’en remettre en toute confiance à l’autre pour arbitrer avec justesse, tenant compte, dans le cadre d’une concertation, de ce qu’il en est encore, malgré les circonstances, de notre « intérêt supérieur ». Hanté par cette obsédante confrontation aux représentations dramatiques d’un « mal mourir », soumis aux injonctions d’un discours qui s’est insinué dans l’espace social pour dénoncer, au nom des valeurs de dignité, les incuries des pratiques médicales en situations extrêmes, il nous faut conjurer la mort et remédier aux défiances suscitées par des positions trop souvent idéologiques en concédant à la loi l’autorité d’ordonnancer nos attitudes et nos pratiques en fin de vie. La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, constitue une nouvelle étape dans la consécration d’une approche médico-légale des conditions d’aménagement des procédures et des dispositifs appliqués aux circonstances de la fin de vie dans le contexte de la maladie ou des grandes dépendances, comme le sont certains handicaps. Au-delà des « avancées » qu’elle rend possibles et dont on pourrait cependant analyser la signification et les conséquences effectives en termes de « nouveaux droits », au-delà des adaptations qu’elle nécessite dans le cadre de la relation de soin et des pratiques qu’il faudra instaurer, notamment dans la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue, le choix de notre représentation nationale justifie désormais un accompagnement social de ces nouvelles approches du mourir. Témoin de ce qui transparait dans un échange vrai qui se construit patiemment lorsque la confiance s’instaure en dehors de toute forme de contrainte ou d’urgence, j’ai acquis la conviction que cette dimension d’humanité préservée jusqu’au bout du parcours de vie s’avère plus précieuse que bien des revendications assénées comme des évidences qui ne se contesteraient plus. À ceux qui demandent aujourd’hui de justifier le sens d’une simple présence aimante auprès de celui qui bientôt ne sera plus, qui assignent les professionnels intervenant dans le champ des soins palliatifs à des mises en cause indignes, j’oppose la signification profonde d’un soin ultime garant des principes d’humanité. Respecter la personne, c’est la reconnaître pour ce qu’elle est « jusqu’au bout du mourir ». Parce que s’est imposée l’idée selon laquelle « on meurt mal en France », la compassion publique s’est exprimée dans l’unanimisme empressé d’un besoin d’évolution législative favorable à la reconnaissance de « nouveaux droits » de la personne en fin de vie que ceux qui étaient affirmés avec justesse et un souci d’équilibre dans la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Droit comme celui qui permet de mettre un terme à ses souffrances en abordant la mort de manière anticipée, sous sédation, en quelque « sous contrôle » et « en s’endormant ». Au-delà d’une formule, selon quels critères évalue-t-on que « l’on meurt mal en France », et peut-on affirmer, sans autre forme, que le sommeil s’imposerait par défaut comme l’idéal d’une mort digne de notre modernité ? Est-il un « bien mourir » qui nous serait refusé, auquel nous pouvons prétendre, et dont l’émergence de « nouveaux droits » permettrait de bénéficier sans la moindre discrimination ? Renonçant à nous confronter de manière plus responsable aux dilemmes qu’il nous faudrait assumer face aux vulnérabilités cumulées dans le parcours de soin jusqu’à sa phase terminale, sommes-nous prêts à consentir, faute de mieux, aux normes et aux règles d’un mourir socialement organisé, dans la minutie de procédures médicalisées visant à nous apaiser, avec comme ultime attention et intention l’octroi d’une mort sous sédation? Il ne s’agit tant pas de « bien mourir en France » que de mourir en société, estimé, accompagné, citoyen reconnu dans l’exercice de droits politiques d’une toute autre portée que celui, par exemple, de bénéficier d’une sédation profonde et continue ou d’être pris en considération dans le formalisme de la rédaction de directives anticipées opposables. |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 12.10.16 16:25 | |
| Emmanuel Hirsch : «Il faut sauver les soins palliatifs voués à devenir des soins sédatifs»
- Par Emmanuel Hirsch
- Publié le 11/10/2016 à 19:09
Crédits Photo: Jean-Paul CHASSENET/JPC-PROD-Fotolia FIGAROVOX/TRIBUNE - A l'occasion de la Journée mondiale des soins palliatifs, des professionnels et des membres d'associations lancent l'initiative « Repenser ensemble les soins palliatifs ». Le professeur Emmanuel Hirsch en décrypte les enjeux. Professeur d'Éthique médicale à la faculté de Médecine de l'Université Paris-Saclay, Emmanuel Hirsch est directeur de l'Espace national de réflexion éthique sur les maladies neuro-dégénératives. Il vient de publier Le soin, une valeur de la République (éd. Les Belles Lettres, 2016) et Mort par sédation. Une nouvelle éthique du «bien mourir»? (éd. Érès, 2016).
Dans l'intimité du soin, en institution ou au domicile, des professionnels et des membres d'associations défendent avec humilité, au nom de valeurs démocratiques, une conception de la dignité humaine. Cette démarche rend possible un cheminement jusqu'aux confins de la mort, là où l'humanité d'une sollicitude est plus attendue que la rigidité de postures dogmatiques. - Citation :
- Les pionniers du mouvement français des soins palliatifs ont su inventer la position juste entre des extrêmes.
Dans les années 1980, les pionniers du mouvement français des soins palliatifs ont su inventer la position juste entre des extrêmes: l'abandon, l'obstination déraisonnable ou alors la pose, souvent subreptice, du «cocktail lithique», euphémisme pour dissimuler le recours à euthanasie. Aujourd'hui, la pratique légalisée d'une «assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité» substitue au «cocktail lithique» la sédation profonde et continue. Trente années plus tard, le bilan du développement chaotique des soins palliatifs en France apparaît contrasté pour ne pas dire péjoratif, plus précaire que jamais au regard d'une vision de la mort anticipée et librement choisie, selon des protocoles ayant pour fin d'abréger les souffrances et d'abolir le temps ultime de la séparation. - Citation :
- La Commission de réflexion sur la fin de vie dresse un tableau critique des mentalités, des carences et des dysfonctionnements qui limitent aujourd'hui l'accès à ces soins.
Dans son rapport de décembre 2012, la Commission de réflexion sur la fin de vie en France dresse un tableau critique des mentalités, des carences et des dysfonctionnements qui limitent aujourd'hui l'accès à ces soins. Respecter la personne malade, la reconnaître dans ses droits c'est pourtant lui permettre de bénéficier en société, auprès de ses proches et dans un environnement bienveillant, de la continuité d'un parcours de soin personnalisé, concerté, pertinent et adapté. Il n'aura jamais été autant discuté du droit des personnes malades en fin de vie alors que le contexte organisationnel du système de santé précarise les conditions mêmes d'exercice d'un soin considéré au mieux avec compassion. - Citation :
- Les soins palliatifs nous éclairent sur les enjeux d'une médecine appelée à plus de discernement, de retenue et d'humilité.
Les soins palliatifs nous éclairent sur les enjeux d'une médecine appelée à plus de discernement, de retenue et d'humilité. Ils incitent à se focaliser moins sur la mort à venir que sur les conditions de la vie, fût-elle ténue et fragile, qui la précède encore. Ils se situent à contre-courant des mentalités davantage éprises de scores, de performances et d'efficience que soucieuses d'attention témoignée aux vulnérabilités humaines face à la souffrance et à la finitude. Les fondateurs des soins palliatifs ont su, hier, penser, renouveler et diffuser une éthique des pratiques soignantes privilégiant une «approche globale de la personne», respectueuse de son autonomie et attentive à ses préférences. Ils ont permis l'émergence d'une conception de l'accompagnement dans le contexte d'une société sécularisée, au moment où la mort s'est médicalisée, intervenant dans près de 70 % des circonstances au sein d'une institution. - Citation :
- La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie confronte les acteurs du mouvement des soins palliatifs à de nouveaux défis.
La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie confronte les acteurs du mouvement des soins palliatifs à de nouveaux défis, dès lors qu'il leur faut repenser le fondement de leurs missions au regard des dispositions légales qui bouleversent les pratiques. Entre directives anticipées opposables et mise en œuvre de la sédation profonde et continue, qu'en est-il d'un projet de soin ayant pour visée de créer les conditions d'un cheminement porteur de sens jusqu'au terme de l'existence? Lorsque la proposition de loi a été discutée en 2015, les responsables de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) ont estimé préférable de cautionner le processus législatif plutôt que de dénoncer ses conséquences pernicieuses possibles, au motif qu'un compromis même équivoque éviterait, cette fois encore, la légalisation de l'euthanasie. Nombre de membres de la SFAP ne se sont toutefois pas reconnus dans cette concession préjudiciable aux valeurs qu'ils s'efforçaient de défendre dans un contexte souvent hostile. Ils redoutaient les ambivalences d'un texte de loi ambigu, approximatif et insatisfaisant, au point de créer des situations conflictuelles au sein des équipes et de susciter des demandes de «sédation terminale» qui disqualifieraient le sens même de leurs missions. - Citation :
- Les unités de soins palliatifs deviendront à court terme des unités de soins sédatifs !
