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| Comité National d'Ethique et euthanasie | |
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| Sujet: Comité National d'Ethique et euthanasie 19.02.12 23:34 | |
| Société Le 4 mars 2000 à 23h03 Euthanasie: le Comité d'éthique veut «sortir du pour ou contre». Des membres de l'instance expliquent le rapport. Par FAVEREAU Eric
«Notre position sur l'euthanasie n'est pas celle de la facilité.» En
rendant public vendredi leur rapport sur «Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie», les membres du Comité national d'éthique avaient une tâche délicate: s'expliquer. Certes, ils ont pris clairement position pour laisser ouverte, dans certaines situations, la possibilité d'«une euthanasie d'exception» (Libération de vendredi). Mais comment justifier ce choix? Sur quels principes se fonder? Et, au final, est-ce une brèche ou au contraire la fin d'une hypocrisie? Réponses par les membres du comité.
L'euthanasie d'exception, une position bancale?
Didier Sicard, président du comité: «Il fallait sortir de la problématique du pour ou contre l'euthanasie, et en même temps ne pas faire l'aveugle. Je le dis avec force, ce n'est pas un texte en faveur de l'euthanasie, dans la mesure où l'on vise surtout à empêcher les pratiques d'euthanasie clandestines.» Jean-François Collange, professeur de théologie protestante. «Comment faire face à la fin de vie? Bien sûr, en privilégiant les différentes réponses; c'est-à-dire les soins palliatifs, puis l'accompagnement des mourants et, le cas échéant, le refus de l'acharnement thérapeutique, qui peut se traduire par l'arrêt des soins. On aurait pu s'arrêter là. Et répéter que si tout cela était bien entrepris, la question de l'euthanasie disparaîtrait. Il nous a semblé que cela n'aurait pas été éthique de considérer le problème ainsi réglé. Nous avons voulu faire front et avons estimé que la seule attitude éthique possible devant ces situations d'exception était l'engagement solidaire.»
L'euthanasie clandestine?
Didier Sicard. «Dans mon service de médecine interne de l'hôpital Cochin, si un jeune interne se trouve confronté ce soir, cette nuit, à un malade qui a un cancer métastasé, un homme au bout du bout de sa vie, eh bien, cet interne pourrait, dans le silence de sa conscience et de sa personnalité, décider d'une injection létale. Nous sommes opposés à ce genre de pratique. Nous estimons non éthiques ces euthanasies clandestines qui dépendent du médecin, de son caractère, de son tempérament et, à l'occasion, de sa religion. L'euthanasie est un acte de transgression. Si quelqu'un veut le dénoncer, qu'il le puisse. Notre objectif, c'est de rendre effectif cet interdit. Mais de canaliser certaines exceptions.»
Qu'est-ce qu'une euthanasie qui serait acceptable?
Denys Pellerin, membre de l'Académie de médecine.
«Nous affirmons que, hors consentement, aucun acte euthanasique ne saurait être envisagé. En l'absence de tiers, cet acte se révèle tout simplement inacceptable. Consentir, c'est aussi s'engager dans un processus dont la finalité est de l'ordre du consensus. Les éventuelles décisions d'actes euthanasiques ne doivent pas se présenter comme des actes solitaires mais doivent être le produit d'une réflexion aussi consensuelle que possible d'une équipe et d'un entourage. Et au final mettre en oeuvre la moins mauvaise solution face à une situation extrême.»
Quid du droit et de la loi?
Jean Michaud, conseiller honoraire à la Cour de cassation. «Ces constatations ne doivent pas conduire à la dépénalisation. Ni au moindre changement législatif. Nous avons réfléchi sur l'après, sur une sorte de contrôle a posteriori si quelqu'un venait à dénoncer tel ou tel acte. Certes, les plaintes sont extrêmement rares. Mais s'il y en avait une" Ce que nous suggérons, en termes juridiques, c'est la notion d'exception. Qu'après coup une équipe puisse, si le juge le requiert, faire état de ce qui s'est passé, comment cela s'est passé, entre le recueil du consentement, la situation clinique du patient et la collégialité de la décision. D'une certaine façon, comme pour les situations d'arrêt ou de limitation de soins, il faut qu'il y ait une trace, peut-être dans le dossier médical. Pour le comité, il ne s'agit en rien d'une situation à la hollandaise, où l'on demande a priori. Mais d'une sorte de contrôle a posteriori. Et si les règles de cette exception sont respectées, nous suggérons que le juge ne poursuive pas. Mais, bien entendu, le juge reste maître de la décision.»
Didier Sicard. «La tendance actuelle, avec plus de 70% des décès à l'hôpital, est de laisser le médecin décider seul. Or, c'est un acte terriblement grave que cette transgression. La médecine ne doit pas être la seule à la marquer de son sceau. Un acte d'euthanasie d'exception est un acte social qui dépasse le médecin.»
L'unanimisme du comité?
Didier Sicard. «Les quarante membres du comité ont voté ce texte à l'unanimité. Aussi bien des membres des Eglises catholique et protestante, des musulmans ou des juifs, des athées, ou encore Henri Caillavet, qui préside l'Association pour mourir dans la dignité. Et tous se déclarent solidaires.».
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| Sujet: Re: Comité National d'Ethique et euthanasie 29.01.13 16:35 | |
| Il y a une douzaine d'années... En l'an 2000... Bien avant la loi Léonetti... C'est pour cela que la notion du suicide assisté dans le rapport Sicard de décembre 2012 est nécessaire... A ce rythme,la France légalisera réellement l'euthanasie en 2050?c'est possible,effectivement... De toute façon,la promulgation d'une loi ne signifie pas son application(cf la loi Léonetti) |
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| Sujet: Re: Comité National d'Ethique et euthanasie 01.02.13 13:00 | |
| Avis sur Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie N°63 - 27 Janvier 2000 1. Vivre et mourir aujourd'hui 2. Mieux mourir aujourd'hui 3. Des situations aux limites : l'euthanasie en débat 4. Engagement solidaire et exception d'euthanasie Références Annexes Les progrès réalisés ces dernières décennies en matière d'hygiène de vie et ceux des techniques médicales conduisent à un allongement remarquable de la durée de la vie. En même temps, on assiste à un certain effacement des frontières entre la mort et la vie et, d'une certaine manière, à une désappropriation par le mourant de sa propre mort. S'ensuivent bien des problèmes éthiques et humains inédits. En attestent les hésitations et fluctuations récentes des législations sur ce point, les nombreux débats -souvent à fort impact médiatique- sur la question et une production littéraire non négligeable. En France notamment l'application stricte de la loi amène à qualifier l'euthanasie d'homicide volontaire, d'assassinat ou de non assistance à personne en danger. Mais les juridictions qui sont rarement saisies en la matière font preuve, lorsqu'elles condamnent, de la plus grande indulgence. Par ailleurs, divers mouvements d'opinion militent en faveur d'une modification des textes. Le CCNE s'est déjà prononcé à ce propos [7], mais son avis, dicté par l'urgence, en était resté à la formulation de quelques principes forts, à partir desquels il désapprouvait qu'un texte législatif ou réglementaire légitime l'acte de donner la mort à un malade. Huit ans plus tard, en 1998, dans son rapport Consentement éclairé et information des personnes qui se prêtent à des actes de soin ou de recherche [9], le même CCNE se déclarait favorable à une discussion publique sereine sur le problème de l'accompagnement des fins de vie, comprenant notamment la question de l'euthanasie. Il se demandait alors si sa prise de position de 1991 n'était pas dépassée et insistait sur l'importance d'une réflexion en commun sur la question des circonstances précédant le décès. Le présent rapport tente d'apporter des éléments à cette réflexion nécessaire. 