Actualité > France 14/2/12 - 15 H 10 mis à jour le 15/2/12 - 14 H 52
euthanasie
version papier version web Pour en finir avec le « mal mourir » en France
Un médecin et une journaliste de La Croix publient Euthanasie, le débat tronqué (1).
Cet ouvrage très pédagogique présente tous les éléments du débat et ouvre des pistes de réflexion pour en finir avec le « mal mourir ».
À l’heure où l’euthanasie, à la faveur de l’élection présidentielle, fait un retour remarqué dans le débat public, un peu de pédagogie n’était pas inutile. Le docteur Louis Puybasset, neuro-réanimateur, et notre collaboratrice Marine Lamoureux, chargée des questions bioéthiques à La Croix, se sont attelés à la tâche.
Si leur livre est engagé – ils ne font pas mystère de leur refus de l’euthanasie – il n’est pas militant, au sens où il serait orienté vers la défense d’une seule thèse. Au contraire, les deux auteurs ont eu à cœur de mettre à plat tous les éléments du débat, avec une honnêteté intellectuelle qu’il faut saluer.
« Autoriser l’aide à mourir, pourquoi pas ? », écrivent-ils, « mais rien ne serait pire que de décider à partir d’arguments faussés ou d’exemples mal appréhendés » .
Or aujourd’hui, le débat est « biaisé et tronqué », car il fait l’amalgame entre des histoires médiatisées qui recouvrent des réalités médicales le plus souvent ignorées du grand public.
Le vocable d’euthanasie masque des revendications diverses
Prenons le cas emblématique de Vincent Humbert, ce jeune homme entièrement paralysé dont l’histoire avait ému la France entière et débouché, en 2005, sur la loi Leonetti.
Il était, a-t-on lu à maintes reprises, déterminé à en finir avec la vie. En réalité, « toutes les données médicales montrent qu’il souffrait d’une altération, au moins partielle, de ses facultés cognitives et d’idéation. Non seulement il est hautement improbable qu’il ait écrit lui-même un livre (…), mais tout porte à croire qu’il présentait une “rigidité de pensée qui l’empêchait de changer d’idée”. »
Le « choix » de mourir, dans ces conditions, peut-il être considéré comme libre et éclairé ? Peut-on d’ailleurs encore parler de choix ? interrogent les auteurs.
Autre histoire largement médiatisée, celle de Chantal Sébire, cette femme au visage rongé par une tumeur envahissante. Elle aussi voulait mourir. Sauf que son mal aurait pu être soigné si, au départ, elle avait accepté la prise en charge médicale qu’on lui proposait.
Elle l’a refusée. C’était son droit. Mais elle a voulu davantage. « Chantal Sébire exigeait de la société qu’elle se plie à sa propre conception de la fin de vie. »
La loi Leonetti a déjà apporté une réponse
Nous touchons là au cœur du débat. Le vocable unique d’euthanasie masque des revendications diverses. Certains veulent ne plus souffrir ; d’autres refusent les transformations induites par la maladie ; d’autres encore veulent, par une mort anticipée, supprimer une agonie jugée inutile et privée de sens ; d’autres enfin revendiquent le droit de choisir le moyen et le moment de leur mort.
Aux premiers, la loi Leonetti a déjà apporté une réponse, expliquent les auteurs. Aujourd’hui en effet, la quasi-totalité des douleurs peut être soulagée. Et l’on peut encore améliorer la situation en faisant en sorte que la loi soit appliquée partout – ce qui n’est pas encore le cas – ou en homogénéisant les pratiques médicales.
Pour les autres, en revanche, la question reste ouverte et relève d’options philosophiques qui in fine, débouchent sur deux choix de société. Que veut-on privilégier ? Une société basée sur la solidarité – c’est ce que propose l’approche palliative, fondée sur l’accompagnement – ou une société favorisant l’autonomie de la volonté et autorisant chacun à décider du moment de sa mort ?
On le voit, ce qu’engage le débat sur la fin de vie, ce sont deux conceptions opposées du vivre-ensemble qui méritent plus que les habituelles querelles opposant les « pro » et les « anti » euthanasie, car leurs répercussions vont bien au-delà de ce qui se joue dans les derniers moments de l’existence.