Cette démarche novatrice, pluraliste, sensible à l'esprit du soin, apparaît aujourd'hui fragilisée tant par les médecins qui n'en saisissent plus la signification et la pertinence, que par les partisans de l'assistance médicalisée pour «une mort dans la dignité et la liberté», impatients d'une loi qui autorisera enfin, de manière explicite, l'euthanasie. Les unités de soins palliatifs deviendront à court terme des unités de soins sédatifs! - Citation :
- Pour que demain chacun puisse exercer le libre-choix entre soins palliatifs et euthanasie, encore est-il nécessaire que l'on puisse dépasser les affrontements idéologiques désormais vains.
Il ne convient plus aujourd'hui de s'opposer aux dispositions d'une loi voulue par le président de la République et notre représentation nationale. Pour que demain chacun puisse exercer le libre-choix proposé entre soins palliatifs et euthanasie, encore est-il nécessaire que l'on puisse dépasser les affrontements idéologiques désormais vains. Les soins palliatifs apparaissent cependant pauvres d'un discours audible dans le débat public, au regard de l'argumentation mieux élaborée et plus immédiate du «droit de mourir dans la dignité». Rares sont les personnalités publiques et les intellectuels associés à leur démarche, ce qui est significatif d'un enclavement regrettable. Ils ne sont pas encore parvenus à transmettre un message public suffisamment clair qui permette de véritablement comprendre la signification de pratiques qui suscitent dès lors les controverses. Du reste, elles apparaissent parfois discutables dans des positionnements dogmatiques affirmées de manière péremptoire. Il s'avère donc urgent de prendre en compte le constat d'un cumul d'insuffisances, d'approximations et d'incompréhensions, voire d'une carence dans la définition d'une stratégie explicite et cohérente, à la hauteur d'enjeux qui sembleraient justifier une refondation des soins palliatifs. Nombre de professionnels et de membres d'associations engagés dans la démarche palliative en référence aux valeurs fortes de la vie démocratiques, aspirent à repenser l'exercice d'un soin voué à l'intérêt et aux droits des personnes malades et en fin de vie. Ils estiment nécessaire d'organiser une concertation attendue, ouverte à la diversité des points de vue, qui puisse porter un projet digne des missions qu'ils assument au quotidien. La pérennité du mouvement des soins palliatifs et plus encore sa légitimité tiennent selon eux à cette exigence de réflexion partagée, de renouveau pour ne pas dire de réinvention. Certains d'entre eux ont ainsi souhaité lancer l'initiative «Repenser ensemble les soins palliatifs» dans le cadre de l'Espace éthique de la région Île-de-France , à l'occasion de la Journée mondiale 2016 des soins palliatifs. http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2016/10/11/31003-20161011ARTFIG00307-emmanuel-hirsch-il-faut-sauver-les-soins-palliatifs-voues-a-devenir-des-soins-sedatifs.php |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 06.03.17 18:35 | |
| Le droit politique de vivre et de mourir dans la dignité Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris-Sud / Paris-Saclay Se soucier effectivement de la personne vulnérable en fin de vie La loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie bouleverse certains repères dans notre approche des responsabilités humaines et sociales assumées auprès d’une personne malade ou en fin de vie. Elle propose une nouvelle conception de la médicalisation de l’existence jusqu’à son terme, et incite à repenser certaines des missions relevant certes des soins palliatifs, mais, au-delà, des pratiques médicales dans leur confrontation à des processus décisionnels complexes. La dignité humaine exige de notre part une réflexion intègre et courageuse, qui se refuse aux complaisances de la compassion. Il importe de réhabiliter et de restaurer une relation de confiance, alors que le soupçon s’insinue de manière délétère dans les espaces du soin, accentuant les vulnérabilités. S’il est en ce domaine un droit, n’est-il pas celui de mourir en humanité ? Mourir en société peut exprimer la revendication d’une mort accompagnée avec humanité, digne, insoumise aux seules considérations biomédicales ou à l’organisation administrative des fins de vie. Il s’agit désormais de renouveler la pensée que justifie ce domaine si sensible. Il concerne les fondements de la société. Elle ne saurait se limiter à la reconnaissance des conditions de la « mort médicalement assistée », à la dépénalisation ou à la légalisation de l’euthanasie revendiquée d’un point de vue politique. La mort est révélatrice de nos attitudes face à la vie. La médicalisation de l’existence semble ne plus solliciter que des considérations où prédominerait l’approche scientifique, et à défaut un soin compassionnel sédatif, au détriment de toute autre requête ou préoccupation d’ordre anthropologique. Les temps d’une fin de vie s’avèrent cependant d’autant plus respectés et respectables qu’ils ne sont pas ramenés à des évaluations, à des estimations qui détermineraient en quoi et selon quels critères les considérer « utiles », dignes ou non d’être vécus. Témoigner une attention à la personne vulnérable dans la maladie relève d’une préoccupation politique profondément justifiée. Consacrer – depuis 2012 et jusqu’au vote de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie – tant de discussions, de disputations et de controverses au droit de la personne en fin de vie, aurait pu tout d’abord consisté à rendre effectifs ses droits plus généraux tels qu’ils sont énoncés dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Ceux qui concernent la continuité de son parcours de soin, la reconnaissance de ses besoins afin de vivre dans la dignité et en société le temps incertain de la maladie. Ils conditionnent de toute évidence nos approches des situations spécifiques que nous ramenons, à mauvais escient, à des enjeux circonscrits à l’imminence de la mort. Une même observation concernerait les lois du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs et celle du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie : on constate à quel point les responsables politiques et ceux des administrations centrales se sont avérés pour le moins peu attentifs à en mettre en œuvre les engagements. Repenser la fin de vie et la mort en société Penser le droit politique de vivre dans la dignité, y compris dans des circonstances de précarité existentielle sans rapport direct avec la maladie, s’avérait dans le contexte présent plus urgent que de déterminer les conditions d’exercice du « droit de mourir dans la dignité », considéré comme une urgence politique. Ce qui nous oblige à l’égard d’une personne embourbée dans la désespérance d’une maladie qui la spolierait de ce qui justifie de persévérer, en appelle à la fois à la retenue et à la capacité d’engager à ses côtés une faculté de mobilisation qui, parfois, semble excéder ce que l’on peut effectivement. Certes, il n’est pas évident de se porter au secours de l’autre alors que d’évidence nous sommes l’un et l’autres démunis pour envisager les termes mêmes de l’engagement. Mais c’est trahir une relation de confiance que de renoncer à tout autre expédient qu’un protocole médicalisé de sédation terminale, et de s’en remettre aux procédures prescrites dans une loi et dans ses décrets d’application pour s’estimer exonérer de toute autre obligation morale. Se préparer à la mort, « apprendre à mourir » comme les mystiques et les philosophes en tentaient l’exercice, voire l’expérience, doit s’inventer de nos jours dans un contexte peu favorable aux approches spéculatives et spirituelles. Seules les procédures médicalisées de gestion d’une fin de vie, semblent susceptibles de proposer un salut dans l’apaisement, ici et maintenant. Elles relèvent de la précision de dispositifs qui abolissent la moindre sensation de dépossession d’une existence. D’autres enjeux sont à privilégier comme par exemple l’humanisation et la socialisation de ce temps d’achèvement d’une existence, trop souvent reléguée aux marges des préoccupations de la cité. Ce à quoi vise, notamment, une plus juste compréhension des valeurs portées par la philosophie des soins palliatifs, selon moi plus justifiée que jamais, pour autant que les professionnels en assument effectivement les exigences, et bénéficient pour ce faire de la reconnaissance, des compétences et des moyens indispensables. Il nous faut penser de tels enjeux en des termes politiques, car nos décisions en ce domaine si particulier déterminent, plus qu’on ne le pense, nos représentations de la vie démocratique, dans un contexte de défiance et d’aspirations individualistes qui fragile déjà suffisamment le lien social, le vivre ensemble. On l’a compris, à proximité ou face à la mort, personne ne détient la vérité. Les certitudes et les savoirs sont défiés au point de verser trop souvent dans la caricature, l’insignifiance ou la démesure, là où seules s’imposeraient la retenue, la pudeur. Simplement, peut-être, une infinie tendresse. Pour achever dignement son existence, encore faut-il avoir le sentiment de l’avoir pleinement vécue, y compris lorsqu’en phase terminale l’attente de l’instant qui vient peut ne pas être celle de la mort prochaine. Encore convient-il de reconnaître, d’assumer et de rendre effective cette ultime liberté de l’attente, absolument différente de celle de la mort sollicitée, donnée, parfois même précipitée. Peut-on admettre qu’on puisse s’autoriser à vivre encore, malgré la maladie, en dépit d’une mort plus ou moins prochaine ? Le droit à « vivre sa vie » serait-il contestable et contesté, dès lors que prévaudraient des considérations supérieures habilement dissimulées derrière le paravent d’une dignité ravalée à la justification de ce qui pourrait être considéré comme l’exécution de basses besognes ? « Faut-il, peut-on aller plus loin dans les cas exceptionnels où l’abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les patients aux prises avec une douleur irréversible et qui appelle un acte médical assumé au terme d’une décision partagée et réfléchie ? Poser cette question, c’est ouvrir une perspective qui elle-même entraîne un débat. Et les questions sont multiples. » François Hollande a posé cette question. Il y a apporté – après consultation – ses réponses qui sont consacrées dans la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. On les sait fragiles, provisoires, transitoires, d’une applicabilité incertaine et d’une portée équivoque. Comme démocrates, nous aurons à cœur de préserver le sens d’un engagement qui permette d’encore « penser solidairement la fin de vie ». |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 06.03.17 18:46 | |