1. Vivre et mourir aujourd'hui Nul ne songe à nier et moins encore à déplorer les progrès de l'hygiène et de la médecine qui marquent notre époque de façon déterminante. La qualité de la vie d'une façon générale et son allongement spectaculaire dans les pays occidentaux en témoignent abondamment. Dans ces pays par exemple, environ une petite fille sur deux naissant aujourd'hui deviendra centenaire . Ces avancées ne vont toutefois pas sans contraintes, dont la médicalisation des fins de vie. 70% de la population meurt actuellement à l'hôpital ou en institution. Le fait en lui-même, fruit d'une prise en charge bénéfique, ne saurait être critiqué. Mais l'hospitalisation a ses revers: elle arrache à son environnement familier et humain une personne fragilisée qu'elle confie à des systèmes techniques souvent très perfectionnés, mais dont la logique même consiste à la traiter de façon objective. La technique se caractérise en effet par ses performances. Mais face à la mort inéluctable, quelle performance est-on en droit d'espérer? Performante, la technique est aussi, par essence, impersonnelle. Par ailleurs, elle se fragmente et fragmente qui elle touche, elle multiplie sans cesse les réseaux de ses pouvoirs en spécialités, appareils et produits de plus en plus divers et sophistiqués, morcelant l'unité de la personne prise en charge et la transformant plus que jamais en patient. La prolongation médicale de la vie entraîne parfois des conséquences peu compatibles avec la qualité de la vie. Certes, le recours à ces manières de faire, nécessaires pour assurer survie et rétablissement, se justifie en règle générale par son caractère temporaire et provisoire; il devient plus problématique lorsque, la fin approchant, il tend à former le dernier milieu au sein duquel la personne est conduite à vivre. L'emprise technique qui marque notre temps rejoint la quête d'immortalité qui habite depuis toujours l'humanité. Beaucoupcroient alors et beaucoup espèrent que les progrès de la science permettront d'échapper un jour à la mort elle-même. Les fantasmes sur la cryogénisation, consistant à maintenir un cadavre dans un caisson à -196 deg; en attendant d'éventuels progrès techniques permettant la guérison d'un malade, ou sur le clonage, en témoignent à leur manière. Mais il n'est pas besoin d'adhérer à de telles croyances pour constater combien la mort a disparu de notre environnement quotidien. Les rites mortuaires, dont le deuil, s'érodent et la mort devient une manière de tabou. L'évoquer ou y penser devient plus ou moins obscène ou pathologique. Il y a un peu plus de trois siècles, Jean de La Fontaine pouvait écrire du laboureur désireux de faire à ses enfant l'éloge du travail: Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine, Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins La mort était alors entourée, affaire familiale ou publique ce qui est loin d'avoir disparu chez nous et ce qu'elle demeure dans bien des régions du monde. Mais ce qui frappe le plus dans les vers cités, c'est la mention,- qui a l'air toute naturelle pour l'auteur,- de ce que le laboureur sent venir sa mort et s'y prépare. Peut-on en dire autant aujourd'hui? En fait, les incontestables progrès de la médecine et de la technique et les fantasmes d'immortalité ont conduit bien souvent à déposséder la personne de sa mort ; à ne pas toujours lui permettre -là où ce serait encore possible- de prendre en charge ses derniers moments et de les vivre. En effet la mort fait encore partie de la vie d'une certaine manière. Elle l'achève et la clôture et lui permet d'arriver à une forme d'unité. L'identité d'une personne n'est en effet jamais définie tant qu'elle n'est pas close. Et le pouvoir mystérieux de la mort tient dans le fait que, tout en mettant fin à la vie (en l'anéantissant, hors toute perspective de foi), il lui donne pourtant valeur et sens. La scansion et la sanction de la mort forment les conditions d'existence du temps humain lui-même. Une pratique médicale qui ne serait attachée qu'au principe impersonnel et dépersonnalisant de la technique, comme à l'utopie d'une vie sans fin, n'entrerait-elle pas alors en conflit avec ces autres valeurs fondamentales de l'existence humaine que sont la vulnérabilité, le sens de la fin, l'autonomie et la dignité? C'est dans ce contexte que certains posent la question de l'euthanasie ou bonne mort (2). 2. Mieux mourir aujourd'hui Il serait illusoire de croire que mourir et l'amélioration des conditions qui entourent cet événement puissent jamais constituer un bien, vers lequel se diriger de façon conquérante. Mourir reste une épreuve douloureuse et difficile, quelle que soit l'expérience spirituelle de la personne, et on ne peut que tenter d'en atténuer la douleur et la difficulté, en évitant de tomber dans cette autre utopie qui consisterait à croire que serait à portée de main ou de technique une bonne mort ou belle mort. C'est d'ailleurs une des difficultés que présente la position donnant à penser que l'on peut maîtriser totalement la/sa vie et la/sa mort. Cela dit, le problème des conditions en fonction desquelles les uns et les autres peuvent être conduits à affronter la mort ne doit pas être évité. Certains gestes et attitudes font l'objet aujourd'hui d'un très large consensus et méritent d'être encouragés. Ils engagent fortement la responsabilité des soignants et appellent la mission même de la médecine à se renouveler. Ils correspondent à la prise de conscience que la personne arrivée au terme de sa vie, malgré son extrême fragilité et sa vulnérabilité, surtout à cause d'elles, doit être respectée dans son autonomie et sa dignité. Ces gestes et attitudes concernent notamment le développement des soins palliatifs, l'accompagnement des mourants et le refus de l'acharnement thérapeutique. Le respect rigoureux des dispositions liées aux exigences qu'elles énoncent tendra très certainement à placer la question de l'euthanasie proprement dite à une plus juste place. 2.1. Le développement des soins palliatifs La notion de soins palliatifs promue dans les années 1970 par les pionniers du Saint Christopher Hospice de Londres, visait surtout la fin de vie des patients atteints de cancer. Elle s'est progressivement étendue au stade terminal d'autres affections et diversifiée en fonction des pathologies et de l'âge des malades, notamment les patients plus jeunes touchés par le sida. Les soins palliatifs ont été mis en oeuvre en France dès les années 1980 dans des services de gérontologie. Ils connaissent aujourd'hui un essor notable, mais peuvent être encore améliorés. Les soins palliatifs se présentent comme des soins actifs dans une approche globale de la personne atteinte d'une maladie grave évolutive ou terminale. Leur objectif est de soulager les douleurs physiques ainsi que les autres symptômes et de prendre en compte la souffrance psychologique et spirituelle (3). Ces soins peuvent se pratiquer tant en institution qu'au domicile du malade. Leur visée est simple: permettre au processus naturel de la fin de la vie de se dérouler dans les meilleures conditions, tant pour le malade lui-même que pour son entourage familial et institutionnel. Aussi les soins palliatifs visent-ils à contrôler la douleur et les autres symptômes d'inconfort en préservant autant que faire se peut la vigilance et la capacité de relation du malade avec l'entourage; ils assurent la nutrition et l'hydratation de façon adaptée à la fin de la vie, en évitant les manoeuvres instrumentales inutiles; ils garantissent une prise en charge de qualité -à la base même du confort et élément essentiel du réconfort- et s'efforcent de maintenir la communication avec le malade en lui apportant le soutien relationnel adéquat, quand la communication verbale reste possible, ou, lorsque celle-ci s'avère impossible, en exploitant les ressources de la communication non-verbale. Au delà de l'attention à la personne en fin de vie, l'ensemble des membres d'une unité ou d'une équipe de soins palliatifs veille à maintenir ou recréer les liens familiaux, en apportant à la famille les dispositions matérielles et le soutien psychologique nécessaires pour qu'elle puisse vivre l'accompagnement de son parent dans des conditions de confort matériel et moral satisfaisantes. Après le décès, l'action se poursuit par un soutien auprès de la famille, dans un but de prévenir les complications somatiques et psychologiques du deuil, notamment le suicide, auquel les conjoints âgés, particulièrement les hommes, sont exposés. En France, l'importance des soins palliatifs fut reconnue dès 1986 dans une circulaire ministérielle relative à l'organisation des soins aux patients en phase terminale [6]. Cette circulaire définissait les soins palliatifs et officialisait la création d'unités appropriées (4). Depuis 1991 ces soins font partie des missions de l'hôpital et leur accès est présenté comme un droit des malades [17] (5). Une enquête, réalisée en 1993, fit le point sur la diffusion des soins palliatifs, les obstacles à leur développement et la manière de les surmonter. Le rapport qui en est issu [15] a fait de très nombreuses propositions et recommandations concernant l'organisation des soins palliatifs, le contrôle de la douleur, la formation et le soutien des soignants, la place des bénévoles dans l'accompagnement des mourants et leur famille, ainsi que l'accompagnement à domicile et à l'hôpital. Depuis 1993, plusieurs initiatives réglementaires ont été prises. La plus récente organise la mise en oeuvre du plan d'action triennal de lutte contre la douleur dans les établissements de santé publics et privés (6). La loi du 9 juin 1999 [18] enfin vise à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs et à un accompagnement pour toute personne malade dont l'état le requiert . L'efficacité de cette loi reste néanmoins subordonnée à son financement. En la votant les parlementaires français se sont conformés à l'esprit du projet de recommandation du Conseil de l'Europe, rendu public en mai 1999, et qui vise à assurer aux malades incurables et aux mourants le droit aux soins palliatifs [13]. Au plan de la déontologie, le Code de déontologie médicale de 1995 [19] énonce qu'en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade et de l'apaiser moralement (article 37); il ajoute qu'il convient d'accompagnerle mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage (article 38). Le commentaire dont cet article est assorti fait apparaître la continuité de l'acte médical, passant du curatif au palliatif et souligne tout l'intérêt de soins spécifiques dans la situation d'une vie parvenue irrémédiablement à son terme. 