La démarche palliative, méconnue et mal appliquée par les soignants
De Céline CASTELLA (AFP) – Il y a 3 jours
PARIS — Alors que la question de l'euthanasie oppose les candidats à la présidentielle, plusieurs spécialistes et médecins témoignent des difficultés d'appliquer la loi Leonetti codifiant la mise en place des soins palliatifs censés soulager la fin de vie.
La loi Leonetti de 2005 autorise l'administration de traitements anti-douleur permettant de soulager la souffrance, avec, précise-t-elle, pour "effet secondaire d'abréger la vie" d'un malade en "phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable".
Toutefois, cette loi "ne dit pas clairement que le soulagement d'un patient en fin de vie peut aller jusqu'à son décès et que c'est une forme d'euthanasie passive", souligne Eric Gendreau, directeur d'EHPAD (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) au Theil-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine).
Les candidats de gauche à l'élection présidentielle prônent son évolution vers une "aide active à mourir" tandis que ceux de droite refusent tout changement, alors qu'un récent ouvrage a révélé que François Mitterrand avait eu recours à l'euthanasie.
Reste que les soins palliatifs sont souvent appliqués tardivement, comme le relève un rapport sur la fin de vie publié en février.
"On se rend compte, en interrogeant les collègues, que pour eux, la phase palliative, c'est juste avant la mort, quand il y a des problèmes avec la famille, quand le malade hurle, demande l'euthanasie. Or, ce n'est pas du tout comme ça que l'on entend la démarche palliative", remarque Edouard Ferrand, responsable des soins palliatifs de l'hôpital Foch de Suresnes.
La démarche palliative, qu'il refuse d'opposer à l'euthanasie, revient selon lui à "optimiser la qualité de vie du malade, en mettant en jeu toutes les techniques médicales, psychiques et sociales".
Une enquête qu'il a menée dans un CHU parisien en consultant 1.500 dossiers de patients décédés en 2005, 2007 et 2009 montre que la décision de mettre en place des soins palliatifs est intervenue en moyenne seulement 48 heures avant la mort.
Et selon lui, 74% de ces patients relevaient de soins palliatifs qui ont été décidés dans 39% des cas et appliqués dans 25%. L'équipe de soins palliatifs est intervenue dans seulement 5% des cas.
"En amont, dans les services de médecine aiguë, les collègues ne savent pas que les patients dont ils s'occupent relèvent d'une démarche palliative", déplore le docteur Ferrand.
"Beaucoup de médecins ont été formés bien avant l'apparition de cette loi et se la sont mal appropriée. Il y a besoin d'un travail de formation", analyse M. Gendreau. Selon lui, "il aurait fallu que cette loi s'accompagne d'une incitation pour les médecins à se former".
Dans "Euthanasie, enjeux humain et social" (Editions Pascal), le docteur Claude Broussouloux et le journaliste Etienne Charles soulignent que "le véritable problème posé par l'atténuation de la souffrance des mourants a trait aux coûts exorbitants induits. Unités médicales spécialisées, personnel dûment formé, thérapies onéreuses et par essence récurrentes...".
Les médecins traitants "connaissent peu la loi Leonetti et ont peur qu'on les accuse de négligence, d'abandon de soins. Ils sont formés pour guérir et ont du mal à se dire +maintenant je vais soigner pour le confort+, c'est souvent une discussion difficile", juge Françoise Désimpel, directrice d'un EHPAD à Saint-Germain-la-Ville (Marne).
Mais la démarche palliative concerne aussi l'information de la famille et du patient, domaine dans lequel les équipes médicales sont défaillantes selon le docteur Ferrand: "Ce qui fait la différence avec les pays anglo-saxons, c'est que le malade et la famille y sont parfaitement informés de l'évolution de la maladie".
Une information d'autant plus nécessaire que les familles n'ont souvent aucune connaissance de la loi Leonetti, selon M. Gendreau.
Sujet: Démarche palliative méconnue 
14.04.12 23:05