| les dates sont incomplètes, c'est " du Emmanuel Hirsch ", c'est pour çà que je les ai mises en rouge. Il manque la loi de 2009 de Manuel Valls sur le droit de mourir dans la dignité et la loi de janvier 2011 et bien d'autres encore |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 15.12.17 11:58 | |
| Force est de constater que la vie ici-bas ne peut pas être plus digne alors que l'on mette un soupçon de dignité à notre mort en nous octroyant le droit au choix sur la manière et le moment de notre mort au lieu de se complaire à valser dignement avec stupidité ! quand tous ces individus soi-disant savants sachant se retrouvent entre eux, c'est voilà pourquoi ils obligent les mourants à crever de faim et de soif ! Il y aurait une analogie avec le " Repas du Seigneur " ? ( si je veux être très méchante et amère... ... ... ). |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 05.01.18 15:20 | |
| Vulnérabilités et fins de vie. Pr Emmanuel Hirsch, Professeur d’éthique médicale, Université Paris-Sud-Paris-Saclay Pr Emmanuel Hirsch (1). Rencontre autour des soins palliatifs en Île-de-France. CRSA 5 octobre 2017. « Les soins palliatifs nous éclairent sur les enjeux d’une médecine appelée à plus de discernement et d’humilité dans ses pratiques. Cette approche du soin, incite à découvrir d’autres expressions de la sollicitude et de l’accompagnement, respectueuses de la personne dans la plénitude de son exigence d’autonomie et de considération. » La parole en ce qu’elle exprime de ce que nous sommes se situe au cœur de la démarche du soin palliatif : parole donnée, parole confiée, parole partagée jusqu’aux derniers mots, avant le silence. C’est par la parole d’un soignant qui dans les années 1980 a contribué en France à la genèse du mouvement des soins palliatifs, que j’introduirai ma brève intervention. Je souhaite rendre ainsi rendre hommage aux militants professionnels et associatifs qui, depuis des années, dans un contexte institutionnel et social en fait peu conscient de la valeurs de leurs engagements, défendent les principes de sollicitude, de solidarité et de responsabilité humaine dans le soin. Leur présence au quotidien auprès de celles et de ceux qui éprouvent la vulnérabilité radicale d’une proximité avec la mort, constitue pour moi un acte politique d’une force exceptionnelle. Ils sont, pour certains d’entre eux, présents ce matin. Qu’ils considèrent cette rencontre organisée par la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) d’Île-de-France comme l’expression de notre reconnaissance. Ce que vous faites et important, nous y sommes attachés. Vous conférez une valeur, un sens et une dignité aux derniers instants d’une existence de femme ou d’homme, dans un contexte socio-politique à nouveau soucieux de légaliser demain un pratique de l’euthanasie. Au cours d’un échange dans l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Paul Brousse à Villejuif, Michèle-Hélène Salamagne me confiait il y a quelques années : « Dans la pratique des soins palliatifs, nous laissons venir la mort quand elle veut. Du moins, quand le malade veut bien laisser de la place pour qu’elle vienne… Il est ainsi admis que la médecine ne sera pas la plus forte : elle ne peut plus apporter la guérison, et se préoccupe désormais du confort global de la personne. Nul ne sait pourtant jamais s’il n’y aura pas des faux pas ! « Se maintenir dans la cohérence de l’accompagnement, avec parfois cette sollicitation qui peut surgir impromptue de l’interpellation d’un malade : « Pourquoi ne me tuez-vous pas ? », c’est assumer une tâche de chaque instant. Elle est faite, certes, d’immenses joies, d’agrandissements intérieurs, d’élévations réciproques, mais l’inquiétude demeure, le risque, la menace de l’imprévisible. « Il n’est pas évident de se laisser questionner par un malade, par sa famille, par une dégradation physique, par le pronostic même des conditions d’une fin de vie. Cette personne trouvera-t-elle la paix ? Pour combien de temps encore notre relation sera-t-elle maintenue avec elle ? Est-ce que cela va bien se passer ? Que d’interrogations et jamais pratiquement d’assurances ! Et jusqu’au bout, même après le décès, on ne peut pas dire qu’on a bien fait notre travail ou que cette personne est morte confortablement, qu’on lui a apporté une certaine quiétude. « Je suis pourtant persuadée que s’agissant de personnes pour lesquelles la fin de vie avec nous a été particulièrement compliquée, on ne peut pas dire pour autant qu’elles n’ont pas cheminé. « En fait, il y a vraiment deux définitions du soin palliatif. Tout d’abord être là pour accompagner les derniers jours difficiles en fin de vie, et puis d’autre part construire de la vie à partir du moment où la guérison n’a plus de sens, ce qui procède d’approches à bien des égards différentes. J’adhère de toute évidence à la deuxième option. Mon rôle de médecin en soins palliatifs est lié à des stades de vie bien plus amples que le seul suivi des ultimes instants de l’existence. » Sur le terrain le moins exposé aux convoitises des prouesses médicales, là où l’incapacité de guérir équivaut trop souvent encore au désistement et à l’abandon, certains professionnels et militants associatifs ont décidé de reconquérir et de réhabiliter des espaces voués au soin. Si l’efficacité médicale trouve ses limites, les professionnels n’en sont que plus sollicités dans leur capacité à préserver les conditions d’un lien, d’une cohésion d’autant plus nécessaires lorsque la guérison s’avère incertaine ou impossible. La force et la valeur de ce soin forment une sorte de promesse — se focaliser moins sur la mort à venir que sur les conditions de la vie, fût-elle ténue et fragile, qui la précède encore. Un signe ou un geste, un mot, un regard qui ne se détourne pas, repoussent la solitude quand le possible semble si pauvre. Reconnaître la douleur pour ce qu’elle est, accepter les formes multiples de la dignité en ces circonstances, voilà simplement des actes de vie qui justifient d’eux-mêmes, pour celui qui s’éloigne comme pour nous, d’être « encore là ». Dans la relation tellement spécifique que constitue le soin palliatif, respecter l’autonomie de la personne relève essentiellement du sens et de la qualité du rapport interindividuel, de cette alliance complexe et évolutive qui ne peut jamais se satisfaire de notions théoriques. Il importe de préserver la liberté d’une initiative attentive à une demande qu’il est rarement possible d’honorer parfaitement. Qu’en est-il de ces idéaux, considérés comme seuls légitimes, qui incitent à la neutralité, à la distanciation, à une instrumentalisation de la relation de soin dans des situations où la personne éprouve, plus que tout, un besoin de reconnaissance et de considération ? Dans le contexte d’une fin de vie médicalisée, l’autonomie renvoie bien souvent à la solitude d’une prise de décision assumée comme l’ultime affirmation d’une liberté. Mais nous sommes bien loin de la liberté, quand son expression même devient insoutenable, au point de se résoudre à ne plus pouvoir formuler qu’une demande de « mort médicalement assistée », ce qui précisément la révoque. Qu’est-ce qu’une parole dont la dernière expression revendique un acte abolissant son humanité même ? Réciproquement, quelle valeur attribuer à la mise en œuvre, sous certaines conditions, de protocoles visant à une mort anticipée, quand les principes invoqués font référence au respect de la personne dans la dignité de sa volonté ? La valeur du soin prodigué à une personne atteinte d’une maladie incurable ou en fin de vie, risque désormais d’être moins reconnue que le souci d’envisager avec la rigueur et la minutie d’un protocole les conditions de sa sédation profonde et continue. Parce que ces actes de soin sont humbles, modestes et éphémères, la tendance est de leur préférer l’apparente robustesse de résolutions et de procédures définitives. Le souci de prévenance et de disponibilité Auprès d’une personne au terme de son existence, dans ces périodes incertaines, déroutantes, délicates, il importe de renforcer notre souci de prévenance et de disponibilité, de considérer avec prudence ce qui justifie et rend acceptables les décisions qui s’imposent encore, même si elles ne visent plus à la guérison. L’expression de cette sollicitude tient à la continuité d’une relation engagée, subtile, qu’il convient de confirmer lorsque le doute, l’inquiétude, la peur s’insinuent. Elle tient aussi aux signes de respect témoignés à la personne dans son histoire propre, ici et maintenant. Il convient de préserver la cohérence d’un soin à son service dans les choix et les besoins de son existence. Une même considération doit être accordée aux proches, eux aussi indispensables dans un environnement bienveillant. Le rapport qui s’élabore avec la personne touche donc à cette part d’intimité et de discrétion qui engage à penser ensemble la vérité, le secret, la pudeur et le respect. Cela confère tant de valeur à l’engagement jusqu’à la phase ultime d’une vie. Le soin prend dès lors cette dimension de relation essentielle, unique, de vivant à vivant. Reconnaître l’autre dans sa liberté c’est aussi lui éviter la moindre contrainte, y compris celle de choix anticipés ou présents, auxquels il pourrait se sentir engagé, ne serait-ce que pour épargner à ses proches une confrontation douloureuse. L’avancée dans la maladie se vit trop souvent comme une confrontation insupportable à