2.2. L'accompagnement des mourants Depuis la circulaire Laroque de 1986, l'accompagnement est reconnu comme une partie essentielle des soins palliatifs visant à réinscrire la fin de vie dans le cadre des relations sociales habituelles. Il cherche à replacer la personne parvenue au terme de sa vie dans son contexte familial et social et, ce faisant, à replacer la mort dans le cadre des événements familiaux dont elle s'était trouvée trop souvent écartée. L'accompagnement engage non seulement les soignants mais aussi la famille et des bénévoles. Le rapport Delbecque de 1994 soulignait les principales composantes de la philosophie de l'accompagnement: respect de la vie privée, prise en compte du malade et de sa famille comme un ensemble, qui a besoin d'une aide pour s'adapter à une situation angoissante et déstabilisante, [et pour] parler et participer activement aux soins. Le récent Avis du Conseil Economique et Social relatif à l' Accompagnement des personnes en fin de vie [14] insiste sur le rôle positif que peuvent jouer les bénévoles pour seconder les équipes soignantes et les familles. Ni soignants, ni parents, ils sont l'interface, parfois le seul, entre le malade et l'extérieur, la présence du monde en mouvement, de la société dans le huis-clos où la fin de vie tend à confiner le malade. Le bénévole est celui à qui l'on peut tout dire, qui peut tout écouter, même le silence. Les dispositions inscrites dans la récente loi sur les soins palliatifs vont en ce sens et instituent un congé d'accompagnement permettant aux salariés de prendre le temps d'être près d'une personne en fin de vie, que ce soit en tant que parent ou bénévole. Il est précisé que ces bénévoles devront être formés à l'accompagnement de la fin de vie et appartenir à des associations dotées d'une charte définissant les principes à respecter dans leur action. On peut noter cependant que ces dispositions resteront théoriques tant que leur financement n'aura pas été assuré. 2.3. Le refus de l'acharnement thérapeutique L'acharnement thérapeutique se définit comme une obstination déraisonnable, refusant par un raisonnement buté de reconnaître qu'un homme est voué à la mort et qu'il n'est pas curable (8). L'accord quant à son rejet est aujourd'hui largement réalisé, tant par les instances religieuses, qu'éthiques et déontologiques. Dès 1957 le pape Pie XII reconnaissait que le devoir de soigner n'impliquait pas le recours à des moyens thérapeutiques inutiles, disproportionnés ou imposant une charge qu'il (le malade) jugerait extrême pour lui-même ou pour autrui [21] (9). Ce point est réaffirmé en 1980 dans la Déclaration sur l'euthanasie de la Congrégation pour la Doctrine de la foi (point 4, [12]) et, pour l'ensemble, est partagé par les diverses instances religieuses et spirituelles (10). De la même façon, tous les comités d'éthique qui ont eu à réfléchir sur l'euthanasie ces dernières années dénoncent ... l'acharnement thérapeutique déraisonnable, poursuivi au-delà de tout espoir. [La thérapeutique] doit laisser place à l'apaisement des souffrances qui reste le devoir du médecin [7]. Le Code de déontologie médicale de 1995[19] indique pour sa part en son article 37 qu'en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations thérapeutiques. Et le commentaire du Code de préciser qu'un souci outrancier de prolonger la vie peut conduire à des excès (11). Il est à noter à ce propos que, dans certains pays, le Danemark par exemple, le refus de l'acharnement thérapeutique va jusqu'à la reconnaissance d'un droit des malades à refuser un traitement. La récente loi française [18] visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs contient une disposition allant dans ce sens, lorsqu'elle indique que la personne malade peut s'opposer à toute investigation ou thérapeutique. Les situations pour lesquelles se pose la question de l'acharnement thérapeutique sont fort diverses et leurs limites ne sont pas toujours faciles à appréhender. Elles se situent notamment aux deux extrémités de la vie et concernent aussi bien le nouveau-né (12)que le grand vieillard. Dans le premier cas, on peut avoir affaire à des nouveau-nés (13)dont la possibilité de vie est illusoire. Dans le second, de grands vieillards peuvent se trouver en situation aiguë de polypathologie à proprement parler incurable. Le refus de l'acharnement thérapeutique peut certes précipiter l'instant de la mort, mais il implique -par définition- l'acceptation du risque mortel consécutif au traitement de la douleur comme à l'abstention et à la limitation de traitements. La lutte contre la douleur - quelles que soient ses modalités et sa fin - non seulement n'est pas un crime, mais est un devoir pour tout soignant. Le traitement de celle-ci ne cherche pas à tuer et si la mort survient dans la paix, elle survient à l'heure qu'elle a choisie. Agir de la sorte revient tout simplement à lutter de façon responsable et efficace contre la douleur et la souffrance. Cette attitude peut aussi traduire le refus de situations inhumaines, par exemple en cas de disproportion entre l'objectif visé par la thérapeutique et la situation réelle, ou si la poursuite d'une thérapeutique active entraîne une souffrance disproportionnée par rapport à un objectif irréalisable. L'arrêt de toute assistance respiratoire ou cardiaque signifie seulement que l'on reconnaît la vanité de cette assistance, et par là-même l'imminence de la mort. De ce fait, l'abstention de gestes inutiles peut être le signe d'un réel respect de l'individu. On ne cachera pas que, dans ces divers cas, la décision médicale de ne pas entreprendre une réanimation, de ne pas la prolonger ou de mettre en oeuvre une sédation profonde -que certains qualifient parfois d'euthanasie passive- peut avancer le moment de la mort. Il ne s'agit pas d'un arrêt délibéré de la vie mais d'admettre que la mort qui survient est la conséquence de la maladie ou de certaines décisions thérapeutiques qu'elle a pu imposer. En fait, ces situations de limitations des soins s'inscrivent dans le cadre du refus de l'acharnement thérapeutique et ne sauraient être condamnées au plan de l'éthique. Sans soutenir la participation à un suicide assisté ou à une euthanasie active, l'acceptation de la demande de restriction ou de retrait des soins actifs de la part d'un patient adulte, pleinement conscient et justement informé semble valide selon le principe éthique d'autonomie (14). Chez un patient privé de capacité décisionnelle, la communication entre les soignants et un représentant décisionnel et/ou des membres de la famille du patient est essentielle à l'aide à la prise de décision, en considérant notamment les valeurs et buts propres du patient, et la balance entre les bénéfices escomptés d'un traitement et ses contraintes ou ses servitudes. A l'égard d'un patient hospitalisé, ce devoir de communication devrait s'étendre à l'institution médicale encouragée à rédiger, dans une approche multidisciplinaire, des protocoles de prise en charge tentant de définir notamment les circonstances et les situations pouvant poser problème, et à consigner par écrit les éléments objectifs ayant guidé les choix effectués. Il est vrai que la mise en oeuvre de ces principes reste difficile dans la pratique quotidienne. Elle se heurte notamment à la difficulté de reconnaître de façon précise les stades ultimes de la vie (15). On ne peut nier qu'il soit pénible aux soignants de renoncer aux traitements à visée curative pour passer aux soins palliatifs. Il faut aussi intégrer les difficiles questions d'organisation (comme la nécessaire coordination (16)entre médecine de ville et hôpital) relatives au suivi des malades qui peuvent se retrouver soumis soudain à une réanimation contraire à leur volonté, parfois simplement parce qu'a manqué la communication entre malade et soignant. Mais ces difficultés réelles ne sauraient entraver la nécessité de la progression vers ce qui doit rester l'objectif éthique décisif: tout faire pour ne pas entrer dans le cercle vicieux d'un acharnement qui ferait prévaloir le fonctionnement du système de soins sur le respect de la personne. En conclusion: le CCNE manifeste son total accord sur les évolutions qui viennent d'être mentionnées. Celles-ci vont en effet toutes dans le sens d'une intégration des derniers moments de l'existence au sein de la vie elle-même, du respect des patients jusqu'à leurs ultimes instants et de la vocation des personnels soignants. Leur mise en oeuvre résolue devrait permettre, autant que faire se peut, à chaque individu de se réapproprier sa mort, réconforté par les siens et par ceux qui l'entourent. Aussi le CCNE encourage-t-il les différents acteurs à l'oeuvre dans les domaines évoqués à poursuivre et à développer leurs efforts et invite-t-il les responsables politiques à en garantir le soutien financier indispensable. Bien qu'elle puisse être de nature à réduire considérablement le nombre des demandes d'euthanasie, il n'est toutefois pas certain qu'une mise en oeuvre globale de cette manière de prendre en charge la fin de la vie incluant entre autres le développement des soins palliatifs et l'accompagnement aux mourants résolve totalement la question de l'euthanasie et évite qu'elle ne soit plus jamais posée. Celle-ci pourra apparaître cependant plus comme l'inutile recours que comme le secours impossible ou interdit. A moins qu'entre ces deux éventualités ne se dessine la possibilité d'une ultime requête dans certains cas extrêmes et situations limites qui continueront à faire problème. Il convient donc de les aborder franchement. 