Vendredi 11 mars 2011 à 06h00 | Mis à jour le 11 mars 2011 à 07h43
Surdose mortelle de morphine à l'hôpital de La Rochelle
Une femme de 71 ans a été terrassée par l'injection d'une dose de morphine dix fois supérieure à celle prescrite.
Le docteur Thierry Godeau présente les deux ampoules de morphine qui ont pu être confondues par l'infirmière. PHOTO XAVIER LÉOTY
Guy Étienne, le procureur de la République de La Rochelle, considérait hier que le décès d'une femme de 71 ans, survenu le 20 février à l'hôpital Saint-Louis de La Rochelle, à la suite d'une erreur médicale d'une infirmière, est « une affaire très claire ».
La victime, domiciliée dans l'agglomération rochelaise, soignée depuis trois semaines dans le service diabétologue pour un cancer, a été terrassée, vers 11 h 15. Soit un quart d'heure après l'injection d'une dose de morphine dix fois supérieure à celle prescrite par le médecin. Cette terrible erreur pourrait provenir de la confusion entre deux ampoules de morphine, l'une petite, l'autre plus grande (voir encadré).
« L'infirmière mise en cause a reconnu les faits en interne et lorsqu'elle a été entendue, le 3 mars lors de sa garde à vue, par la police judiciaire de La Rochelle en charge de l'enquête », poursuivait le magistrat. Les analyses toxicologiques de l'autopsie pratiquée le 28 février, à Poitiers, avaient confirmé la cause de la mort.
« Homicide involontaire »
Le procureur de la République exclut en conséquence l'ouverture d'une information judiciaire et engagera très prochainement des poursuites « pour homicide involontaire » à l'encontre du membre du personnel soignant. « L'infirmière devrait être jugée rapidement ».
Âgée de 29 ans, elle a été laissée en liberté mais a été suspendue de ses fonctions par l'hôpital, « par mesure de précaution, précisait, hier, Daniel Boffard, le directeur de l'hôpital Saint-Louis, lors d'une conférence de presse. Une procédure disciplinaire a aussi été ouverte. » Elle pourrait conduire au licenciement de l'infirmière.
« Cette infirmière est diplômée depuis cinq-six ans. Elle avait été embauchée depuis cinq mois à La Rochelle après avoir travaillé cinq ans en psychiatrie près d'Albi ». Le directeur précise que la jeune femme était « en phase d'adaptation » alors que le docteur Thierry Godeau, président de la Commission médicale d'établissement, ajuste : « Ce dimanche 20 février, il y avait dans ce service deux infirmières pour 21 patients. Il n'y avait pas de manque de personnel. »
Les deux responsables s'associent à la douleur de la famille mais aussi au choc ressenti par le personnel de l'hôpital - « c'est très difficile pour les soignants, ça crée un trouble. Il y a une forte compassion ». Le docteur Thierry Godeau a aussi une pensée pour l'infirmière incriminée : « Elle est très affectée. On est dans l'erreur humaine, la malheureuse erreur humaine ».
Et de rappeler que les gestes prodigués à l'hôpital ne sont jamais sans risque, « même si ce type d'injection est un geste médical banal qui ne nécessite pas un encadrement ».
Discrétion et plainte
Quant à la discrétion qui a entouré le décès et l'engagement de la responsabilité d'un membre du personnel, alors que l'hôpital Saint-Louis a été, dans le passé, plus prompt à communiquer, Daniel Boffard l'explique « au regard de la situation particulière de la famille qui a été reçu le 22 février. Ce même jour, l'établissement a adressé un signalement [du décès] à l'Agence régionale de santé puis au procureur de la République ».
Fin février, les membres de la famille de la victime n'auraient pas envisagé de déposer plainte. Hier, le procureur indiquait que l'époux avait engagé cette procédure sans préciser si l'hôpital était aussi visé.
« Pas d'euthanasie »
Guy Étienne insiste aussi : « Dans ce dossier, il n'est pas du tout question d'euthanasie ».
Ni la famille, ni l'infirmière, ni les différents membres du personnel hospitalier entendus par la police judiciaire n'ont fait état d'une telle hypothèse. La direction du site Saint-Louis avait eu déjà la même conviction. Daniel Boffard rappelle : « Rapidement, il a été procédé à une enquête interne et l'infirmière concevait tout à fait avoir injecté une surdose de morphine mais il n'y avait aucune motivation particulière dans son geste. Il explicite : « C'est la procédure quotidienne de contrôle des toxiques [des produits à caractère stupéfiant, NDLR] dans le service, qui a permis de mettre en évidence ces faits dès le 21 février ».
Concrètement, c'est l'infirmière de nuit, qui vérifie la consommation desdits produits, qui a attiré l'attention en constatant une consommation anormale de morphine (produit stocké dans un placard fermé à clef) au regard des différentes prescriptions. Le risque d'un surdosage pour au moins un patient était tout de suite examiné et c'est alors que le rapprochement avec la mort de la septuagénaire fut fait.
Le décès, le dimanche en fin de matinée, de cette femme hospitalisée n'avait pas suscité d'interrogations particulières puisque son état de santé était jugé grave, « au sens où plusieurs organes étaient touchés », précise le docteur Thierry Godeau.
Pour lui, le dispositif de contrôle interne a eu le mérite de fonctionner, quitte à jeter trouble et douleur.