l’approche de la mort, lorsque les présences rassurantes ont déserté. L’intense sensation d’une disqualification, relègue aux confins de l’existence dont l’ultime exigence s’exprime dans la politesse d’une « demande d’en finir ». Dès lors, en dépit de l’épuisement des mots, dans un fragile murmure la dernière parole est une supplique dont on veut encore croire qu’elle sera perçue comme un irrépressible besoin de contact, d’échange, d’humanité. Les conditions du mourir à l’hôpital interrogent et interpellent la continuité des soins. Il nous faut concevoir les missions confiées aux soignants au-delà du seul souci de « tout mettre en œuvre pour guérir ». La prise en compte de la globalité et de l’unicité du soin, impose une nouvelle pensée des pratiques, y compris à leur marge. La mort était trop souvent reléguée, évitée, tant elle déroutait et contestait ceux qui estimaient encore tout pouvoir, y compris parfois dans l’excès d’un acharnement. Voilà que des alliances s’instaurent entre la personne malade et celui qui la soigne, afin de mieux assumer ensemble des valeurs partagées. Se réapproprier un questionnement humain Il est temps de reconnaître la signification politique d’un combat mené à bas bruit, avec pudeur et résolution, auprès de personnes hier trop souvent abandonnées à leur mort, dans la disgrâce d’une désertion médicale ou de la pose, à l’insu, de cocktails lytiques. Ce mouvement de « soins continus » et de « soins de confort » engagé dans la proximité d’un engagement jusqu’au seuil de la mort, permet de se réapproprier un questionnement humain et de l’assumer dans un contexte peu favorable à l’évocation de nos vulnérabilités. Les soins palliatifs nous éclairent sur les enjeux d’une médecine appelée à plus de discernement et d’humilité dans ses pratiques. Cette approche du soin, incite à découvrir d’autres expressions de la sollicitude et de l’accompagnement, respectueuses de la personne dans la plénitude de son exigence d’autonomie et de considération. C’est avec le témoignage d’un soignant que je conclurai mon propos. « Une patiente, effroyablement angoissée à l’idée de mourir, mais aussi à l’idée de vivre ce qu’elle appelle « sa déchéance » me confie : « Je n’ai jamais été aussi proche du suicide. » Entendant de la peur, je lui réponds : « — Voudriez-vous que nous vous en protégions ? — Oui ! — De quoi auriez-vous besoin ? — Qu’on m’aime ! » Cette relation aidante est porteuse de sens, quand elle est faite de respect et de considération, tels que la personne puisse se sentir encore importante pour quelqu’un et digne jusqu’au bout. Un patient, les yeux souriants et apaisés après plusieurs semaines traversées de révolte, de haine et de chagrin, m’a confié : « je ne savais pas que je pouvais être aimé (2) » (1) Auteur de Mort par sédation. Une nouvelle éthique du « bien mourir ? », éditions érès (2) Témoignage de S. B., cadre infirmière. ? ? ? bof bof ! ! ! |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 05.01.18 15:27 | |
| aimer jusqu'à en mourir pourquoi pas ? sinon, bof ! |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 14.03.18 19:10 | |
| Demain l’euthanasie, et après ? Par Emmanuel HIRSCH, professeur d’éthique médicale, université Paris-Sud–Paris-Saclay — 12 mars 2018 à 17:39 Lors d’une marche de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, à Paris, le 18 mars 2017. Photo Lionel Préau. Riva Press
Maintenant que que sa légalisation semble inéluctable, le plus difficile reste à faire : accompagner avec rigueur cette mutation éthique afin qu’elle n’accentue pas les discriminations à l’égard des plus vulnérables. Demain l’euthanasie, et après ?
La révision possible de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dans le cadre des états généraux de la bioéthique n’est pas pour me surprendre. Cette loi présentée comme un compromis transitoire, devait aboutir logiquement à la dernière phase législative de l’euthanasie ou du suicide médicalement assisté. L’échéance ne relevait plus que de la seule opportunité d’un choix politique.
Reconnaître aux directives anticipées leur caractère opposable, la sédation profonde et continue comme la méthode la plus digne pour achever une existence que l’on ne supporte plus, c’était créer les conditions favorables à une évolution qui s’imposerait d’elle-même. Quelle différence maintenir, en effet, entre une sédation profonde, continue jusqu’à la mort et une euthanasie ? L’intention, à la différence d’une sédation transitoire et réversible, n’est-elle pas d’abolir de manière irrévocable la conscience, à la manière d’un coma dépassé qui se prolongera plus ou moins longtemps, selon le dosage des sédatifs utilisés ? Ne s’agit-il pas en fait d’un processus euthanasique quelque peu différé dans ses conséquences, plutôt que l’injection létale aux effets instantanés, afin de préserver les apparences ? Recourir à des arguties pour dissimuler la réalité et la vérité du protocole médicamenteux mis en œuvre pour parvenir à la mort volontaire d’une personne, n’est ni sérieux, ni honnête, ni convaincant. Qu’en est-il de la dignité et de la signification humaine de cette prolongation artificialisée d’un temps de survie ?
La loi du 2 février 2016 n’aura pas résisté longtemps à ses détracteurs. Du reste elle ne semble pas tenable sur le terrain. Ses ambiguïtés sont préjudiciables à l’exigence d’une prudence extrême, à la loyauté et la clarté indispensables dans un contexte sensible et complexe. Il est même des médecins surpris qu’il soit encore à l’ordre du jour de débattre de l’euthanasie: ils pensaient qu’elle avait été déjà légalisée ! De manière peu convaincante, les recommandations de la Haute Autorité de santé – «Mise en œuvre de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès» (en instance de publication) –, s’efforcent dès les premières lignes à énoncer les «différences entre la sédation profonde et continue, et l’euthanasie». Ces précautions sémantiques, intervenant deux ans après le vote de la loi, ne parviennent pas à dissiper la confusion.
C’est pourquoi j’estime qu’il est préférable de mettre un terme aux approximations et aux controverses dont on constate l’inanité. Chacun a eu le temps de saisir la complexité des enjeux, d’approfondir les arguments contradictoires, de saisir ce dont témoignait la médiatisation d’événements extrêmes médiatisés, et ainsi de parvenir à une opinion fondée. D’une position favorable à la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, à une position suspicieuse à l’égard des conséquences de la loi du 2 février 2016, j’ai choisi aujourd’hui l’engagement qui s’imposait. Il consiste à contribuer, avec un esprit critique et le souci de responsabiliser les parlementaires à l’indispensable nécessité d’interdire la moindre dérive, aux évolutions législatives qui interviendront dans notre approche médicalisée de la fin de vie. Rien ne nous permet d’affirmer que le choix assumé, strictement évalué, respecté et encadré, entre volonté de mener sa vie jusqu’à son terme et décision d’anticiper une mort imminente au stade terminal d’une maladie, ne relève pas d’une exigence personnelle qu’il convient d’entendre, de discuter et d’assister avec intelligence, circonspection et sollicitude.
De l’accompagnement de la loi
L’enjeu politique, au-delà d’un article de loi libéralisant l’euthanasie, est maintenant d’accompagner avec rigueur cette mutation éthique, sociétale et déontologique, afin qu’elle n’accentue pas les discriminations à l’égard des personnes les plus vulnérables. Cette responsabilité me semble plus difficile à assumer que celle de satisfaire à la demande compassionnelle d’une mort préférée à une souffrance insupportable, exécutée par un médecin selon le formalisme d’un acte médico-légal indifférencié.
Dès le vote de la prochaine loi, il nous faudra enfin aborder les questions essentielles. Qu’en sera-t-il de la dignité et du droit des personnes en situation de maladie chronique, de handicap ou dans l’incapacité d’exprimer une position personnelle, si s’institue un modèle social de la mort dans la dignité qui, plus qu’une liberté individuelle, pourrait se justifier par des critères d’ordre économique alors que contraintes budgétaires prévalent dans certains arbitrages médicaux ? Qu’en sera-t-il des représentations et de l’évolution des valeurs du soin et des pratiques médicales, dès lors que seront nécessairement enseignés aux étudiants en soins infirmiers ou en médecine les protocoles d’euthanasie ? Certaines personnes pourront s’inquiéter du bien-fondé de la décision d’arrêt des traitements, voire de la pause d’une perfusion dans un contexte d’équivoques et de soupçons. Ce sont les fondements de la relation de confiance qui risquent d’être ainsi compromis dans les circonstances où ils sont indispensables, faute d’un cadre rigoureux, incontestable et strictement contrôlé.
Une fois la loi votée – aujourd’hui restreinte dans les récentes propositions de lois aux phases terminales d’une maladie incurable –, quels dispositifs intangibles permettront effectivement d’empêcher son application à des critères extensibles ? Les pays européens qui ont légalisé l’euthanasie, présentent de ce point de vue des dérives inquiétantes dont il convient de prendre la mesure. Si s’impose ainsi le modèle d’une mort digne car maîtrisée, indolore et médicalisée, comprendra-t-on encore demain la volonté de vivre sa vie y compris en des circonstances considérées, à travers des pétitions, «indignes d’être vécues» ? Qu’en sera-t-il du devenir des soins palliatifs dans un contexte où ils sont d’autant plus affaiblis que leur société savante a cautionné la loi du 2 février 2016, sans produire depuis un renouveau attendu de leur réflexion et un discours public audible, au regard notamment des stratégies développées par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) ? Sauront-ils contribuer à l’émergence et à la diffusion d’une autre culture de la fin de vie, constructive, sans exclusives, à distance des clivages idéologiques, et trouver enfin une autre légitimité que celle qui consiste à incarner l’alternative morale à l’euthanasie ?