3. Des situations aux limites : l'euthanasie en débat 3.1. Le cadre du débat Certaines situations peuvent être considérées comme extrêmes ou exceptionnelles, là où elles se présentent d'abord comme hors normes. La norme en effet tient ici dans la nécessité pour le soignant de soigner -quoi qu'il en soit- et, pour le patient, de vouloir (sur)vivre. Mais il se peut aussi que cette volonté non seulement fasse défaut, mais se présente, à l'inverse, comme volonté d'en finir et de mourir. C'est alors que se pose la question de l'euthanasie proprement dite. Celle-ci consiste en l'acte d'un tiers qui met délibérément fin à la vie d'une personne dans l'intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable (18). Le CCNE unanime condamne un tel acte, envisagé et effectué hors de toute forme de demande ou de consentement de la personne elle-même ou de ses représentants (19). Mais à supposer qu'une demande de suicide assisté soit sincère, déterminée et répétée, et ne cache pas un appel à l'aide, la question éthique se pose du fait de la difficulté de faire droit à deux exigences légitimes mais contradictoires: Entendre la volonté de chaque personne, ses choix concernant sa liberté, son indépendance et son autonomie. Assumer et assurer pour le corps social, dont la médecine est, à sa manière, le représentant auprès de tout malade, la défense et la promotion de valeurs, en dehors desquelles il n'y aurait ni groupe, ni société. Cette exigence se trouve tout particulièrement redoublée en ce qui concerne le corps médical, dont la vocation est de soigner la personne, d'aider à la vie et de ne jamais blesser la confiance que le patient peut mettre en lui. Ce que souligne avec force la dernière phrase de l'article 38 du Code de déontologie: le médecin n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort. Le CCNE s'est d'ailleurs déjà trouvé confronté à ce dilemme dans son rapport sur le consentement éclairé [9]. Il n'a pas cru pouvoir y répondre de façon simple, mais s'est efforcé de trouver les voies moyennes de compromis, plus ou moins satisfaisants au regard de la pure rationalité. Cette difficulté fondamentale se trouve accentuée par les évolutions de la science et de la technique elles-mêmes. Il n'est en effet pas douteux que celles-ci, au service de la médecine et du malade, se révèlent de puissants et précieux auxiliaires dont la légitimité ne saurait être contestée. Et pourtant, dans un nombre de cas non négligeable, les avancées scientifiques et techniques posent des problèmes humains et éthiques inédits, bien difficiles à résoudre(20). Dans ce registre, se pose de façon particulièrement délicate le problème du patient privé de la capacité à exprimer sa volonté, qu'il s'agisse de nouveau-nés, de grands vieillards ou d'individus plus jeunes, victimes d'accidents graves ou de maladies les privant de moyens de communiquer. Tels sont quelques-uns des problèmes dramatiques nouveaux, rançon de l'efficacité technique, auxquels la société est confrontée. 3.2. Les positions en présence Face à ces dilemmes, deux types de positions sont couramment exprimés: 1. . La première s'appuie sur la conception qu'ont bien des personnes du respect de toute vie humaine. La vie est une réalité transcendante et ne peut être laissée à la libre disposition de l'homme (21). Les tenants de cette position dénoncent les dérives auxquelles ne manquerait pas d'ouvrir la reconnaissance d'un droit à l'euthanasie. Ils considèrent qu'autoriser l'euthanasie provoquerait une brèche morale et sociale considérable dont les conséquences sont difficiles à mesurer. Par ailleurs, les arguments suivants sont avancés: · le principe du respect à tout prix de la vie ne pouvant être méconnu par celui ou par ceux qui interrompraient une vie, l'expression ambiguë d'aide au suicide cache le fait que c'est bien un tiers qui dispose d'une vie qui n'est pas la sienne; · la dignité d'une personne peut certes être appréciée diversement selon qu'on la considère de l'extérieur ou telle que la ressent l'intéressé, mais la dignité reste un caractère intrinsèque de toute personne; · la personne bien portante, demandant à ce qu'il soit mis fin à ses jours dans certaines circonstances, ne sait pas quelle sera sa réaction face à la maladie grave et à l'approche de la mort,ni son degré de constance. Le souhait d'en finir varie bien souvent en fonction de tel ou tel soulagement, information ou événement extérieur (22) · les malades en fin de vie qui sont très sensibles à l'ambiance d'angoisse dégagée par les proches peuvent souhaiter épargner leur entourage par une demande qui ne correspond pas forcément à leur désir profond; · les personnes privées de capacités relationnelles apparentes risquent d'être victimes du désir de mort de l'entourage familial ou soignant; · le devoir déontologique du médecin est de soigner. Lorsqu'il n'a plus d'espoir de guérir, il lui reste toujours celui de soulager les souffrances, sans que la persévérance thérapeutique aille jusqu'à l'acharnement ou l'obstination thérapeutique déraisonnable-le soulagement des souffrances pouvant prendre, en conformité avec la déontologie, la forme de pratiques de sédation ; · la justification légale de l'euthanasie, f°t-ce dans des cas très limités, serait de nature à mettre un cran d'arrêt aux soins palliatifs ou du moins à en retarder l'évolution ou à faire intervenir de façon excessive des paramètres économiques ou de gestion hospitalière. Les implications juridiques de cette position sont claires : il convient de s'en tenir à la législation actuelle où l'euthanasie est qualifiée soit d'homicide volontaire, soit d'assassinat, soit encore de non assistance à personne en danger. Cette position ne se veut toutefois ni intransigeante (intransigeance qui, par ailleurs, entretiendrait clandestinité et hypocrisie), ni fermée à toute détresse. Aussi n'exclut-elle pas que les juridictions fassent preuve - lorsqu'elles sont saisies- d'indulgence. 2. Dans un tout autre sens, certains pensent que mourir dans la dignité implique un droit qui doit être reconnu à qui en fait la demande (23). Pour les tenants de cette position, la mort étant inéluctable, la plupart des humains veulent, dans nos sociétés occidentales, être rassurés sur les conditions de leur fin de vie. Ils refusent dans une très grande majorité la déchéance physique et intellectuelle. L'existence humaine ne doit pas être comprise de façon purement biologique ou en termes uniquement quantitatifs. La vie est essentiellement un vécu et ressortit à un ordre symbolique. De ce fait, la demande d'assistance à une délivrance douce est pleinement un acte culturel. Par ailleurs on avance que : · l'individu est seul juge de la qualité de sa vie et de sa dignité. Personne ne peut juger à sa place. C'est le regard qu'il porte sur lui-même qui compte et non celui que pourraient porter les autres. La dignité est une convenance envers soi que nul ne peut interpréter. Elle relève de la liberté de chacun. · La tentative de suicide n'est plus poursuivie en France depuis 1792. Et pourtant, si le suicide n'est pas condamnable, l'assistance à la mort consentie relève du Code pénal. Ce paradoxe devrait être surmonté par la dépénalisation de l'euthanasie. · S'il est vrai que nul n'a le droit d'interrompre la vie de quelqu'un qui n'en a pas fait la demande, personne ne peut obliger quelqu'un à vivre. D'où la revendication d'un droit à l'euthanasie, qui ne serait nullement selon ces partisans en opposition avec le développement des soins palliatifs. · Ce droit n'impose aucune obligation à quiconque. Personne n'est contraint à exécuter une demande et la clause de conscience est ici impérative. · Le droit de mourir dans la dignité n'est pas un droit ordinaire. Il ne s'agit pas d'un droit accordé à un tiers de tuer. Mais il se présente comme la faculté pour une personne consciente et libre d'être comprise puis aidée dans une demande exceptionnelle qui est celle de mettre fin à sa vie. · L'impératif éthique, dans le débat sur l'euthanasie, consisterait à ne jamais oublier qu'une demande d'assistance à une mort consentie, ou une demande d'euthanasie active, reste l'ultime espace de liberté auquel a droit l'homme. Aucune confiscation de ce droit, toujours révocable, ne serait justifiable sous peine de persister dans une obstination thérapeutique déraisonnable, dont on a vu qu'elle est unanimement condamnée. En termes juridiques, une dépénalisation de l'assistance à mourir devrait protéger suffisamment la liberté de chacun et éviter l'actuelle clandestinité et son cortège de déviances. Pourtant, l'euthanasie active resterait une infraction. Mais dans certaines circonstances, il serait admis des dérogations et des exonérations quant à la culpabilité de celui qui aide à mourir. Ainsi: · lorsque les souffrances existentielles, psychologiques et sentimentales d'une personne sont insupportables et non maîtrisables et que cette personne demande qu'il y soit mis fin, le geste d'interruption de sa vie par un tiers ne devrait pas être incriminable (24) · le caractère intolérable des souffrances subies comme l'absence raisonnable d'autres solutions pour les apaiser devrait être corroboré par le médecin traitant et par un autre soignant ou traitant · la demande d'interruption de vie n'est pas un acte médical mais culturel relevant de la liberté individuelle. Elle doit être lucide, réitérée et libre. Elle se manifeste soit par un témoignage écrit pouvant être confié à un mandataire, susceptible de se substituer à la personne devenue inconsciente ou dans l'impossibilité de s'exprimer, soit par tous moyens explicites. Le tiers intervenant ne doit avoir aucun intérêt personnel ou égoïste à satisfaire cette demande. · La demande d'assistance à une mort consentie doit être formulée librement, consciemment, clairement et de manière réitérée. Elle est toujours révocable, afin de protéger la liberté individuelle et l'autonomie de la personne. Les deux positions en débat sont porteuses de valeurs fortes et méritent attention et respect. Le Comité dans son ensemble le reconnaît et le souligne. Elles apparaissent toutefois inconciliables et leur opposition semble bien mener à une impasse. Faut-il s'y résigner et renoncer à avancer? Face au dilemme, le Comité propose d'aborder le problème différemment. 4. Engagement solidaire et exception d'euthanasie Le Comité renonce à considérer comme un droit dont on pourrait se prévaloir la possibilité d'exiger d'un tiers qu'il mette fin à une vie. La valeur de l'interdit du meurtre demeure fondatrice, de même que l'appel à tout mettre en oeuvre pour améliorer la qualité de la vie des individus. Par ailleurs, la perspective qui ne verrait dans la société qu'une addition de contrats individuels se révèle trop courte, notamment en matière de soins, là où le soignant ne serait plus considéré que comme un prestataire de services (25). Mais, ce qui ne saurait être accepté au plan des principes et de la raison discursive, la solidarité humaine et la compassion peuvent le faire leur. Face à certaines détresses , lorsque tout espoir thérapeutique est vain et que la souffrance se révèle insupportable, on peut se trouver conduit à prendre en considération le fait que l'être humain surpasse la règle et que la simple sollicitude se révèle parfois comme le dernier moyen de faire face ensemble à l'inéluctable. Cette position peut être alors qualifiée d' engagement solidaire . En effet, la solidarité peut être mobilisée dans les cas -sans doute rares- où la mise en oeuvre résolue des trois démarches évoquées ci-dessus (soins palliatifs, accompagnement, refus de l'acharnement thérapeutique) se révèle impuissante à offrir une fin de vie supportable. Peuvent être évoqués, à titre d'exemples, les cas exceptionnels où la douleur n'est pas maîtrisée en dépit des moyens disponibles ; la personne totalement et définitivement dépendante de machines pour vivre, demande à en finir ; la personne irrémédiablement privée de capacités relationnelles a demandé à ne pas voir sa vie prolongée ; le cas des nouveau-nés autonomes et porteurs de séquelles neurologiques extrêmes incurables dont les parents ont été informés. De telles détresses appellent la compassion et la sollicitude. Certes, ces termes peuvent être compris de façon paternaliste, comme sollicitant la pitié ou la commisération. Mais, conjuguées avec le respect et marquées par la recherche d'une relation partenariale authentique, compassion et sollicitude incitent à l'humanité, à la sensibilité et à la solidarité. Dépassant le seul registre du droit moral et de la revendication, elles marquent des ouvertures inédites, autorisées par le partage d'une commune condition. Ces ouvertures exceptionnelles s'articulent autour de la notion de consentir et de consentement . Le champ sémantique ouvert par ces termes comporte en effet trois éléments décisifs qui structurent l'engagement solidaire -dans lequel, par définition, il y va de plusieurs personnes prises dans un commun combat- dans un sens spécifique et précis : · Consentir, c'est évidemment donner ou avoir donné son consentement. Tel est le cas de personnes pouvant, ou ayant pu, participer à l'évaluation de leur état et exprimer leur volonté ; ou encore de personnes qui, incapables au moment de leur fin, ont formellement signifié l'expression de cette volonté antérieurement et l'ont confiée à un tiers. A cet égard, le CCNE rappelle la position prise dans son Rapport sur le Consentement éclairé (26), proposant que toute personne (puisse) désigner pour elle-même un 'représentant' (ou 'mandataire' ou 'répondant'), chargé d'être l'interlocuteur des médecins aux moments où elle est hors d'état d'exprimer ellemême ses choix. Dans le cas déjà évoqué des nouveau-nés autonomes et porteurs de séquelles neurologiques extrêmes, l'accord des parents devrait être requis comme marque de consentement. Hors consentement, aucun acte euthanasique ne saurait être envisagé. Aussi, en l'absence de tiers (pour des personnes sans domicile fixe par exemple) cet acte se révèle-t-il tout simplement inacceptable. · Consentir c'est acquiescer, accepter qu'une chose se fasse, ne pas s'entêter à l'empêcher quand, de toute manière, l'issue en paraît inéluctable. Face à la proximité d'une mort, en fin de vie, au bout du combat, le moyen le plus digne d'agir ne consiste-t-il pas à ne pas masquer ou fuir l'issue fatale, mais à lui faire face et donc à y consentir? · Consentir, c'est enfin sentir avec, s'engager dans un processus dont la finalité idéale est de l'ordre du consensus. Les éventuelles décisions d'actes euthanasiques ne devraient pas se présenter comme des actes solitaires et plus ou moins arbitraires mais comme le fruit de recherches tâtonnantes et communes, produit d'une réflexion aussi con-sensuelle que possible au sein d'une équipe et d'un entourage, consentant à mettre en oeuvre la moins mauvaise solution face à une situation extrême. Dès lors, faire face aux diverses exigences du consentement engage, en situation, à la solidarité et autorise l'action. Celle-ci ne signifie pas l'application aveugle d'une règle impersonnelle et déresponsabilisante, mais la décision m°rement pesée et réfléchie de prendre le risque d'agir au moins mal . Par ailleurs, il n'est jamais sain pour une société de vivre un décalage trop important entre les règles affirmées et la réalité vécue. L'engagement solidaire est, de fait, déjà une réalité, mais, plus ou moins clandestin, il s'exerce de façon inégalitaire et anarchique. De ce fait, s'instaure une manière de déni d'éthique à un double niveau : hypocrisie et clandestinité d'une part ; issues inégales en fonction des procédures et des juridictions sollicitées (lorsqu'elles le sont) de l'autre. Sur le plan du droit, ces constatations ne devraient pas conduire pour autant à la dépénalisation et les textes d'incrimination du Code Pénal ne devraient pas subir de modification. Les juridictions, chargées de les appliquer, devraient recevoir les moyens de formuler leurs décisions sans avoir à user de subterfuges juridiques faute de trouver dans les textes les instruments techniques nécessaires pour asseoir leurs jugements ou leurs arrêts. La procédure pénale pourrait offrir des solutions dont il n'appartient toutefois pas au CCNE de définir les modalités. Tout au plus peut-il tenter de formuler l'une ou l'autre suggestion de nature à contribuer à la réflexion. L'acte d'euthanasie devrait continuer à être soumis à l'autorité judiciaire. Mais un examen particulier devrait lui être réservé s'il était présenté comme tel par son auteur. Une sorte d' exception d'euthanasie, qui pourrait être prévue par la loi, permettrait d'apprécier tant les circonstances exceptionnelles pouvant conduire à des arrêts de vie que les conditions de leur réalisation. Elle devrait faire l'objet d'un examen en début d'instruction ou de débats par une commission interdisciplinaire chargée d'apprécier le bien fondé des prétentions des intéressés au regard non pas de la culpabilité en fait et en droit, mais des mobiles qui les ont animés: souci d'abréger des souffrances, respect d'une demande formulée par le patient, compassion face à l'inéluctable. Le juge resterait bien entendu maître de la décision. D'autres solutions peuvent être envisagées mais tendraient au même résultat, à savoir que les Cours et Tribunaux disposent du moyen légal d'échapper au dilemme que leur pose actuellement dans ces situations le décalage entre le Droit et la réalité humaine. En tout état de cause, devraient être prises en compte les exigences éthiques suivantes: · Il ne pourrait s'agir que de situations limites ou de cas extrêmes reconnus comme tels; · L'autonomie du patient devrait être formellement respectée et manifestée par une demande authentique (libre, répétée, exprimée oralement en situation ou, antérieurement, dans un document). Quels que soient toutefois les termes de sa traduction juridique, l'engagement solidaire affirme comme appartenant à la démarche éthique elle-même, la nécessité de faire front ensemble, sans certitude claire, à ce qui, de toute manière, reste une des limites et un des mystères essentiels de toute existence humaine. *** * Face à la difficile et douloureuse question de la fin de vie et de l'arrêt de vie, le CCNE affirme que la question de l'euthanasie proprement dite ne peut