De la dignité humaine
Les défis me semblent davantage relever de cette capacité à mobiliser enfin nos solidarités auprès des personnes malades ou en fin de vie, que de persister dans des postures qui nous ont trop longtemps détournés des véritables urgences. Il est tant question aujourd’hui d’éthique dans le débat public, que l’exigence doit être forte de préserver une relation de confiance au sein de notre démocratie. Lorsqu’il s’agit de faire valoir une certaine idée de la dignité humaine et de nos responsabilités auprès des plus vulnérables parmi nous, la rigueur, la loyauté et la transparence constituent des principes qui nous obligent davantage encore.
Notre approche de la fin de vie et notre volonté de tout contrôler, y compris les conditions de notre propre mort, méritent certainement mieux que des pétitions dès lors qu’il nous faut concevoir, accepter et s’approprier ensemble les évolutions qui s’imposeront. D’autant plus qu’aucune loi, aussi libérale soit-elle, ne saurait nous permettre de surmonter les dilemmes redoutés de notre confrontation personnelle à l’expérience intime et ultime d’une fin de vie. Il est désormais important de solliciter notre intelligence collective afin de repenser nos responsabilités auprès de celui qui va mourir, autrement qu’en termes de loi.
Emmanuel Hirsch est l’auteur de Mort par sédation. Une nouvelle éthique du «bien mourir», éditions Erès, 2016. Emmanuel HIRSCH professeur d’éthique médicale, université Paris-Sud–Paris-Saclay |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 13.01.19 18:02 | |
| En revanche le Pr d'éthique Emmanuel Hirsch estime que le statu quo n'est pas tenable, la loi Leonetti-claeys, « de compromission », étant trop ambiguë. À titre personnel opposé à l'euthanasie, il estime néanmoins la société assez mature pour « ne pas verser dans un tout euthanasique, si demain passe une loi qui y serait favorable, avec des encadrements précis ». |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 01.02.19 13:01 | |
| Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, Université Paris-Sud-Paris-Saclay Lundi 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit se prononcer sur le devenir de M. Vincent Lambert et, dit-on, mettre un terme à un dédale judiciaire ayant débuté en décembre 2012. Le 29 septembre 2008, M. Vincent Lambert avait été victime d’un accident de la route. Nos devoirs à l’égard de la personne en situation de vulnérabilité Dès le lancement il y a quelques jours du Grand débat national par le Président de la République, la réflexion et les engagements politiques que l’on doit aux personnes en situation de handicap se sont imposés. Elles relèvent de l’exigence de refondation de notre pacte social. Dans les prochains mois également, le parlement discutera la révision du projet de loi relatif à la bioéthique : il est évident qu’il posera les grands principes d’une « bioéthique à la française » soucieuse de valeurs de respect, de justice et de fraternité. Ce contexte favorable à l’expression de notre souci de l’autre devrait inciter, enfin, à envisager la décision qui semble s’imposer pour M. Vincent Lambert après plus de six années de joutes judiciaires. Au nom de quelles considérations lui refuser le droit de bénéficier du cadre d’existence digne, attentionné et compétent qui est proposé à d’autres personnes, comme lui, en situation de handicap extrême ? Près de 1700 personnes vivent en état dit « pauci-relationnel » (EPR) ou « végétatif chronique ». Sans autre forme de procès, leur existence découverte dans les dédales d’une actualité douloureuse incite certains à revendiquer pour eux une « mort dans la dignité »… Faute d’avoir pris le temps de faire un détour côté vie, auprès des proches de ces personnes ou dans les établissements qui les accueillent sans donner le sentiment de s’acharner à maintenir abusivement en vie des mourants. Car c’est bien à des personnes en vie, à des membres de notre cité, certes en situation de vulnérabilité comme d’autres le sont, que s’adressent ces signes de considération et d’affection dans le quotidien et la justesse d’un soin digne des principes de respect et de solidarité que prône notre démocratie. Le fait même d’avoir à recourir à une désignation comme celle « d’état végétatif chronique » ou « pauci-relationnel » en dit long, du reste, de notre difficulté à se représenter ce que certains ont décidé d’emblée – sans même avoir tenté une approche ne serait-ce que par sollicitude et afin de mieux comprendre – de considérer insupportable, voire « indigne d’être vécu ». Un médecin réanimateur les avait même considérées comme des « intermédiaires entre l’animal et l’homme », provoquant le 24 février 1986, à la suite d’expérimentations pratiquées sur elles dans des conditions éthiquement irrecevables, un avis de Comité consultatif national d’éthique, en devoir de préciser : « Ce sont des êtres humains qui ont d’autant plus droit au respect dû à la personne humaine qu’ils se trouvent en état de grande fragilité. » « La personne malade a droit au respect de sa dignité » : cette référence à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé doit s’appliquer de manière inconditionnelle à toute personne, quelles que soient ses altérations cognitives et l’amplitude de ses handicaps. Cette même loi précise : « Les professionnels mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. » Ainsi, deux mois après son vote, une circulaire du ministère chargé de la Santé prescrivait le 3 mai 2002 les conditions de « création d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel ». Le concept de « soins prolongés » y est évoqué en tenant compte de ses spécificités : ils s’adressent à des personnes « atteintes de maladies chroniques invalidantes avec risque de défaillance des fonctions vitales, nécessitant une surveillance médicale constante et des soins continus à caractère technique ». Des professionnels compétents ont su en effet développer au sein des structures spécifiquement dédiées de médecine physique et de réadaptation une expertise indispensable. Le contexte est certes douloureux, complexe et incertain ; il n’en sollicite que davantage une qualité d’attention et de retenue tant à l’égard de la personne en état de conscience minimale que de ses proches. Comprendre, assumer et défendre nos valeurs Se pose la question du pronostic, lorsqu’à la suite d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme crânien les séquelles sont susceptibles de compromettre la qualité de vie de la personne et ses facultés relationnelles. Il serait intéressant d’évaluer dans les pratiques les conséquences d’évolutions tant législatives que du point de vue de l’imagerie fonctionnelle : cette approche médicale devrait être réalisée en tenant compte de paramètres ou de déterminants propres à ces états de handicaps, comme par exemple leurs fluctuations possible et l’incidence des conditions mêmes de réalisation des investigations. Tout semble indiquer cependant que les décisions s’envisageraient désormais en amont, dans les premières heures , ne serait-ce qu’avec le souci d’éviter l’engrenage de situations estimées insupportables. Le doute est-il alors favorable à la survie de la personne alors qu’elle aura rarement anticipé une réalité aussi catastrophique et qu’il est humainement impossible de se la représenter ? Les proches sont-ils à même d’exprimer un point de vue avéré, alors que l’impact d’un tel désastre que rien ne permettait d’envisager bouleverse leurs repères et les soumet à des dilemmes sans véritable issue satisfaisante ? Serait-il possible de définir un seuil temporel au-delà duquel la situation serait considérée irrévocable, s’agissant par exemple de traumatismes crâniens dont l’évolutivité est incertaine ? Dans ce cas c’est en termes de mois, voire d’années que le processus décisionnel s’élabore, et aucune législation actuelle n’intègre la situation d’une personne stabilisée dans un état de conscience minimale dont la poursuite des soins apparaitrait à un moment donné injustifiée. Lorsque la discussion porte sur l’irréversibilité d’un traumatisme, sur les possibilités même limitées d’évolution dans le temps, quels principes ou quelles valeurs faire prévaloir alors que rien n’indique ce que serait la préférence de la personne qui ne l’aurait pas exprimée dans des directives anticipées ? Peut-on se satisfaire de l’interprétation subjective et hasardeuse de postures physiques, de crispations qui inclineraient à y voir l’expression d’un refus ou au contraire d’une volonté de vivre ? Au nom de quelle autorité et selon quels critères assumer le choix de renoncer ou au contraire celui de poursuivre ? La position des proches doit-elle s’avérer déterminante alors que l’on sait l’impact des circonstances sur leur vie au quotidien ? Les compétences médicales elles-mêmes n’auraient-elles pas parfois leurs limites dans le processus d’arbitrage ? Le soin d’une personne relève en effet de considérations autres que strictement techniques et performatives ; certaines réalités soumises aux critères d’une évaluation scientifique d’indicateurs quantifiables sont susceptibles de ne délivrer qu’une part fragmentaire de leur signification. Outre l’importance qu’il y aurait à clarifier les concepts afin de nous prémunir d’interprétations préjudiciables à l’intérêt direct de la personne malade, ne serait-il pas opportun de consacrer une véritable réflexion aux situations inhérentes à la chronicité de certaines maladies, aux conséquences des maladies évolutives ou aux handicap sévères qui limitent ou abolissent les facultés cognitives, voire la vie relationnelle de la personne ? Il n’est pas recevable d’appréhender ces réalités humaines sous le seul prisme de l’aménagement des conditions visant à mettre un terme à une existence estimée injustifiée ! Reste posée de manière entière la question si délicate à aborder d’une personne qui n’est pas en capacité d’exprimer son refus d’un soin ou d’un accompagnement. Il paraît évident que ces aspects si particuliers du respect du droit des personnes malades justifieraient une approche qui ne relève pas d’un dispositif de fin de vie. Cela d’autant plus que les proches des personnes en situation d’EVC ou d’EPR en parlent comme s’agissant de grands blessés. Ils portent sur elles un regard empreint de tendresse, de sollicitude et leur témoignent une prévenance de chaque instant, attentifs à des signes de présence qui jusqu’au plus loin dans leur résolution défient l’irrévocable. Ces « grandes fragilités » se croisent, se partagent et se surmontent dans l’acte de soin vécu auprès de la personne comme un acte de vie, l’expression d’une résistance qui engage des valeurs si essentielles qu’y renoncer compromettrait une certaine idée que l’on se fait de la dignité humaine. L’exigence de liberté pourrait relever du souci de démédicaliser notre approche de ces existences ainsi fragilisées et de tout mettre en œuvre pour leur conférer une part même limitée de sociabilité. Une telle visée impose d’emblée une réflexion relative aux conditions d’accueil et de suivi de ces personnes, à leur environnement intime et familial, aux soutiens apportés à leurs proches et aux professionnels intervenant auprès d’elles. Les controverses actuelles ne sauraient dénaturer ce champ d’obligations qui nous incombent, sans pour autant renoncer à affronter, dans le cadre d’une concertation digne, les dilemmes provoqués par une existence qui se poursuit sans qu’on ne parvienne plus à être assuré de ce qu’elle signifierait encore pour la personne. À cet égard, des contributions à la fois politiques, scientifiques, juridiques et éthiques adossées à des travaux de recherche, s’avèrent indispensables afin de mieux assumer collectivement des situations à tant d’égards inédites : elles justifient des engagements et des arbitrages justes. Sans quoi s’accentuerait le risque que ne s’imposent des logiques décisionnelles qui, dans leur mise en œuvre systématisée, s’avéreraient irrecevables, délétères, en fait incompatibles avec nos valeurs de démocrates. |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 06.05.19 17:03 | |
| L’euthanasie consentie de M. Vincent Lambert Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, Université Paris-Sud-Paris-Saclay Publié dans Le Figaro, samedi 4 mai 2019 Le Comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU (CIDPH) a rendu vendredi 3 mai 2019 une décision demandant à l’État français de ne pas mettre à exécution la décision d’arrêt d’alimentation et d’hydratation pourtant autorisée le 30 avril par la Cour européenne des droits de l’Homme. Cette instance, au même titre que le Conseil d’État le 24 avril, avait rejeté la requête des parents de M. Vincent Lambert qui contestaient la décision de l’équipe médicale du CHU de Reims d’interrompre ses traitements. Que l’usage du mot puisse surprendre, c’est pourtant l’euthanasie de M. Vincent Lambert qui aujourd’hui est juridiquement autorisée. Les controverses aboutissent, en dépit des arguments et des recours présentés depuis 2013, à une reconnaissance en France de cette pratique que l’équipe médicale du CHU de Reims peut décider en toute légalité. La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, bénéficie ainsi d’une jurisprudence formellement incontestée qui rend obsolètes les quelques prudences transitoires qui la distinguaient encore d’une légalisation, de fait, de l’euthanasie. On comprendrait mal désormais les réticences politiques à transposer dans un nouveau texte de loi « l’assistance médicalisée active à mourir » présentée dans la proposition de loi portant sur la fin de vie dans la dignité du 27 septembre 2017. Il convient d’être cohérent et conséquent, tout particulièrement lorsque les enjeux sont sensibles, puisqu’il ne s’agit pas moins que de permettre la mort intentionnelle d’une personne par un médecin. De manière délibérée et sans avoir obtenu son consentement, une injection est susceptible d’être pratiquée dès à présent sur M. Vincent Lambert. Selon les prescriptions de la loi du 2 février 2016, afin « de ne pas prolonger inutilement sa vie, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie ». Il s’agit là d’une stricte description de l’euthanasie, du point de vue de son intentionnalité et de ses modalités d’application. La vie à ne « pas prolonger inutilement » est toutefois celle d’une personne dite, suite à nombre de controverses d’experts, en « état végétatif » et non en fin de vie, semblable à d’autres personnes en situation de handicaps neurologiques, accompagnées par leurs familles et accueillies dans des établissements spécialisés jusqu’au terme de leur existence. La loi du 2 février 2016 a permis, de manière subreptice, de nous habituer non seulement à l’acceptation de décisions médico-légales assimilables à une euthanasie sous couvert de sédation profonde et continue, mais plus encore à considérer notre vigilance et toute expression critique suspectes et inconvenantes. Le consentement social quasi unanime ou l’indifférence à l’euthanasie de M. Vincent Lambert en témoignent, de même que le discours compassionnel et empressé qu’on « en finisse enfin », ainsi que cette contestation moralisante de ce qui est considéré comme l’acharnement intolérable, car idéologique, de ses proches à vouloir qu’on respecte sa vie. Comme si nos positions en ce domaine s’avéraient détachées de toute conviction personnelle, nous exonérant de toute idéologie y compris s’agissant de notre conception de « la mort dans la dignité »… Si, chaque jour, le processus décisionnel collégial en réanimation peut justifier, selon des considérations avérées, des limitations et des interruptions de thérapeutiques, elles se différencient de la pratique d’une euthanasie dès lors que leur finalité est de se refuser à une obstination déraisonnable dans le cadre d’un traitement. M. Vincent Lambert n’est pas en réanimation ; il devrait donc bénéficier des droits et des soins adaptés au confort de vie d’une personne en situation de handicap. Ce droit lui est contesté et confisqué, au nom précisément du droit. Des magistrats ont confirmé que, du fait de l’évaluation de son état de handicap et de la législation en vigueur, ce droit n’avait plus pour autorité et signification que d’autoriser sa mort médicalisée. Il s’agit d’une évolution qui n’a pas été soulignée, voire que l’on pourrait estimer dissimulée dans la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. On a compris en effet, dans son intitulé même, qu’elle concerne à la fois des malades et des personnes en fin de vie, donc que l’échéance rapprochée de la mort ne constitue pas le critère déterminant de son applicabilité. Son interprétation et son extension suscitent déjà, de ce point de vue, bien des difficultés d’appréciation et de mise en œuvre. Il convient, de surcroît, de considérer, du fait de cette loi, que les personnes en situation de handicap neurologique, dont nombre d’études précisent cependant les spécificités et les vulnérabilités liées à leur état de dépendance et aux difficultés d’instruire leur expertise médicale, sont assimilées à des personnes malades ou à des personnes en fin de vie dont on peut ne « pas prolonger inutilement » l’existence. De ce point de vue, la proposition de loi portant sur la fin de vie dans la dignité du 27 septembre 2017 semble présenter les clarifications et les distinctions indispensables fautes desquelles toutes formes de dérives menacent : « Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander, dans les conditions prévues au présent titre, à bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir. » La pratique de l’euthanasie relève d’exceptions strictement encadrées, y compris dans les quelques pays européens qui se sont dotés d’une législation et de dispositifs d’évaluation. En novembre dernier, le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie publiait les conclusions d’une concertation relative à la sédation profonde et continue jusqu’au décès (SPCJD) . « Le législateur s’est défendu d’ouvrir une possibilité d’accès à l’euthanasie et a cherché à nettement différencier la SPCJD de l’euthanasie. Pourtant, sur le terrain, beaucoup ressentent une certaine confusion éthique entre les deux pratiques. La sédation profonde et continue jusqu’au décès n’est-elle pas une sorte d’euthanasie déguisée ? À tort ou à raison, la frontière entre les deux pratiques est ressentie comme poreuse et la nouvelle possibilité de recourir à une SPCJD comme introduisant un flou entre le faire mourir et le laisser mourir. » Les circonstances actuelles révèlent les insuffisances et les ambiguïté d’une loi qui ambitionnait prétendument de promouvoir des valeurs et des pratiques de fait contestées. Pour ce qui concerne M. Vincent Lambert, l’euthanasie ne sera pas « déguisée ». Il s’agirait même d’un acte public, voire d’un acte que certains considèrent d’ordre politique. Un signal fort dans une société qui apparaît démunie, voire équivoque au regard de ses vulnérabilités humaines. Il n’est pas certain que cette expression d’une compassion collective accentue l’exigence de solidarités qui de la sorte s’appauvrissent de leur signification démocratique. Il est plus évident qu’elle cautionne le dernier acte précédant la légalisation en France d’une euthanasie ainsi consentie. |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 06.05.19 17:10 | |
| Vincent Humbert ensuite Anne Bert ensuite Vincent Lambert et après l'Euthanasie et le Suicide Assisté Pour Tous et Pour Toutes ! voilà, tout a une fin, enfin ! |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 15.07.19 12:04 | |
| La législation française sur les soins palliatifs est-elle à la traîne? Emmanuel Hirsch — 12 juillet 2019 à 11h06
Deux décennies après le premier texte de loi sur les soins palliatifs, des défis restent à relever. Depuis 1999, la France expérimente une législation encadrant la fin de vie, qui reste encore à affiner. | Marcelo Leal via Unsplash Depuis 1999, la France expérimente une législation encadrant la fin de vie, qui reste encore à affiner. | Marcelo Leal via Unsplash
La loi visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs a eu 20 ans le 9 juin 2019. Important à bien des égards, ce texte fondateur a marqué la première étape d'une évolution de notre législation sur la fin de vie.