être isolée du contexte plus large que représente le fait de mourir aujourd'hui dans un monde fortement marqué par la technique médicale, ses qualités évidentes, mais aussi ses limites. Le véritable défi devant lequel la société se trouve placée revient à permettre à chacun de vivre au mieux (ou au moins mal) sa mort et, dans la mesure du possible, de ne pas en être dépossédé. La mise en oeuvre résolue d'une politique de soins palliatifs, d'accompagnement des personnes en fin de vie et de refus de l'acharnement thérapeutique doit y conduire. Cette même détermination doit de plus permettre de réduire à des situations rares et exceptionnelles les demandes d'euthanasie proprement dite, sans toutefois réussir à éviter qu'elles ne se posent plus jamais. Faire face à la question euthanasique dans ces cas-là conduit à affirmer des valeurs et des principes touchant tant à la liberté des individus qu'aux exigences du respect de la vie individuelle et sociale. Ces valeurs et ces principes méritent tous la plus grande considération. Mais, de fait, ils entrent en conflit les uns avec les autres et s'avèrent contradictoires, générant ainsi un dilemme qui peut se révéler paralysant. Or le dilemme est lui-même source d'éthique ; l'éthique naît et vit moins de certitudes péremptoires que de tensions et du refus de clore de façon définitive des questions dont le caractère récurrent et lancinant exprime un aspect fondamental de la condition humaine. C'est ainsi qu'il apparaît au CCNE qu'une position fondée sur l'engagement et sur la solidarité est en mesure de faire droit aux justes convictions des uns et de autres et de lever le voile d'hypocrisie et de clandestinité qui recouvre certaines pratiques actuelles. Cette position d'engagement solidaire, mobilisée par les divers aspects de la réalité du consentement comme valeur (respect du consentement de la personne, refus de fuir l'inéluctable, nécessité du débat et d'une décision collective), invite à mettre en oeuvre une solidarité qui ne saurait toutefois s'affranchir du risque que représente un geste qui ne visera jamais qu'à agir au moins mal. Elle pourrait trouver une traduction juridique dans l'instauration d'une exception d'euthanasie. La mort donnée reste, quelles que soient les circonstances et les justifications, une transgression. Mais l'arrêt de réanimation et l'arrêt de vie conduisent parfois à assumer le paradoxe d'une transgression de ce qui doit être considéré comme intransgressable. Si en situation concrète la décision d'arrêter une vie peut aux limites apparaître un acte acceptable, cet acte ne peut se prévaloir d'une évidence éthique claire. Une telle décision ne peut et ne pourra jamais devenir une pratique comme une autre. Cette pratique, fondée sur le respect des droits imprescriptibles de la personne, ne doit tendre qu'à inscrire fermement les fins de vie et, éventuellement, les arrêts de vie, au sein de la vie elle-même et à ne pas exclure d'un monde humanisé les derniers instants d'une existence donnée. 27 janvier 2000 Références [1] Abiven M., Chardot C., Fresco R. (2000), Euthanasie. Alternatives et controverses, Paris : Presses de la Renaissance. [2] Académie nationale de médecine, 'Séance du 18 mai 1999 consacrée à l'accompagnement de la fin de vie', Bulletin de l'Académie Nationale de Médecine, 1999, 183 (5), p. 917-949. [3] American Thoracic Society, 'Withholding and withdrawing life-sustaining therapy', American Review of Respiratory Diseases, 1991, vol. 144, n° 3, p. 726-731. [4] British Medical Association (1999), Withholding and Withdrawing Life-prolonging Medical Treatment- Guidance for Decision Making, Londres : BMJ Books. [5] Chochinov H.C. et al., 'Will to live in the terminally ill', Lancet , 1999, vol. 354, p. 816- 819. [6] Circulaire ministérielle du 26 ao°t 1986 relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale. [7] CCNE, 'Avis concernant la proposition de résolution sur l'assistance aux mourants, adoptée le 25 avril 1991 au Parlement européen par la commission de l'environnement, de la santé publique et de la protection des consommateurs', n° 26, 24 juin 1991, Paris. [8] CCNE, 'Avis sur l'évolution des pratiques d'assistance médicale à la procréation, n° 42, 30 mars 1994, Paris. [9] CCNE, 'Rapport et recommandations sur le consentement éclairé et information des personnes qui se prêtent à des actes de soin ou de recherche', n° 58, 14 septembre 1998, Paris. [10] CCNE, 'Progrès technique, santé et modèle de société : la dimension éthique des choix collectifs', n° 57, 25 mai 1998, Paris. [11] CCNE, 'Rapport sur le vieillissement', n° 59, 8 octobre 1998, Paris. [12] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l'euthanasie, 1980, n° 1790. [13] Conseil de l'Europe, Assemblée parlementaire, Commission des questions sociales, de la santé et de la famille (1999), Protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants. Rapport, Doc. 8421, 15 p. [14] D. Decisier, Conseil Economique et Social (1999), L'Accompagnement des personnes en fin de vie : avis du Conseil Economique et Social. Avis présenté par M.Donat Decisier, rapporteur au nom de la section des affaires sociales. Paris : CES, 87 p. [15] H.Delbecque (1994), Les soins palliatifs et l'accompagnement des malades en fin de vie, Rapport de mission, Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville, Paris : Documentation française. [16] INSERM (1997), Grande prématurité, dépistage et prévention du risque, Rapport d'expertise collective, Paris : Editions INSERM. [17] Loi n° 98-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière. JO 02 08 1991. [18] Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. JO 10 06 99 : 8487. [19] Ordre national des médecins (1995), Code de déontologie médicale, introduit et commenté par Louis René, préface de Paul Ricoeur. [20] Ordre national des médecins (1996), Déontologie médicale et soins palliatifs, Paris : Ordre national des médecins, 31 p. [21] Pie XII, 'Problèmes religieux et moraux de la réanimation', Documentation catholique, 1957, n° 1267, col. 1607. [22] 'Problèmes religieux et moraux de l'analgésie', Documentation catholique, 1957, n° 1247, col. 337-340. [23] SFAP, Collège soins infirmiers (1999), L'infirmier(e) et les soins palliatifs, Paris : Masson. Personnalités entendues : Gilles BERNHEIM, rabbin Dr Yvannick BLANLOEUIL, anesthésiste-réanimateur Dr Géry BOULARD, anesthésiste-réanimateur, président de la Société française d'anesthésiologie Dr Marilène FILBET, chef de service de gériatrie et responsable du service de soins palliatifs, Hospice d'Alix, Hospices Civils de Lyon Bernard GLORION, président de l'Ordre des médecins Dr Jean-Marie GOMAS, responsable du Centre de soins palliatifs de l'hôpital Sainte Périne, Paris M. Adelbert Josephus JITTA, Procureur régional, Pays-Bas M. le Professeur Yvon KENIS, cancérologue, président de l'ADMD belge M. le Professeur Jean KERMAREC, pneumologue, professeur agrégé du Val-de- Grâce, vice-président de l'Association pour le développement des soins palliatifs Mme Elizabeth LAROCHE-LAMBERT, directeur de l'hôpital Emile Roux, Limeil- Brévannes (AP-HP) Monsieur le Pasteur Claude-Jean LENOIR Mme Jeanne MARCHIG, présidente de EXIT-ADMD Suisse Romande Père Bernard MATRAY, Département d'Ethique médicale, Centre Sèvres Soeur NATHANAÀLLE, Diaconesse de Reuilly, Unité de soins palliatifs de la Maison de Santé Claire Demeure, Versailles Madame Béatrice PICCINI, infirmière M. Hocine RAoeS, professeur du droit musulman, Paris V, Directeur des Affaires Culturelles à la Mosquée de Paris Professeur Meinrad SCHÄR, président ADMD EXIT (Suisse allémanique) M. Pierre SIMON, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France Dr Aycke O.A. SMOOK, chirurgien oncologue, Pays-Bas ANNEXES EUTHANASIE : AVIS DE COMITÉS ÉTRANGERS On se rappelle l'émotion suscitée en 1991 par une initiative au Parlement européen visant à autoriser, dans certaines circonstances, l'acte de mettre un terme à la vie d'un malade à sa demande. Le CCNE, par son avis n° 26 du 24 juin 1991 avait réagi très rapidement à cette proposition qui n'a jamais été votée. Cependant, à partir de cette époque plusieurs comités se sont consacrés à une réflexion en profondeur sur les enjeux éthiques de la question de l'euthanasie. Cette étude synthétise le contenu et présente les principales conclusions des comités belge, canadien, danois, luxembourgeois et portugais (27). Tous les rapports, sauf celui émanant du Sénat canadien, sont le fruit du travail d'une instance éthique officielle. Tous, sauf le rapport portugais, posent la question d'une éventuelle modification de la législation en matière d'euthanasie. Sujets traités Belgique : euthanasie active volontaire. Canada : aide au suicide, soins palliatifs, traitement de la douleur (traitements au risque d'abréger la vie, sédation complète) ; abstention et interruption de traitement de survie ; directives préalables ; aide au suicide ; euthanasie non volontaire ( pratiquée dans l'ignorance de la volonté du malade), euthanasie volontaire, euthanasie involontaire (pratiquée contre la volonté du malade). Danemark : euthanasie active volontaire, maîtrise de la douleur, soins de soutien et de nursing en fin de vie, soins palliatifs. Luxembourg : soins palliatifs, acharnement thérapeutique (28)aide