Pourtant, malgré son ambition, il n'a pas permis de résoudre les problèmes liés au mal mourir, qui continuent à être dénoncés aujourd'hui. Au point que les tenants du suicide médicalement assisté ou de l'euthanasie y puisent même leurs justifications.
Retour sur une loi importante, mais qui est peut-être intervenue trop tôt, dans un contexte social alors encore peu réceptif aux enjeux de la médicalisation des situations de fin de vie.
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Les soins palliatifs, une introduction récente En 1986, le rapport «Soigner et accompagner jusqu'au bout» marquait la première étape d'une politisation des enjeux humains et sociaux de la fin de vie. L'assistance médicalisée dans les soins palliatifs y était présentée en termes d'accompagnement des patient·es. Le 26 août de la même année, une circulaire instituera les liens palliatifs en tant que soins visant à répondre aux besoins spécifiques des personnes parvenues au terme de leur existence.
Treize ans plus tard, la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs affirmait déjà ce qui est aujourd'hui revendiqué en termes de droit universel à l'accès aux soins palliatifs. À savoir, selon l'article 1 du texte: «Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement.»
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La loi allait jusqu'à proposer, et même décrire, une pratique médicale inédite, celle des soins palliatifs:
«Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.»
Ce type de description est inhabituel pour un texte de loi. Un tel souci du détail témoigne de l'importance que lui ont accordée les parlementaires.
Le concept de démocratie sanitaire est un héritage direct des années sida, durant lesquelles des personnes malades ont politisé des enjeux de santé publique, dans le cadre d'actions militantes. Le but: faire entendre la voix des personnes concernées. Ces actions ont abouti à la reconnaissance de l'autonomie de la personne malade, et au respect de sa volonté informée (même celle-ci consiste à refuser un acte médical).
Tenant compte de cette conquête majeure, la loi de 1999 précise que «la personne malade peut s'opposer à toute investigation ou thérapeutique».
Le texte traduit la préoccupation d'éloigner «le risque d'obstination déraisonnable», tout en soutenant l'accompagnement des malades, considérés comme des personnes auxquelles est reconnu le droit de vivre leur vie jusqu'à son terme, dans la dignité et l'apaisement. Et ce, trois ans avant que ne soit votée la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Bonnes intentions, constat mitigé La définition du concept de soins palliatifs visait à apporter à la technicité médicale le surplus nécessaire de réflexions et d'engagements requis dans ces situations humainement difficiles. Mais le constat tiré de leur implantation depuis les années 1980 s'avère mitigé. Comment l'expliquer?
Les pouvoirs publics n'ont peut-être pas d'emblée consacré les moyens nécessaires à l'implantation de ces soins dans le système hospitalier français, et au domicile. Pourtant, depuis 1999, pas moins de quatre plans nationaux ont visé à leur développement. À ce jour, un cinquième plan est sollicité, tant les attentes ne sont pas satisfaites pour parvenir à un accès universel aux soins palliatifs.
En 2017, le dispositif des soins palliatifs était composé de 6.592 lits dédiés, 157 unités, 430 équipes mobiles de soins palliatifs et 107 réseaux. Une offre insuffisante, comme le souligne le Conseil d'État dans son étude de juin 2018, appuyant sur la nécessité de garantir l'accès aux soins palliatifs en réaction au constat –aujourd'hui unanime– de leur développement insuffisant, circonscrit à la seule fin de vie, et inégalement réparti sur le territoire. Fallait-il faire de la médecine palliative une spécialité universitaire?
Après 1999, la compétence d'accompagnement était censée diffuser dans l'ensemble des pratiques soignantes, afin de permettre une qualité et un confort de vie en amont de la phase terminale d'une maladie.
Or, depuis, une spécialité universitaire médicale, la médecine palliative, a été créée. Elle revendique aujourd'hui une expertise dont elle s'affirme détentrice. Mais il n'est pas certain que les fondateurs du mouvement français des soins palliatifs, dans les années 1980, ambitionnaient de créer une telle spécialité.
«Le droit de mourir dignement devient un impératif évident, dès lors que la vie peut être prolongée.» Pierre Simon, fondateur de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité Sa reconnaissance suffira-t-elle à lui conférer une légitimité et une autorité aujourd'hui discutées, même au-delà de nos frontières? Aussi, en France, la société savante d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) ne contribue pas suffisamment au débat sociétal.
En ce qui concerne l'euthanasie par exemple, son discours est trop souvent professionnel et si on la compare aux positions plus culturelles et politiques prises par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), on constate que l'argumentation de la SFAP s'avère pauvre en ce qui concerne la contribution au débat public.
Ainsi, dès 1979, le fondateur de l'ADMD considérait que «le droit de mourir dignement […] devient un impératif évident, dès lors que la vie peut être prolongée jusqu'au dernier délabrement –et même au-delà».
Pendant ce temps, soignants et membres d'associations militantes s'efforcent de mettre en œuvre des solutions sur le terrain, pour faire face aux réalités contemporaines, qui ont changé en deux décennies.
Evolution du contexte médical et sociétal Nos sociétés doivent aujourd'hui relever le défi de la transition démographique. Le passage de taux de natalité et de mortalité élevés à des taux de natalité et de mortalité faibles les force à se confronter de manière inédite à la chronicité de maladies hier incurables, à la longévité, au vieillissement. Pour ne pas dire au long vieillir et au long mourir.
Dans le cadre du suivi médicalisé de la fin de vie, parfois sur une longue durée, les soignants sont sollicités pour assumer une fonction sociale qui naguère se vivait en société et n'était pas à ce point professionnalisée. Aux spiritualités de la mort se sont substituées les législations du mourir. Il nous faut comprendre et intégrer cette mutation qui ne se limite pas, aujourd'hui à l'alternative entre soins palliatifs ou euthanasie.
Aux spiritualités de la mort se sont substituées les législations du mourir. De ce point de vue, les soins palliatifs ne semblent pas encore proposer des lignes d'action lisibles, à la hauteur des défis.
Ce n'est pas tant la mort de la personne qui doit mobiliser l'attention, que les conditions d'exercice d'une présence digne, compétente et responsable dans la continuité d'un parcours de vie, parfois de longue durée, avant que ne s'impose la phase terminale de l'existence.
Aboutir le processus législatif? Depuis 1999, la France a expérimenté l'invention d'une législation de la fin de vie, là où précédemment la déontologie médicale imposait ses règles, voire sa morale.
Au cours des deux dernières décennies, les positions ont été affinées au fil des évolutions du débat de société, lui avivé par l'émotion et les passions suscitées par certains faits divers dont les circonstances ont été rendues publiques (par exemple, le cas de Vincent Humbert dont a découlé en 2005 la loi Leonetti reconnaissant le droit des malades en fin de vie, ou celui de de Vincent Lambert).
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Les évolutions imposées par la prise de conscience des conséquences paradoxales des conquêtes médicales sur les territoires de la vie, voire du mourir, ont été intégrées dans la loi.
Mais ce n'est pas encore suffisant. Comme l'ont montré les controverses judiciaires découlant des décisions contradictoires relatives à la fin de vie de Vincent Lambert. Celles-ci ont en effet fait apparaître un mélange des genres qui nécessite des clarifications.
Vers une dépénalisation du suicide médicalement assisté? Nous voilà donc à la croisée des chemins. Les réponses des Français interrogés sur la question du suicide médicalement assisté et de l'euthanasie dénotent une volonté que le législateur tienne compte de ces circonstances difficiles, dont l'existence révèle l'inaboutissement du processus législatif, et lève enfin les ambiguïtés.
Avec l'accès à la sédation profonde et continue jusqu'au décès institué dans la loi du 2 février 2016, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie et qui peut être assimilée à une euthanasie lente, les derniers interdits semblent avoir été partiellement levés. De telle sorte que semble s'imposer désormais une loi dépénalisant en France le suicide médicalement assisté ou l'euthanasie, ce qu'il convient de dénommer par euphémisme l'assistance médicalisée active à mourir.
Le défi sera désormais d'en définir les règles, et donc les limites, tout en étant capable de préserver les valeurs de sollicitude et de solidarités qui fondent nos devoirs d'humanité auprès de la personne mourrante.
Les soins palliatifs seront-ils en mesure d'assumer cette mutation? Ceux qui les défendent sauront-ils se montrer inventifs d'une approche du vivre et du mourir en société? Seront-ils capables d'un accompagnement distinct des protocoles sédatifs qui ont généré depuis 2016 tant de confusions et de discrédits?
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En définitive, il ne s'agit pas tant de légiférer sur l'euthanasie que de penser ensemble l'environnement humain et social favorable à une fin de vie digne, respectueuse des préférences et des droits de chacun, attentive à éviter les discriminations et donc inspirée des valeurs de notre démocratie.