au suicide, euthanasie volontaire (plusieurs cas), non volontaire, involontaire, cas du nouveau-né très malformé. Portugal : soins palliatifs, acharnement thérapeutique, instructions préalables, aide au suicide, abstention et interruption de traitement de survie, euthanasie volontaire et non volontaire. Définitions de l'euthanasie Canada : acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui pour mettre fin à ses souffrances. Belgique : acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci. Luxembourg : l'acte de provoquer délibérément la mort d'un malade, d'une personne handicapée ou d'un nouveau-né gravement malformé, l'acte étant posé soit à la demande expresse de la personne concernée soit sans sa demande expresse ou même contre sa volonté ; la gamme des motivations de l'acte d'euthanasie peut s'étendre notamment du respect de l'autonomie du malade ou de la personne handicapée à la pitié et, on ne s'en souvient que trop bien, à des motivations eugéniques. Danemark : l'assistance médicale pour abréger une vie de souffrance insupportable. Portugal : la mort intentionnelle d'un malade provoquée par quiconque, notamment sur décision médicale, même si cela est fait à titre de demande et/ou de compassion. Consensus absolu Un c onsensus absolu existe au sujet de certains actes et attitudes, notamment : - la nécessité d'encourager le développement des soins palliatifs (par la formation médicale, la constitution d'unités de soins palliatifs, et la généralisation des méthodes des soins palliatifs dans tous les services médicaux ayant la charge de personnes gravement malades) ; et la nécessité de traiter la douleur, même au risque d'abréger la vie ; - l'implication de la famille dans l'accompagnement des malades ; - l'acceptabilité, des points de vue médical et moral, de l' abstention ou l'interruption des traitements devenus inefficaces, à condition de tout mettre en oeuvre pour assurer le confort et le bien-être du malade (ce que certains appellent l'euthanasie passive). Il est à noter que le parlement danois a voté une loi sur l'euthanasie passive en 1992. D'après les termes de cette loi, un patient peut toujours refuser un traitement, notamment celui visant à le maintenir en vie artificiellement. Si ces traitements sont inutiles (futile dans la traduction anglaise du rapport), le médecin doit s'abstenir de les réaliser. Si le patient est inexorablement en train de mourir (la mort est attendue dans quelques jours ou quelques semaines), le médecin est autorisé à renoncer à des traitements qui ne font que retarder la mort, et à utiliser des palliatifs, même lorsqu'ils accélèrent la mort. L'esprit de cette loi se retrouve dans le rapport de 1996 du comité luxembourgeois sur l'acharnement thérapeutique : tout patient capable, majeur, bien informé, ayant m°rement réfléchi sur les conséquences de sa décision, a le droit de refuser la mise en place ou la continuation d'un traitement. Le comité luxembourgeois souligne qu'il faut néanmoins instaurer des procédures qui permettraient de vérifier que ces conditions sont satisfaites. Dans les autres pays, de telles décisions sont régies par la déontologie médicale. Cependant, il reste des zones grises où la démarche s'avère difficile, sinon impossible, et où un consensus n'est pas encore acquis. Les rapports canadien et luxembourgeois posent la question de la manière d'agir en présence d'un malade juridiquement incapable, par exemple un majeur inconscient, un enfant, un nouveau-né, ou un malade qui souhaite un traitement considéré comme inutile par le médecin. Le rapport canadien pose la question de l'intérêt qu'il y aurait à préciser l'acceptabilité de ces actes dans un article spécifique de loi : Ces valeurs puissantes -la liberté et l'autonomie- ,[...] ont amené le milieu de la déontologie biomédicale et le milieu juridique à convenir, de façon quasi unanime, que ce que l'on appelait l'euthanasie passive [abstention et interruption de traitement de survie] est légitime du point de vue moral et devrait donc être permis par la loi.. Le rapport suggère de modifier le code criminel canadien en conséquence. Consensus fort mais non absolu La comparaison des rapports met en évidence un consensus fort, mais non absolu, à propos d'autres attitudes et actes (29). Le désaccord existe souvent aussi au sein de chaque comité . - l' aide au suicide est condamnée par l'ensemble des membres du comité portugais, et par la très grande majorité des membres du comité canadien ainsi que par certains membres de la commission luxembourgeoise. Le rapport canadien exprime le souhait d'explorer d'éventuelles solutions de rechange que les personnes pourraient trouver acceptables ; - l' euthanasie volontaire est condamnée par le comité portugais ( il n'existe aucun argument éthique, social, moral, juridique ou déontologique qui justifie en théorie d'en venir à rendre possible par force de loi la mort intentionnelle d'un malade provoquée par quiconque, notamment sur décision médicale, même si cela est fait à titre de demande et/ou de compassion), la très grande majorité des membres du comité canadien, la majorité des Danois et Luxembourgeois. Le comité belge constate l'existence d'opinions divergentes dans la société mais ne les quantifie pas. - l'opinion majoritaire des comités est hostile à la modification de la loi en matière d'euthanasie. Mais une minorité favorable à une modification est notée dans les rapports belge, canadien, et danois. Divergence La question du caractère contraignant des directives préalables divise les comités. Leur attitude est évidemment influencée par le statut juridique déjà accordé ou non à ces directives dans leur pays. Au Canada, par exemple, la plupart des législatures provinciales ont adopté ou envisagent de voter des lois en la matière. Le Comité sénatorial considère qu'elles présentent de grands avantages. Le rapport luxembourgeois est favorable à une certaine prise en considération d'un testament de vie (davantage lorsque le document est établi par un malade en phase terminale lorsqu'il demande que ses souffrances soient prises en charge au risque même d'abréger sa vie). Il rappelle que la convention de bioéthique du Conseil de l'Europe impose un statut légal aux souhaits précédemment exprimés qui devront être pris en compte. Les Portugais envisagent la situation du malade qui, en des circonstances normales et en parfaite conscience, a élaboré des instructions interdisant l'application de certains traitements dans des situations où il ne pourrait exprimer sa volonté, même si ces situations menacent gravement sa vie. Dans ce cas le médecin n'est pas tenu de suivre les instructions préalables principalement s'il existe une probabilité raisonnable que la vie du malade soit sauvée. La méthode de travail des comités Il est peut-être risqué de tirer des conclusions sur la méthode de travail des instances à partir des rapports finis. Cependant, certaines observations peuvent être avancées touchant la relation entre la méthode de travail adoptée et les conclusions de chaque rapport. Le comité spécial du Sénat canadien a tenté de préparer le terrain en vue du vaste débat national qui se tiendra au cours des mois et des années à venir. Pour pouvoir faire le point sur les attitudes du public sur la question, il a procédé à de nombreuses auditions de témoins (selon le principe des auditions nord-américaines toute personne intéressée peut être entendue) et a intégré de très nombreuses citations de ces témoignages dans la présentation des arguments. Sur la base de cette écoute ouverte, le comité affirme en conclusion qu'il existe un sentiment majoritaire contre un changement de la loi. A l'opposé, le comité portugais commence par poser le cadre normatif et déontologique de sa réflexion sur l'attitude médicale appropriée. Il déduit ensuite les positions à tenir quant à une diversité de situations précises, ces positions étant exprimées sur un mode affirmatif, ce qui exclut d'emblée tout argument contraire. Le comité danois présente les arguments favorables et défavorables à l'euthanasie. Le comité belge, quant à lui, constate des divergences irréductibles dans l'opinion mais ne précise pas leur poids réel dans la société. En revanche, il discute quatre propositions relatives à la modification de la loi et donne une légère préférence à celle qui prône une régulation procédurale a priori des décisions médicales les plus importantes concernant la fin de vie, y compris l'euthanasie, après consultation collégiale. Le comité luxembourgeois fait une large place dans l'introduction de son rapport à la terminologie utilisée dans les débats sur l'euthanasie. Il commente et complète les termes proposés dans le rapport canadien et, comme ce dernier, inclut dans sa réflexion des observations sur l'arrière fond sociétal du débat sur l'euthanasie. Il se propose d'étudier la question sous trois angles,- éthique, déontologique, et juridique. Il présente les arguments en faveur de l'euthanasie et ceux qui sont opposés, avant de les discuter à propos d'une série de cas. Ce comité souligne que les positions des uns et des autres se sont rapprochées au cours de ses débats et explicite le contenu de ce qu'il appelle un consensus limité obtenu en dépit de dissensions profondes. Le problème du dissensus social Les rapports de ces comités attestent amplement combien la question de l'euthanasie divise la société. Ce constat, qui était évident avant le début du travail de chaque instance et l'a amené à y réagir. Sur le plan de l'éthique sociale, la question sous-jacente concerne la possibilité de dépasser aujourd'hui l'expression sur un mode conflictuel de divergences de sensibilité à l'égard de l'euthanasie. Est-ce que le processus de discussion propre aux comités d'éthique permettrait d'aboutir à un consensus minimal ? Trois approches peuvent être signalées : - le refus de reconnaître une position opposée. La position unitaire réaffirmée dans le rapport portugais se fonde sur la référence à la vocation de la médecine et aux principes déontologiques, dont découlent des obligations individuelles et sociales. Le silence est fait sur les arguments d'éventuels adversaires de cette position classique. - le refus de trancher. Le rapport belge estime ne pas pouvoir et ne pas devoir trancher dans un débat où les orientations éthiques et les conceptions de la vie et de la mort divergent. Il considère néanmoins que, au vu de l'expérience de sa propre délibération, il sera possible un jour de rapprocher les positions, qui ne sont pas bloquées ou définitives. - la recherche d'un consensus minimal. Le rapport luxembourgeois présente les arguments avancés en défaveur et en faveur de l'aide au suicide et l'euthanasie, puis les réexamine à propos de plusieurs cas de figure (euthanasie volontaire, malade inconscient mais ayant rédigé un testament de vie, euthanasie non volontaire, nouveauné, euthanasie involontaire). Il fait état de dissensions profondes au sein de la commission mais signale que, grâce à la discussion, le groupe est arrivé à un consensus limité à propos de l'euthanasie malgré ces dissensions. Ainsi, certains membres de la Commission qui condamnent en principe l'euthanasie (...) sont toutefois prêts à reconnaître que, dans certains contextes limités et à certaines conditions très restrictives, certaines décisions et certains comportements qu'ils condamnent procèdent d'une évaluation moralement sérieuse et honorable de la situation. Il en résulte qu'ils sont disposés à faire une distinction moralement pertinente entre certains actes d'euthanasie et certains autres et à reconnaître qu'en leur âme et conscience les auteurs des certains comportements qu'ils réprouvent n'ont rien à se reprocher moralement . Gwen TERRENOIRE |
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| Sujet: Re: Comité National d'Ethique et euthanasie 01.02.13 14:09 | |
| Notes(suite...) (1)Le CCNE a présenté les données et les enjeux de l'augmentation de la longévité dans son rapport sur le vieillissement [11]. L'espérance de vie des hommes est légèrement inférieure à celle des femmes. (2)Selon l'étymologie grecque le terme signifie bonne ( eu) mort ( thanatos). (3)Définition de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, 1996. Voir [23] pour la citation complète. (4)La circulaire diffusait les conclusions d'une commission présidée par Madame Geneviève Laroque. (5)L'article L-711-4 du Code de la santé prévoit que les établissements de santé dispensent aux patients les soins préventifs, curatifs ou palliatifs que requiert leur état et veillent à la continuité de ces soins, à l'issue de leur admission ou de leur hébergement. (6)Cf. notamment la Circulaire DGS/DH n° 98-586 du 24 septembre 1998. (7)Voir [18]. (8)Louis René dans son commentaire du Code de déontologie médicale [19]. (9)Cf. encore Problèmes religieux et moraux de l'analgésie, Documentation catholique, 1957, n° 1247, col. 337-340 [22]. (10)Voir notamment les diverses interventions des représentants des familles spirituelles à la séance de l'Académie de Médecine, 18 mai 1999 consacrée à l'accompagnement de la fin de vie. Voir [2]. (11)Cf. p our une analyse des facteurs qui ont conduit à une modification de l'attitude médicale face à l'émergence du phénomène massif de la prise en charge de personnes en fin de vie, Ordre National des Médecins , Déontologie médicale et soins palliatifs, 1996, 31 p.[20] (12)La question de l'attitude à avoir face aux nouveau-nés en état de détresse présente, au plan éthique, des particularités qui seront traitées par le CCNE dans un autre rapport distinct de celui-ci. (13)Voir à ce sujet INSERM, Grande prématurité, dépistage et prévention du risque, Rapport d'expertise collective, Editions INSERM, 1997 [16], et CCNE, Avis sur l'évolution des pratiques d'assistance médicale à la procréation, n° 42, 30 mars 1994 [8]. (14)Voir à ce propos les propositions de l'American Thoracic Society, Withholding and withdrawing life-sustaining therapy, American Review of Respiratory Diseases 1991, vol 144, n° 3, p. 726-731 [3]. (15)Pour de plus amples précisions, on pourra se reporter à: British Medical Association, Withholding and Withdrawing Life-prolonging Medical Treatment \-Guidance for Decision Making, Londres, BMJ Books, 1999, p.10ss [4]. (16)Ainsi lorsqu'après une hospitalisation, un malade souhaite rentrer chez lui pour y mourir, il est indispensable qu'il soit pris en charge par une équipe soignante qui ait immédiatement accès à son dossier médical abrégé. S'il a un médecin de famille, ce dernier doit être informé préalablement de la sortie du malade de l'hôpital et des soins nécessaires. Sinon, le médecin hospitalier doit organiser lui-même le retour à domicile et la prise en charge par un réseau de soins. Faute de quoi, dès la survenue du premier incident, la famille affolée fera appel à un service de médecine d'urgence. Ignorant tout du cas, le médecin appelé risque d'hospitaliser à nouveau ce malade dans un service inadapté, voire en réanimation, seul service accueillant en urgence. Ce qui constitue un mode d'acharnement thérapeutique involontaire. De même il importe que l'équipe médicale hospitalière en situation d'urgence puisse accéder de façon permanente au dossier médical hospitalier du patient, et dans la mesure du possible, aux souhaits de la personne. (17)Voir à ce sujet le rapport du CCNE Progrès technique, santé et modèle de société : la dimension éthique des choix collectifs, n° 57, 25 mai 1998 [10] . (18)Cf. encore définitions et prises de positions de diverses institutions et comités rassemblées et présentées par G.Terrenoire et jointes en annexe. (19)Cf. [9]. (20)Ceux-ci peuvent être d'ordre administratif et concerner l'organisation des soins, autre forme de développement technique. Voir note 16. (21)La plupart des religions affirment avec force la valeur suprême, sacrée, de la vie humaine. Une très bonne relation des positions des grandes religions sur la question est présentée par M. Abiven, C. Chardot, R. Fresco, Euthanasie. Alternatives et controverses, Paris : Presses de la Renaissance, 2000, p. 85-108 [1]. (22)Cf. à ce propos Chochinov H.C. et al., Will to live in the terminally ill, Lancet, 1999, vol. 354, p. 816-819 [5]. ; (23)Cette position est soutenue notamment par l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD). (24)Un certain nombre de pays démocratiques, notamment les Pays-Bas et la Suisse, ont d'ores et déjà légiféré sur l'euthanasie. Dans le cas de la Suisse, l'article 114 du Code pénal condamne l'euthanasie d'une personne à sa demande, tandis que l'article 115 admet l'assistance au suicide, pour peu qu'aucun intérêt personnel ou égoïste du tiers intervenant ne soit en cause. Un projet actuellement en discussion au Conseil Fédéral autoriserait l'euthanasie active réalisée à la demande du malade incurable. (25)Dans son Rapport sur le Consentement éclairé [9] , le CCNE n'a pas jugé souhaitable de trancher entre une conception des soins autoritaire et paternaliste (privant le patient d'autonomie) et une conception exclusivement contractualiste de ceux-ci ; il affirmait alors sa conviction que la juste voie (encore à tracer pour une large part) devait conjuguer les exigences du respect de l'autonomie des personnes et les impératifs liés à la vie en société. (26)Cf. [ 9 ], point 5. (27)Par ordre chronologique les rapports présentés ici sont : Conseil national d'éthique pour les sciences de la vie (Portugal). Avis sur les aspects éthiques des soins de santé ayant trait à la fin de la vie, 1995 ; Comité spécial du Sénat canadien sur l'euthanasie et l'aide au suicide, De la vie et de la mort - Rapport final, 1995 ; Danish Council of Ethics, Euthanasia, summary of a report for use in the public debate, 1996 ; Avis n° 1 du Comité consultatif de bioéthique (Belgique) concernant l'opportunité d'un règlement légal de l'euthanasie, 1997 ; Commission consultative nationale d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (Luxembourg), Avis 1 L'aide au suicide et l'euthanasie 1998. Notre méconnaissance de la langue italienne ne nous a pas permis d'inclure dans notre étude le rapport du Comité national pour la bioéthique d'Italie, Questioni bioetiche relative alla fine della vita umana, 1995. Tous les rapports peuvent être consultés au Centre de Documentation en Ethique de l'INSERM, 71 rue Saint Dominique, 75007 Paris. (28)Ce sujet était déjà traité en profondeur dans l'Avis 1/1996 de la C.N.E. (29)Les pays non cités sont ceux dont le comité n'a pas abordé le sujet. |
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