Le temps est venu d'un acte politique pour conclure près de quarante années de discussions, parfois de polémiques, mais plus encore d'avancées, d'approfondissements et d'évolutions. Ces quatre décennies de maturation sociale ont mené à la possibilité d'affronter avec dignité, courage et discernement les conditions du mourir en société. |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 15.07.19 12:31 | |
| Je n'ai pas le temps de commenter le blablabla d'un bonhomme qui savait déjà il y a quelques années qu'il allait ou qu'il devait pondre ce texte on voit bien que les divergences dans le milieu palliatif de fin de vie ( ou même ds le milieu pro-euthanasique... ) sont un frein sociétal voilà pourquoi je suggère de mettre fin aux dons et aux adhésions à propos de la recherche médical, du para-médical, de tout ce qui concerne la fin de vie, y compris la religion ou la spiritualité, une euthanasie économique peut les inciter à fermer leur gueule pour que l'expression citoyenne majoritaire et républicaine soit enfin respectée |
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| Sujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie 11.09.19 19:08 | |
| Vincent Lambert, une déroute éthique et politiqueVincent Lambert, une déroute éthique et politiqueEmmanuel HirschProfesseur d’éthique médicale, Université Paris-Saclay Publié dans le Huffington Post, 12 juillet 2019 « Mort pour l’exemple »Dans une remarquable tribune publiée hier jeudi dans Le Monde – « Vincent Lambert, mort pour l’exemple » –, Michel Houellebecq pose un constat redoutable : « Ainsi, l’État français a réussi à faire ce à quoi s’acharnait, depuis des années, la plus grande partie de sa famille : tuer Vincent Lambert. » L’Écrivain poursuit son analyse et soumet une question qu’il nous faudra assumer politiquement : « Dans ces conditions, fallait-il tuer Vincent Lambert ? Et pourquoi lui, plutôt que les quelques milliers de personnes qui à l’heure actuelle, en France, partagent son état ? » L’heure n’est plus à la déploration des controverses consternantes qui ont nourri une errance médico-légale ayant abouti à ce fiasco. Nous avons été impuissants à éviter la déroute éthique de cette judiciarisation d’une décision de mort médicalisée. M. Vincent Lambert est « mort pour l’exemple » dès la première tentative médicale, le 10 avril 2013, interrompue par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Avant même que ne soit déclenché le 2 juillet 2019 l’ultime protocole ayant pour intentionnalité sa mort programmée, Depuis, dans l’attente du verdict, M. Vincent Lambert avait pour cadre de survie la chambre d’une unité de soins palliatifs. Son droit fondamental était pourtant de bénéficier de l’accueil dans une unité de soins dédiée aux personnes en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel. « Pour l’exemple », alors que des médecins spécialisés se sont engagés jusqu’au dernier instant pour défendre la seule option soucieuse de son état d’extrême vulnérabilité, cette liberté lui a été refusée. Faut-il rappeler qu’une circulaire du ministère chargé de la Santé du 3 mai 2002 instituait ce dispositif respectueux de la personne dans son parcours de vie, 2 mois après le vote de la « loi Kouchner » du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ? Dans son important rapport du 5 mai 2014 concernant M. Vincent Lambert, le Comité consultatif national d’éthique avait été attentif à expliciter la réalité se son handicap neurologique. Rien à voir avec les soins palliatifs, rien à voir avec la fin de vie : « La situation d’une personne qui est depuis plusieurs années dans un état de conscience minimale ou état pauci-relationnel représente une situation particulière et extrême de handicap lourd et stable, ne mettant pas en jeu le pronostic vital, qui est aussi celle d’autres personnes atteintes de polyhandicap et incapables d’exprimer leur volonté. » Ces dernières heures nombre de réactions nous donnent à penser que si la logique implacable de cette « mort pour l’exemple » avait pour objectif l’affirmation d’un consensus moral, il s’agissait d’une profonde erreur d’analyse. Et dès lors que la puissance publique est intervenue, comme on l’a compris, il importera de savoir s’il ne s’agit de sa part que de rendre effective une décision judiciaire. Car le risque est celui d’une interprétation autre : celle de l’ouverture, de notre pays, à la pratique consentie de l’euthanasie, y compris sur une personne en situation de handicap. Puisque c’est ce dont il s’agit. Osera-t-on en effet maintenir que la sédation profonde et continue jusqu’au décès de M. Vincent Lambert, 9 jours durant, diffère d’un acte d’euthanasie, certes prolongé dans le temps plutôt que d’être immédiat ? Osera-t-on soutenir que ces conditions de mort, rendues publiques ces dernières semaines, sont plus humaines et dignes que l’euthanasie ? Osera-t-on demander aux instances de contrôles des pratiques de l’euthanasie aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg si leurs « critères de minutie » auraient été compatibles avec la décision d’euthanasier M. Vincent Lambert ? « Mort pour l’exemple ». Mais où est l’exemplarité et à quoi vise la démonstration ? S’agit-il de préserver les apparences de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ? Elle ne résistera pas aux conséquences de ce qu’elle prétendait éviter : les dérives de pratiques consécutives à ses ambiguïtés, ses approximations et ses insuffisances. Elle permet en effet d’apprécier, selon son expertise, ses convictions et parfois même au regard de contingences, ce qu’il en est d’une obstination déraisonnable ou non, de la distinction dans l’alimentation et l’hydratation d’une personne entre soin et traitement, de ce qui diffère entre euthanasie et sédation profonde et continue jusqu’au décès programmable selon la dose des produits injectés. Dans ce contexte de confusion et d’approximation, l’inquiétude des personnes malades, des familles et des professionnels de santé qui exercent dans un contexte dont on connaît la complexité et les contraintes, est réfutée alors qu’elle devrait interroger. De telle sorte que la défiance s’insinue là où les circonstances devraient imposer la confiance et la certitude de décisions justes, insoumises à des aléas inacceptables. Nos devoirs à l’égard des plus fragilesM. Vincent Lambert n’était pas en fin de vie. Si l’on s’en tient à la loi, M. Vincent Lambert, pourtant professionnel de santé, n’avait ni désigné une personne de confiance, ni rédigé ses directives anticipées. D’autre part rien n’indiquait explicitement que la loi s’appliquait à une personne en situation de handicap ou de perte de sa faculté de discernement. Soyons clair, si l’on considère qu’une personne atteinte d’une maladie d’Alzheimer en phase évoluée, et donc dans l’incapacité de faire valoir sa volonté, pourrait relever de cette loi, je ne suis pas certain que nos valeurs de solidarité résisteraient à la tentation d’une telle abdication. La démonstration faite aujourd’hui par les rapporteurs de la loi en 2016 de son interprétation extensible, inquiète. Nous ne pourrons pas différer la révision de cette loi de la sorte déconsidérée, quelque soit l’acharnement de ses propagandistes à en exalter les avancées qu’elle cautionne. Certaines voix autorisées indiquent qu’elle interviendrait à la suite de la révision actuelle de la loi relative à la bioéthique. Il aurait été essentiel d’être exemplaire dès 2013 pour prétendre donner des leçons « pour l’exemple » et s’estimer en fait fondé à arbitrer de la dignité ou de l’indignité du parcours de vie d’une personne en situation de handicap. L’exemplarité au regard d’une vulnérabilité humaine s’affirme dans notre mobilisation à son service et dans cette exigence inconditionnelle de présence bienveillante auprès d’elle. Le souci éthique de l’autre concerne la préservation, la reconnaissance et la qualité de son existence plutôt que l’ordonnancement « par respect de sa dignité » de sa mort médicalisée. Nos obligations premières visent à lui assurer sollicitude et solidarité. Rien à voir avec des disputations et des expertises visant à justifier une décision médicale initialement fondée sur des arguments contestés. M. Vincent Lambert est le symbole de notre incapacité à discerner, dans un contexte complexe et douloureux, ce que sont nos responsabilités et ce que sont nos véritables urgences. « Pour l’exemple » et selon une stratégie dont la lisibilité et la pertinence justifiera des approfondissements, « l’exception d’euthanasie » évoquée dans l’avis du Comité consultatif national d’éthique « Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie » (27 janvier 2000) a été appliquée dans des circonstances qu’aucun argument connu n’est parvenu à légitimer. « Fallait-il tuer Vincent Lambert ? » s’interroge Michel Houellebecq. Que comprendre de ce dont témoignent les conditions de la mort de M. Vincent Lambert, au-delà d’un échouement qui aurait dû être évité ? S’il est une urgence désormais, après le temps du recueillement, c’est d’analyser dignement et avec courage cette défaite de l’éthique, cette injure faite aux valeurs qu’incarne notre démocratie et une conception responsable du vivre ensemble. Dans son avis sur les expérimentions sur des personnes malades en état végétatif persistant (24 février 1986), le Comité consultatif national d’éthique tient un propos d’une profonde justesse : « Ce sont des êtres humains, qui ont d’autant plus droit au respect dû à la personne humaine qu’ils se trouvent en état de grande fragilité. » Notre société est d’autant plus vulnérable lorsqu’elle ne parvient plus à considérer et à assumer ses devoirs à l’égard de ses fragiles. Notre société est d’autant plus vulnérable lorsque la confusion, le doute, la suspicion et la défiance s’insinuent dans des domaines aussi sensibles et intimes que nos conceptions de la vie, des droits inaliénables de la personne et du respect de l’idée d’humanité. |
| | | | Emmanuel Hirsch, fin de vie | |
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